Niger : Mahamadou Issoufou, l’opposition et la communauté internationale
Face à la menace de chaos brandie par l’opposition, le chef de l’État nigérien tout juste réélu prône l’apaisement. Un geste aussi destiné à rassurer la communauté internationale.
Au lendemain de sa réélection, qui a été validée par la Cour constitutionnelle le 30 mars, Mahamadou Issoufou souffre-t-il d’un déficit de légitimité ? C’est ce que clament tous ses opposants. Le 20 mars, au second tour de la présidentielle, le sortant a été reconduit avec le score « soviétique » de 92,4 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation de 59,7 % que l’opposition ne juge pas crédible.
Elle ne veut pas croire, par exemple, que 98,9 % des inscrits de la commune de Takanamat, dans le département de Tahoua – un fief de la majorité -, ont réellement pris part au vote. « C’est une parodie électorale », affirme Amadou Boubacar Cissé, le porte-parole de la Coalition de l’opposition pour l’alternance (Copa 2016). Son objectif est clair : discréditer l’élection pour enlever toute légitimité au vainqueur.
« Si on avait voulu bourrer les urnes, on l’aurait fait dès le premier tour », réplique Hassoumi Massaoudou, le ministre nigérien de l’Intérieur, qui rappelle qu’avec 48,4 % des voix le sortant a frôlé la victoire dès le 21 février et n’a pas essayé « d’arrondir » son score à 50 %. « C’est comme au Bénin avec Patrice Talon. Dès l’annonce des résultats du premier tour, tout le monde savait qui allait gagner. Cette élection bénéficie d’une très forte légitimité », renchérit Mohamed Bazoum, le ministre d’État à la présidence.
Toutefois, un proche du président Issoufou concède : « Comme les délégués de l’opposition n’étaient pas présents dans les bureaux de vote au second tour, certains présidents de bureau n’ont pas été très stricts et n’ont pas exigé toutes les pièces nécessaires pour voter. Mais dans leur majorité, les Nigériens sont allés aux urnes. »
La politique de l’apaisement
Pour les leaders de la Copa 2016, la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle, qui est intervenue le 30 mars, constituait le point de départ d’une « résistance citoyenne ». « Toutes les conditions de la violence et du chaos seront alors réunies », affirmaient-ils. Mais la menace de la rue ne semble pas effrayer le président Issoufou. « Certes, l’opposition est majoritaire à Niamey. Mais il faut faire la différence entre le vote et la rue ».
Les opposants ne bougeront pas », pronostique son ministre de l’Intérieur. Y a-t-il un risque de coup d’État militaire ? « Depuis un an, l’opposition est dans une démarche putschiste, accuse Hassoumi Massaoudou. Mais au Niger, la tradition des coups d’État est en train de s’estomper. » Bref, le chef de l’État nigérien semble faire sien le proverbe : « Les chiens aboient, la caravane passe »…
Mahamadou Issoufou veut surtout montrer à la communauté internationale qu’il joue l’apaisement et l’ouverture
Depuis l’annonce des résultats, le vainqueur tend la main à ses adversaires. Il leur a proposé d’entrer dans un gouvernement d’union nationale et reste officiellement ouvert au dialogue, sous conditions. Est-ce un aveu de faiblesse ? Pas sûr. En bon tacticien, Mahamadou Issoufou se doute que ses opposants ne vont pas mordre à l’hameçon du jour au lendemain, mais il veut surtout montrer à la communauté internationale qu’il joue l’apaisement et l’ouverture.
« Nous n’avons pas besoin de la reconnaissance de nos opposants », assure volontiers Mohamed Bazoum. Sous-entendu : « Nous avons besoin de celle de la communauté internationale. » De fait, l’Union européenne valide la réélection de Mahamadou Issoufou, tandis qu’en France le Parti socialiste, au pouvoir, le « félicite chaleureusement ». La France se fera d’ailleurs représenter par André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la Francophonie, lors de la cérémonie d’investiture prévue samedi 2 avril. De nombreux chefs d’État y sont annoncés parmi lesquels Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Idriss Déby Itno (Tchad), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso), Macky Sall (Sénégal), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Faure Gnassingbé (Togo), et Alpha Condé (Guinée)… La présidence algérienne a quant à elle désigné le président de l’Assemblée populaire nationale (APN), Mohamed-Larbi Ould Khelifa, pour la représenter.
Arrivé troisième au premier tour, l’opposant Seini Oumarou se dit « déçu » par ces manifestations internationales de soutien à Issoufou. « Chez nos partenaires, il y a deux poids deux mesures », déplore l’ancien Premier ministre. Le président Issoufou est habile, mais s’il veut vivre un second quinquennat sans encombre, il devra trouver un modus vivendi avec ses opposants.
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