Hubert Védrine : « La France est le pays développé le plus difficile à réformer »

Hubert Védrine est ancien secrétaire général de l’Élysée (1991-1995), ancien ministre des Affaires étrangères (1997-2002).

Selon Hubert Védrine, « en France, l’opposition refuse les textes qu’elle voterait si elle était au pouvoir. » © BALTEL / SIPA

Selon Hubert Védrine, « en France, l’opposition refuse les textes qu’elle voterait si elle était au pouvoir. » © BALTEL / SIPA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 6 avril 2016 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : La France est-elle irréformable ?

Hubert Védrine : Elle est le pays développé le plus difficile à réformer. En témoignent la pléiade de livres décrivant notre société comme bloquée et le nombre incalculable de rapports réformateurs… sans effet. Quand j’étais étudiant à Sciences-Po, nos maîtres nous disaient déjà que la France préférait la révolution à la réforme…

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Est-ce à dire que les hommes politiques sont des lâches ?

Ce serait trop simple. On a certes les hommes politiques qu’on mérite, mais c’est un ensemble politico-médiatique qui s’est constitué et qui paralyse le changement. Du coup, les réformateurs n’osent pas se présenter comme tels lorsqu’ils sollicitent le suffrage des électeurs. C’est dramatique !

Entendons-nous sur le terme de « réforme ». Il s’agit de reprendre le contrôle de la finance publique dans un pays champion du monde des prélèvements fiscaux et de réduire le coût de la protection sociale, tout en sauvant le système.

Toutes les tentatives pour réformer en profondeur la dépense publique, le marché du travail, le système des retraites ou la formation ont échoué depuis qu’en 1995 Jacques Chirac a lâché Alain Juppé, son Premier ministre, sur le dossier des retraites – lequel avait mis des foules dans la rue. Le système politique est toujours terrorisé par cette épée de Damoclès.

Il faut au préalable avoir une vision stratégique, identifier les obstacles et expliquer longuement pour convaincre

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Comment faire bouger les choses ?

Il faut au préalable avoir une vision stratégique, identifier les obstacles et expliquer longuement pour convaincre comme ont su le faire le Canada ou les pays scandinaves.

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De ce point de vue, la loi El Khomri, qui est nécessaire, est un parfait contre-exemple. Dommage ! Elle sera adoptée mais édulcorée. Pourvu qu’elle n’aggrave rien !

Dans mon livre La France au défi [Fayard, 2014], je suggérais que les grands partis de gouvernement forment une coalition momentanée pour mener à bien deux ou trois réformes clés. Je me suis trompé : en France, l’opposition refuse les textes qu’elle voterait si elle était au pouvoir.

La démocratie voudrait qu’un candidat à la présidence annonce ses réformes durant la campagne, ce que ni François Hollande, ni Nicolas Sarkozy, ni Jacques Chirac n’ont vraiment fait. Élu sur ces bases, il serait plus fort pour agir.

Il faut de la pédagogie avant l’élection pour persuader ; de la pédagogie avant la mise en œuvre pour rassurer ; du courage pour lancer la réforme ; et toujours de la pédagogie pour l’accompagner. Cette pédagogie omniprésente, c’est le contraire de la com. Quel candidat annoncera la couleur en 2017 ?

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