Allemagne : le coup de semonce de l’extrême droite

Le pays d’Angela Merkel s’est longtemps montré réfractaire aux idées de l’extrême droite. La percée électorale des radicaux de l’AfD constitue donc pour la CDU, au pouvoir, un sérieux avertissement.

Frauke Petry (3e, de g. à dr.) avec d’autres chefs de l’AfD, le 14 mars à Berlin. © XINHUA/ZHANG FAN/MAXPPP

Frauke Petry (3e, de g. à dr.) avec d’autres chefs de l’AfD, le 14 mars à Berlin. © XINHUA/ZHANG FAN/MAXPPP

Publié le 23 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

Un « choc », une « soirée d’horreur »… Dimanche 13 mars, la presse et les partis allemands n’avaient pas de mots assez durs pour commenter la spectaculaire percée de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), le parti d’extrême droite, dans les trois Länder (sur seize) appelés à voter ce jour-là. Les sondages laissaient certes augurer une vaguelette brune, mais pas un mouvement d’une telle ampleur ! En vérité, personne n’a vu venir la claque retentissante infligée aux formations traditionnelles.

En Saxe-Anhalt, l’AfD recueille 24 % des suffrages, pas très loin derrière les chrétiens-démocrates de la CDU, le parti au pouvoir (29,8 %). Les électeurs de ce Land de l’Est, qui estiment être les grands perdants de la réunification, sont traditionnellement enclins à voter pour les partis extrémistes, de gauche ou de droite. Mais ils ne l’avaient encore jamais fait dans de telles proportions.

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Plus inquiétant, dans le Bade-Wurtemberg, région prospère du sud-ouest du pays, l’AfD arrive en troisième position (15,1 %), derrière les Verts (30 %) et la CDU (27 %). De même, en Rhénanie-Palatinat, Land frontalier de la France, elle recueille 12,6 % des voix, derrière les sociaux-démocrates du SPD (36 %) et la CDU (31,8 %).

Un parti qui s’est droitisé

Au total, le jeune parti populiste (créé en 2013) fait élire 61 députés dans ces trois Parlements régionaux. Sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale ! À l’origine, il rassemblait surtout des souverainistes, des eurosceptiques, des cadres et des membres des professions libérales déçus par la CDU. Mais avec l’émergence de Pegida, le mouvement anti-islam, et surtout l’accueil de 1,5 million de réfugiés depuis 2015, il s’est beaucoup droitisé.

Poussé vers la sortie en raison de sa (relative) modération, Bernd Lucke a été remplacé à la tête de l’AfD par Frauke Petry, née il y a quarante ans en RDA. En février, cette mère de quatre enfants récemment séparée de son mari pasteur a horrifié l’opinion en suggérant que les policiers fassent usage de leurs armes pour empêcher les migrants, femmes et enfants compris, de pénétrer sur le territoire allemand.

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La politique plus sociale du CDU

« Il s’agit d’un parti protestataire qui n’a même pas encore de programme, analyse Andrea Römmele, chercheuse à la Hertie School of Governance, à Berlin. Pendant la crise de l’euro, ils étaient anti-euro. Depuis la crise des réfugiés, ils sont antimigrants, et donc anti-Merkel », la chancelière étant accusée de se montrer trop généreuse à leur égard. Mais l’AfD est composée de plusieurs courants et n’a aucune ligne directrice claire. À l’épreuve du pouvoir, elle risque de se déchirer. Près de 1 million d’électeurs ont néanmoins voté pour elle. Combien seront-ils lors des élections générales de septembre 2017 ? Depuis qu’elle a formé une coalition avec le SPD, la CDU d’Angela Merkel mène une politique plus sociale dont témoigne l’instauration d’un salaire minimum. « Du coup, sa frange la plus radicale a tendance à s’en détourner », poursuit Andrea Römmele.

La chancelière pourrait consacrer davantage d’argent à l’intégration des demandeurs d’asile afin de montrer qu’elle a la situation bien en main

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L’AfD ne s’est toutefois pas contentée d’attirer les déçus des partis traditionnels, elle a aussi convaincu nombre d’abstentionnistes chroniques de se rendre aux urnes. « J’y vois une normalisation de la vie politique, la preuve que la démocratie allemande fonctionne plutôt bien, tempère l’universitaire berlinois Gero Neugebauer. Dans le passé, il est arrivé que des partis d’extrême droite, notamment le NPD, décrochent des sièges dans tel ou tel Land sans que celui-ci s’effondre pour autant. »

Pour couper l’herbe sous le pied aux contestataires et calmer les inquiétudes d’une partie de ses compatriotes, la chancelière pourrait consacrer davantage d’argent à l’intégration des demandeurs d’asile afin de montrer qu’elle a la situation bien en main. À l’inverse, il est possible qu’elle se réapproprie certains thèmes de droite pour ramener à elle les brebis égarées, mais sans durcir pour le moment sa politique migratoire. Bref, elle ambitionne de récupérer les voix de l’AfD sans faire fuir son électorat classique. Sa marge de manœuvre n’est pas forcément très grande.

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