Guinée : une tablette pour les étudiants
Depuis octobre 2015, le ministère de l’Enseignement supérieur et des partenaires privés distribuent une tablette numérique spécialement conçue pour les étudiants guinéens.
Le patient guinéen
Passé la réelection d’Alpha Condé, puis l’annonce de la fin de l’épidémie d’Ebola qui a isolé le pays pendant deux ans, la Guinée prend un nouveau départ. Mais le redémarrage s’avère plus laborieux que prévu.
La tablette numérique Sincery (du nom d’une montagne de Dabola, préfecture du centre de la Guinée), dont les contenus et interfaces pédagogiques et documentaires ont été spécialement conçus pour les étudiants guinéens, est une autre innovation de l’année académique 2015-2016. Conçues par la société française EVI et assemblées en Chine, ces tablettes sont commercialisées par Guico Multiservices International (GMI), une filiale de Guicopres (le groupe de l’homme d’affaires Kerfalla Person Camara). Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) et l’institution de microfinance Jatropha, à l’origine de l’opération, ont déjà passé commande. Et la Sincery a mobilisé des partenaires aux profils bien différents.
Une première livraison de 25 000 tablettes
Les premières ont été distribuées début octobre 2015 à l’université Gamal-Abdel-Nasser de Conakry (Uganc) par le chef de l’État, Alpha Condé, dans le cadre de l’opération « Un étudiant, une tablette », l’une des actions de l’« Initiative présidentielle pour les technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement ».
Le coût d’une tablette est de 150 dollars (environ 135 euros), subventionné pour moitié par l’État. Pour l’acquérir, les étudiants doivent souscrire un crédit-bail sur une durée de deux années universitaires (dix-huit mois) auprès de Jatropha, auquel ils remboursent 25 000 francs guinéens (2,90 euros) par mois.
La livraison du premier lot de 25 000 tablettes au sein des 17 universités et établissements d’enseignement supérieur et technique du pays a pris du retard, mais ce sera réglé « avant la fermeture des classes, fin juillet », assure le directeur général de Jatropha, Alpha Bacar Barry. « On attend juste que le financement [10 millions de dollars, environ 9 millions d’euros] soit bouclé », ajoute le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Abdoulaye Yéro Baldé. À partir de l’année prochaine, l’assemblage des 75 000 tablettes du deuxième lot se fera non plus en Chine, mais à l’Institut supérieur de technologie de Mamou, où une unité d’une capacité de production de 300 unités par jour est en cours d’installation.
Des supports qui facilitent l’accès au savoir
L’idée est venue de réflexions menées sur l’Espace numérique universitaire et scolaire (Enus, devenu partenaire du projet Sincery), une plateforme financée par l’ambassade de France afin de numériser des livres et de concevoir des cours, dont la diffusion auprès des étudiants se faisait sur CD. « Ce support n’était pas assez adapté, constate Alpha Bacar Barry. C’est ainsi que l’on a pensé à le remplacer par Sincery. Le défi était de concevoir des tablettes résistantes, plus grandes que la moyenne et moins coûteuses. C’est le quatrième prototype qui a été validé. » Soit une tablette Android de 32 gigaoctets (Go), dotée d’un accès internet en wifi de 3G et d’un écran de 7 pouces.
« On ne peut pas y installer tous les cours, mais elle s’accompagne d’une clé USB, et la mémoire est extensible. Nous avons aussi créé des MOOC [massive open online courses : « cours en ligne ouvert à tous »], et nous y ajouterons progressivement l’ensemble des ressources pédagogiques et documentaires guinéennes et étrangères, ainsi que des liens avec notre mooc principal. C’est l’aspect le plus important de l’innovation », précise le directeur général de Jatropha.
En effet, dans certaines universités guinéennes, faute de salles, de places et d’enseignants en nombre suffisant, les étudiants n’ont que deux cours par semaine. Avec les MOOC et la tablette, ils pourront en avoir tous les jours, avancer à leur rythme grâce à des contenus pédagogiques validés par la chambre des enseignants de rang magistral (un service du MESRS) et accéder à 100 000 ouvrages numériques. Afin de les familiariser avec ce nouvel outil, des agents techniques organiseront des « clubs Sincery » dans les établissements à la prochaine rentrée.
SE DÉPLOYER POUR MIEUX SURFER
Avec les investissements réalisés dans la 3G et, depuis 2012, le déploiement vers l’intérieur du pays, à Conakry, des 14 000 km de fibre optique à partir du point d’atterrissage du câble sous-marin ACE (Africa Coast to Europe), l’accès au réseau s’améliore. Le taux de pénétration de l’internet est passé 0,9 % en 2010 à 17 % en 2014, et son nombre d’utilisateurs de 30 000 à 1,8 million, selon le rapport publié en 2015 par l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT). Sur la même période, le taux de pénétration de la téléphonie mobile est passé de 40,4 % à 88,5 %, et le nombre d’abonnés de 4,2 à 10 millions, avec un taux d’accessibilité à la 3G allant de 95 % à 99,4 % chez les trois opérateurs détenteurs d’une licence 3G fin 2014.
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