UEMOA – François Albert Amichia : « L’homme est au cœur de nos priorités »

Le ministre ivoirien des Sports, maire de Treichville, préside le Conseil des collectivités territoriales de l’UEMOA depuis 2012. Pour lui, les principaux défis urbains sont ceux du développement humain.

Le ministre ivoirien des Sports et maire de Treichville, François Albert Amichia, dans son bureau. © OLIVIER POUR J.A.

Le ministre ivoirien des Sports et maire de Treichville, François Albert Amichia, dans son bureau. © OLIVIER POUR J.A.

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Publié le 1 avril 2016 Lecture : 6 minutes.

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Sommaire

L’hyperactif François Albert Amichia est sans doute l’homme qu’il fallait pour faire bouger les choses à la tête du Conseil des collectivités territoriales de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (CCT-UEMOA), qu’il préside depuis avril 2012. Il y a longtemps que l’enseignant-chercheur a quitté la faculté des lettres, des arts et sciences humaines de l’université de Cocody pour se consacrer au développement local. L’actuel ministre ivoirien des Sports est en effet maire de Treichville, l’une des dix communes d’Abidjan, depuis 1996 (et conseiller municipal depuis 1980).

Depuis lors, il n’a cessé de batailler pour que l’urbanisation s’accompagne de la réalisation d’infrastructures sociales adéquates : assainissement, services d’éducation, de santé, de secours… Une autre de ses grandes priorités est la sécurité en milieu urbain (il est président du Forum ivoirien pour la sécurité urbaine et président régional pour les pays francophones du Réseau global des villes plus sûres de l’ONU-Habitat). Compte tenu des faibles moyens accordés par les États aux collectivités locales, il a d’abord misé sur les synergies transfrontalières entre les villes et les territoires de l’UEMOA pour accélérer la mise en place des équipements et des services indispensables en matière de transports et de développement économique.

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Jeune Afrique : Quel bilan faites-vous des quatre premières années du CCT-UEMOA ?

François Albert Amichia : Le CCT a été créé par un acte additionnel des chefs d’État et de gouvernement de l’Union le 30 mai 2011, et, depuis son installation à Niamey, en avril 2012, nous avons lancé huit programmes intégrateurs, concernant entre autres la coopération transfrontalière, la paix, la sécurité, la décentralisation financière et la gouvernance. Avant ma prise de fonctions, nous étions partis d’un constat simple : il y avait très peu de partenariats entre les villes de l’Union. Or si les frontières nous séparent, de manière bien souvent artificielle, les peuples sont presque les mêmes de part et d’autre, avec une culture identique. Nous avons donc axé nos efforts sur une meilleure coopération transfrontalière.

Un exemple ? Nous avons créé l’espace SKBO, pour Sikasso, au Mali, Korhogo, en Côte d’Ivoire, et Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. Cette action pilote, menée en coopération avec des partenaires européens, a permis de provoquer des synergies, de faciliter les échanges de biens et les déplacements des personnes entre ces villes. Avec du personnel médical et des responsables des trois pays, nous avons notamment développé un centre de santé à Ouarokuy-Wanian, à la frontière entre le Faso et le Mali, qui marche très bien. Nous avons aussi créé la zone IIRSahel [Initiative pour l’intégration des infrastructures régionales au Sahel] entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, pour soutenir les éleveurs grâce, entre autres, au balisage des pistes transfrontalières de transhumance et à la construction d’abattoirs-séchoirs à Taka [Niger].

En 2015, le maire de Bouaké a lancé l’idée d’un réseau des villes secondaires de l’UEMOA

Aujourd’hui, quelles sont les priorités pour Abidjan et, plus généralement, pour les villes ouest-africaines ?

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Comme toutes les métropoles, Abidjan doit faire face à l’immense défi de la salubrité. Nous nous efforçons de créer des infrastructures dans le domaine de l’assainissement des eaux usées. La sécurité est une autre de nos priorités, en particulier au regard de la menace terroriste qui pèse sur nos grandes agglomérations. Nous attachons aussi beaucoup d’importance aux villes moyennes. En 2015, le maire de Bouaké a lancé l’idée d’un réseau des villes secondaires de l’UEMOA. Cela va permettre de travailler ensemble dans des domaines aussi différents que les transports, les migrations et, évidemment, la prévention en matière de sécurité. Ce qui est important, c’est que désormais nous échangeons davantage nos informations.

Et que la décentralisation soit effective…

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C’est la base de notre mission. Mais les États ne s’en donnent pas encore les moyens. La part du budget qu’ils allouent à la décentralisation est de 2 % en moyenne. Il faudrait qu’ils y consacrent au minimum 5 %… Notre plus gros problème aujourd’hui c’est le financement.

Il est urgent d’améliorer les conditions de vie des populations, tant sur le plan social que sur le plan économique

Comment associer les habitants au développement urbain pour mieux répondre à leurs besoins ?

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, qui a été élu pour assurer la présidence tournante de l’UEMOA lors de son 19e sommet, à Cotonou, en janvier, est un fervent partisan de l’intégration des économies et des peuples. Nous savons que c’est la meilleure arme contre la guerre. Et nous voulons donner un coup d’accélérateur au développement de nos villes. Il est urgent d’améliorer les conditions de vie des populations, tant sur le plan social que sur le plan économique. Tout le reste suivra !

Nous voulons donc aider les populations à mieux s’insérer dans la ville, à trouver du travail, pour qu’elles puissent, demain, mieux se loger et bénéficier d’un cadre de vie plus confortable… Ce qui a changé, avec l’institution communautaire que je dirige, c’est que nous mettons l’homme au cœur de nos priorités.

Et concernant l’environnement ?

Bien entendu, le volet écologique fait partie de nos préoccupations, mais chaque chose en son temps. En juin 2015, six mois avant la COP21 de Paris, les présidents de région, les élus locaux et les représentants des collectivités territoriales d’Afrique se sont réunis à Yamoussoukro à l’occasion du Sommet des villes et régions d’Afrique pour le climat.

Nous avons signé une déclaration commune dans laquelle nous nous engageons à participer aux efforts contre le réchauffement climatique.

Nous allons développer des partenariats pour favoriser les transferts de technologies. Et le CCT souhaite pouvoir appuyer les collectivités territoriales de l’UEMOA pour qu’elles conçoivent et mettent en œuvre 3 000 plans climat territoriaux intégrés.

MÉCANIQUE FINANCIERE

Cinq ans après sa création à l’issue du sommet de Lomé, le Conseil des collectivités territoriales de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (CCT-UEMOA), qui regroupe les 3 000 collectivités locales des 8 pays de l’Union, aspire à prendre un peu plus de poids en passant du statut d’instance consultative à celui d’organe exécutif. C’était l’un des deux grands dossiers sur lesquels ont planché ses commissions techniques, réunies du 17 au 19 février à Ouagadougou, avec celui du futur mécanisme communautaire de financement des collectivités territoriales, sur lequel le CCT travaille d’arrache-pied depuis son installation, en 2012.

Ce dispositif régional innovant repose sur trois composantes, qui vont permettre de diversifier les ressources financières des municipalités : la subvention, réservée aux plus défavorisées d’entre elles ; l’emprunt et les marchés financiers, pour les capitales et grandes métropoles dotées d’une capacité de financement (Dakar, Abidjan, Ouagadougou…) ; et l’« appui institutionnel », dont l’objectif est de renforcer les collectivités en matière de gestion financière et de transparence, de façon à garantir une meilleure traçabilité des fonds reçus, que ce soit par la subvention ou par l’emprunt. Pour « monter » ce mécanisme, le CCT est accompagné par le Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV), créé à l’initiative des Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) et de Metropolis (l’association mondiale des grandes métropoles) pour aider les grandes agglomérations à monter leurs projets de développement et à les financer.

Leur feuille de route 2016-2017 est chargée : création d’un comité de préfiguration du mécanisme, consultations politiques et techniques auprès des partenaires impliqués… Les textes élaborés à Ouagadougou à la fin de février sur le statut du CCT et sur le mécanisme de financement des collectivités seront soumis à la mi-septembre au chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, président en exercice de l’Union.

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