Angola : l’énigme « Zedu » Dos Santos

Le président angolais a annoncé qu’il se retirerait en 2018. Étrange, car cette date ne coïncide pas avec la fin de son mandat… Serait-ce une nouvelle ruse, ou est-il vraiment las du pouvoir ?

Au pouvoir depuis septembre 1979, il est le deuxième plus ancien chef d’État africain en exercice. © JAMES OATWAY/PANOS-REA

Au pouvoir depuis septembre 1979, il est le deuxième plus ancien chef d’État africain en exercice. © JAMES OATWAY/PANOS-REA

Christophe Boisbouvier

Publié le 23 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

«J’ai pris la décision de quitter la vie politique en 2018 »… En prononçant cette petite phrase, le 11 mars, devant le comité central du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), son parti, José Eduardo dos Santos en a surpris plus d’un. À 73 ans, le numéro un angolais n’est pas le chef d’État le plus âgé du continent, loin s’en faut. Mais il est au pouvoir depuis septembre 1979, ce qui fait de lui le deuxième plus ancien président africain en exercice, juste derrière l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui ne le devance que d’un petit mois. Alors, lassitude ? ruse de guerre ?

Un départ déjà annoncé de nombreuses fois

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Ce n’est pas la première fois que « Zedu » – comme l’appellent les Angolais en faisant la contraction de ses deux prénoms annonce son départ de la Cidade Alta, le palais rose et blanc qui domine la superbe rade de Luanda. En 2002, puis en 2005, il avait déjà insinué qu’il allait se retirer. La seconde fois, le général Miala, le chef des services de renseignements, avait cru que son heure était arrivée. Aussitôt, il a été limogé et traîné devant un tribunal militaire…

Le jeune dos Santos ne se bat pas avec une arme, mais avec un poste émetteur. C’est moins dangereux, et tout aussi indispensable

Depuis sa jeunesse, dos Santos est fin manœuvrier. En 1963, sous la colonisation portugaise, la direction en exil du MPLA l’envoie en Union soviétique. Là, dans la ville pétrolière de Bakou, il se spécialise dans les transmissions militaires et rencontre une championne d’échecs, Tatiana Kukanova, qui lui donne une fille, Isabel, aujourd’hui la femme la plus riche d’Afrique. En 1970, de retour dans le maquis anti-portugais, il met en place tout le système de communications des guérilleros du MPLA dans les forêts du Cabinda.

Le jeune dos Santos ne se bat pas avec une arme, mais avec un poste émetteur. C’est moins dangereux, et tout aussi indispensable. À l’indépendance, en 1975, il siège déjà au comité central du MPLA. Et à la mort du président Agostinho Neto, en 1979, cet homme de 37 ans présente l’avantage d’être noir dans une assemblée de métis et de Blancs. Ceux qui le portent à la présidence croient qu’il ne sera qu’une marionnette. Ils vont vite déchanter.

Dans le collimateur des défenseurs des Droits de l’homme

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Véritable stratège de l’effacement, dos Santos est insaisissable. Jonas Savimbi, son adversaire des années 1975-2002, disait qu’il n’était jamais parvenu à capter son regard. Surtout, Zedu est un grand pragmatique. Dans les années 1980 – la dernière décennie de la guerre froide -, il réussit le tour de force de s’allier militairement à l’URSS et à Cuba, et commercialement avec les États-Unis, dont les majors achètent son pétrole. Aujourd’hui, le président angolais continue de s’appuyer sur deux piliers, l’armée et le pétrole.

En décembre 2015, il s’est résolu à faire sortir de prison le rappeur Luaty Beirao

Longtemps, il a pu réprimer ses opposants et les indépendantistes cabindais en toute impunité. Mais, depuis l’an dernier, il est dans le collimateur des organisations de défense des droits de l’homme et du Parlement européen. En décembre 2015, il s’est résolu à faire sortir de prison le rappeur Luaty Beirao et les quatorze autres opposants qu’il avait fait arrêter en juin, et à les placer en résidence surveillée.

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Que vaut sa promesse de départ ? « Le président espère que l’économie nationale se redressera en 2018. À moins que la crise ne s’aggrave, je pense qu’il partira à la fin de cette année-là », prédit Alex Vines, le directeur Afrique du think tank britannique Chatham House. « Quand il dit qu’il va s’en aller en 2018, il signifie qu’il se présentera au prochain scrutin, en 2017, puis décidera si le pays est assez stable pour quitter le pouvoir », pronostique de son côté Paula Roque, spécialiste de l’Angola à l’université d’Oxford. De fait, ce choix est déroutant. Pourquoi ne part-il pas à la fin de son mandat, l’an prochain ? Pourquoi repousse-t-il son départ à l’année suivante ? Zedu est plus insaisissable que jamais.

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