Tunisie : les enfants de Bourguiba

Si j’étais jihadiste, je réfléchirais à deux fois avant de songer à faire de la Tunisie un émirat.

Un mur criblé de balles suite à l’attaque de Ben Guerdane début mars. © AP / SIPA

Un mur criblé de balles suite à l’attaque de Ben Guerdane début mars. © AP / SIPA

Fawzia Zouria

Publié le 18 mars 2016 Lecture : 2 minutes.

Car il faut tout ignorer de l’histoire de ce pays pour croire que le sinistre drapeau de l’État islamique flottera un jour sur ces terres. Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que l’islam politique est en train de se casser les dents sur la résistance tunisienne. C’est fou, quand même, le nombre de fois où ce peuple a relevé la tête devant les forces obscurantistes qui voulaient le faire plier !

Souvenez-vous. La révolution s’est faite sans l’ombre d’un religieux. Elle n’a pas concédé le titre de martyr au fameux Bouazizi. Puis les Frères musulmans sont arrivés. Ils se sont fait passer pour des anges sauveurs. La prison leur avait dessiné une auréole de saint. Les Tunisiens ont bien voulu leur donner une chance, mais ce n’était pas un blanc-seing pour la charia. Ils espéraient une gouvernance honnête et juste. Ils ont vite déchanté.

Mais la société civile était au tournant. État musulman avant État libre ? Non, monsieur

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Les Frères ont beau avoir invoqué Dieu en politique, ils n’étaient pas meilleurs que les autres : appétit du pouvoir, manque d’expérience, absence de patriotisme, lamentable gestion de l’image de la Tunisie à l’extérieur, enrichissement subit et corruption. Les efforts pour torpiller le projet démocratique furent à l’œuvre dès la rédaction de la Constitution.

Mais la société civile était au tournant. État musulman avant État libre ? Non, monsieur. Toucher à l’égalité entre hommes et femmes ? Vous plaisantez ? Réintroduire la polygamie et restreindre le planning familial ? Et puis quoi encore ? Bref, la Tunisie a signifié aux Frères musulmans qu’elle n’est pas prête à se faire manger. Et cela, Ghannouchi, en renard, l’a compris. Ce n’est pas le contexte extérieur ni le sort fait en Égypte aux Frères qui va l’édifier, c’est d’abord la Tunisie. Sa spécificité et son histoire. Le leader d’Ennahdha a saisi qu’il fallait « tunisifier » le projet islamiste et l’adapter aux mœurs et à l’esprit « citadin » des Tunisiens.

Qu’une bande d’écervelés ait cru pouvoir mettre la main sur une ville tunisienne ferait rire tout le monde s’il n’y avait des victimes dans les rangs de nos soldats

Il y a là de quoi rappeler aux tenants du discours religieux, des plus propres sur eux jusqu’aux « daeshistes » qui ont attaqué Ben Guerdane, que la Tunisie a derrière elle deux mille ans d’histoire. Elle fut la première wilaya à sortir du giron du califat de Bagdad, au début du IXe siècle déjà ! Elle a institué le contrat kairouanais qui n’existait dans aucune contrée d’islam et qui garantissait la monogamie aux femmes. Elle a aboli l’esclavage au XIXe siècle et lancé la première Constitution laïque du monde arabe.

Surtout, elle a eu Bourguiba. Celui qui a dit et répété : « Je suis musulman mais je refuse de gouverner avec la religion. » Ses enfants se sont transmis ce testament. Ils se battront jusqu’au bout. Alors, qu’une bande d’écervelés ait cru pouvoir mettre la main sur une ville tunisienne ferait rire tout le monde s’il n’y avait des victimes dans les rangs de nos soldats. Des soldats qui viennent d’infliger une défaite aussi cinglante que si elle avait été menée par tout un peuple. Et qui l’ont fait au nom de tous les Arabes et de tous les musulmans cibles ou victimes du terrorisme jihadiste. Alors, gloire à leurs ancêtres !

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