Brésil : la défense de Lula, c’est l’attaque !

Placé en garde à vue dans l’affaire Petrobras, le Brésilien nie farouchement avoir touché de l’argent détourné. Plus combatif que jamais, il n’exclut plus de briguer de nouveau la présidence en 2018 !

Remerciant ses partisans, le 5 mars, devant sa maison de Sao Bernardo 
do Campo. La veille, la police avait débarqué chez lui sans crier gare. © ANDRE PENNER/AP/SIPA

Remerciant ses partisans, le 5 mars, devant sa maison de Sao Bernardo do Campo. La veille, la police avait débarqué chez lui sans crier gare. © ANDRE PENNER/AP/SIPA

Publié le 17 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

«S’ils veulent m’abattre, ils devront m’affronter dans les rues de ce pays. […] Moi, j’ai survécu à la faim, et celui qui survit à la faim ne renonce jamais ! » À Sao Paulo, devant plusieurs centaines de ses partisans, Luiz Inácio Lula da Silva, flanqué de Dilma Rousseff, l’actuelle chef de l’État, a lancé la contre-attaque après son placement en garde à vue, au début de mars, dans l’affaire Petrobras. L’ancien président a été entendu trois heures durant, tandis que sa maison de Sao Bernardo do Campo et le siège de l’institut qu’il a créé étaient perquisitionnés.

Selon Carlos Fernando dos Santos Lima, le procureur chargé de l’enquête, il aurait bénéficié de « nombreuses faveurs » : l’équivalent d’environ 7 millions d’euros versés à l’Institut Lula sous forme de dons, qui auraient servi à la rénovation d’un triplex et d’une maison de campagne. Selon le magistrat, qui rappelle que « nul n’est au-dessus des lois dans ce pays », 60 % de cette somme viendrait d’entreprises impliquées dans l’affaire Petrobras, ce tentaculaire scandale de corruption qui empoisonne la vie politique et économique brésilienne depuis deux ans.

Je ne dois rien et je ne crains rien, dit-il

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L’enquête a dévoilé l’existence d’un vaste réseau de corruption : tous les contrats, ou presque, conclus par le groupe pétrolier public donnaient lieu à des surfacturations. Au total, près de 3 milliards d’euros de pots-de-vin auraient été distribués depuis dix ans. Une petite partie de cet argent (entre 1 % et 3 %) aurait alimenté les caisses noires de plusieurs partis. Petrobras a entraîné dans sa chute de nombreux responsables politiques, parmi lesquels des proches de l’ancien président comme José Dirceu, son ancien ministre et chef de cabinet, et João Vaccari, le trésorier du Parti des travailleurs (PT, au pouvoir).

Lula a déjà été entendu à plusieurs reprises dans le cadre de cette affaire. Mais, cette fois, la police fédérale a débarqué chez lui sans crier gare, une méthode qu’il a dénoncée avec virulence lors d’une conférence de presse à la fin de sa garde à vue, au siège du PT, à Sao Paulo : « S’ils voulaient m’entendre, il leur suffisait de me convoquer et j’y serais allé. Je ne dois rien [à personne] et je ne crains rien. » À la suite des critiques de certains juristes et magistrats, le procureur a expliqué sa décision par sa volonté de protéger Lula des mouvements de foule que son transfert au siège de la police fédérale risquait de provoquer.

Lula va devoir à présent tenter de redorer son image et celle du PT. La tâche s’annonce délicate, tant la retransmission en direct de son interpellation par la chaîne de télévision Globo a eu un effet dévastateur. « Cela ressemble davantage à un show médiatique qu’à une enquête sérieuse », s’est-il indigné au cours de sa conférence de presse. Globo, le mastodonte de la presse brésilienne, mène ouvertement campagne contre le PT.

Le retour de l’ancien

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Mais le « guerrier du peuple brésilien » n’est nullement disposé à déposer les armes. Et il n’écarte plus la possibilité de briguer un nouveau mandat en 2018. Les procureurs « ont rallumé la flamme qui m’habite », dit-il. S’il choisissait d’y aller, il serait à n’en pas douter un adversaire redoutable pour la droite. En 2011, quand il a quitté la présidence au terme de deux mandats, il recueillait 80 % d’opinions favorables et bénéficiait d’un soutien quasi unanime au Congrès. N’avait-il pas réussi à sortir de la misère 30 millions de ses compatriotes ? « Nous avons prouvé que, dans ce pays, les pauvres ne sont pas le problème mais la solution. Nous avons créé la « bourse famille », des quotas d’entrée à l’université [pour les Noirs], et ça dérange. »

Le problème est que, depuis cinq ans, la situation a bien changé : l’économie est en pleine récession et Rousseff bat des records d’impopularité. Pour ne rien arranger, l’hebdomadaire Istoé a récemment soutenu que la présidente avait manipulé l’enquête sur Petrobras. Il prétendait se fonder sur les déclarations d’un membre du PT, le sénateur Delcídio do Amaral. Or celui-ci a ultérieurement démenti avoir tenu de tels propos. Quoi qu’il en soit, une certitude : pour Dilma Rousseff et son parti, le cauchemar est loin d’être fini.

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