En Mauritanie, la Snim dans la tourmente

Paralysée par la chute des prix du fer, la première entreprise du pays doit réduire la voilure. L’État aussi, qui compte beaucoup sur ses recettes minières…

Sur le site de Zouerate, où une grève a limité, en 2015, la production totale à 11,6 millions de tonnes. © JOE PENNEY/REUTERS

Sur le site de Zouerate, où une grève a limité, en 2015, la production totale à 11,6 millions de tonnes. © JOE PENNEY/REUTERS

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 24 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

La Société nationale industrielle et minière (Snim), entreprise d’extraction du minerai de fer appartenant pour 78 % à l’État mauritanien, est malade. Faute de fonds, la tour de quinze étages qu’elle construit dans le centre de Nouakchott est figée à l’état de carcasse de béton depuis l’été 2015. La compagnie d’assurance-crédit export Coface vient d’annoncer qu’elle ne couvrirait pas les risques de ses nouveaux contrats. En cause : les prix très médiocres du fer, exporté en priorité vers l’Europe et la Chine, qui fragilisent les comptes de la société mauritanienne.

Il est vrai que la crise est sévère pour tous les miniers du monde : le cours du fer n’a cessé de s’effondrer depuis son record à 187 dollars la tonne en février 2011, ne s’arrêtant en janvier dernier qu’aux alentours de 40 dollars.

Bonne à tout faire

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Dans quelle situation la Snim se trouve-t-elle réellement ? Mohamed Abdellahi Ould Oudaâ, son administrateur directeur général, ne communique pas. Ses cadres ne sont pas venus à la grande manifestation minière annuelle mondiale, Mining Indaba, organisée au Cap début février. Les experts en sont réduits à collecter des lambeaux d’information, voire à décrypter les ragots, pour comprendre comment le fleuron de l’économie mauritanienne réagit dans cette tempête. Comme le souligne un expert européen qui n’a jamais pu avoir copie de ses statuts, « la Snim s’est repliée sur elle-même ».

Oublié l’objectif de 40 millions de tonnes de minerai de fer en 2025 ! L’année 2014 avait été faste avec une production de 13,5 millions de tonnes ; celle de 2015 a plafonné à 11,6 millions de tonnes, en raison d’une grève dure, au printemps, sur le site de Zouerate (Nord-Ouest).

« Bonne à tout faire » des gouvernements successifs, la Snim a mis beaucoup d’argent dans des investissements improbables et ne parvient pas à se défaire de ce bric-à-brac : nouvel aéroport, hôtels, usine de poteaux électriques… et même un institut national d’hépato-virologie ! En cette période de vaches maigres, elle se trouve dépourvue de réserves.

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Il semble que la stratégie de ses dirigeants soit d’abord de récupérer quelques liquidités (d’où la vente à l’État ou à des investisseurs mauritaniens de deux filiales dans les assurances et d’une troisième dans les pierres ornementales en 2015) et de réduire les dépenses – mais à part l’arrêt des investissements, on ne voit pas où sont les économies qui amélioreraient sa compétitivité.

Etat et entreprise sont liés

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La société compte clairement sur une future reprise du cours du fer et se veut prête pour le jour où la demande se réveillera. L’inauguration, en novembre, de l’extension de la mine de Guelb (Zouerate) s’inscrit dans cette stratégie de production accrue. Cet investissement de 924 millions de dollars (environ 872 millions d’euros) aurait permis de créer 946 emplois et d’accroître de 4 millions de tonnes par an la capacité de production de l’entreprise. Cependant, certains experts doutent que Guelb II fonctionne à plein régime et font remarquer que ni l’amélioration de la voie ferrée ni l’extension du port de Nouadhibou, où arrive le minerai, ne sont réalisées.

Le problème, c’est que quand la Snim est malade, l’État mauritanien souffre aussi. Le secteur minier assure plus de la moitié des exportations du pays, un quart de son PIB et 30 % des recettes du budget de l’État. Aussi le Premier ministre, Yahya Ould Hademine, a-t-il mis en place un plan de sauvegarde. Discrètement d’abord, en augmentant la TVA et en évitant de diminuer le prix du carburant au rythme de la baisse des cours du pétrole, afin de réduire les subventions en faveur de l’essence. Puis de façon plus explicite, en demandant aux ministères de suspendre les voyages – et les notes de frais… -, mais aussi de faire la chasse aux « faux fonctionnaires », ceux qui ne viennent pas travailler ou qui ont deux emplois publics rémunérés.

Manifestement, on « gratte » des ouguiyas dans toutes les administrations. Selon le média Mourassiloun (traduit de l’arabe par le site Cridem), l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté aurait diminué de 20 % à 35 % les salaires de ses employés et retourné au Trésor public 190 millions d’ouguiyas (environ 495 000 euros) ainsi économisés.

Persévérer avant une remontée des prix

L’ultime arme pourrait être de faire tourner la planche à billets, mais cet expédient risquerait d’accélérer la dévalorisation de la monnaie nationale par rapport au dollar et de relancer une inflation déjà douloureuse sur les produits alimentaires d’importation. La privatisation de la Snim est exclue parce qu’en l’état elle serait rachetée pour une bouchée de pain.

Dans son malheur, la Mauritanie a une chance. Malgré les gaspillages et les détournements de la manne minière, elle n’a pas trop pris la mauvaise habitude de tirer beaucoup d’argent de son sous-sol, comme l’Algérie ou le Venezuela l’ont fait avec leurs hydrocarbures.

Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais depuis le mois de janvier le fer a retrouvé le chemin d’une petite hausse, et son prix a dépassé début mars 55 dollars. Une amélioration qui demande à être confirmée, d’autant que les prévisionnistes ne s’attendent pas à un véritable regain avant 2017, voire 2020. La Mauritanie et la Snim vont donc devoir persévérer dans la voie de l’assainissement, de la rationalisation et des réformes si elles veulent traverser sans trop de casse sociale et politique la crise actuelle.

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