Transport routier : Guiter, le roi du bitume en Guinée

Si son siège est à Conakry, Guiter concentre le gros de ses forces et de ses chantiers dans l’est du pays. Reportage dans le fief du leader guinéen des travaux publics.

Travaux de voirie à Kouroussa, en Haute Guinée. © DR

Travaux de voirie à Kouroussa, en Haute Guinée. © DR

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Publié le 13 avril 2016 Lecture : 6 minutes.

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C’est dans le quartier de Kankan-Koura, sur la rive sud du fleuve Milo, qui traverse la commune urbaine de Kankan, en Haute Guinée, que la Guinéenne de terrassement routier (Guiter SA) a établi sa base logistique – tout près de l’usine de jus de fruits et du « projet coton » qui se sont éteints avec Sékou Touré, au milieu des années 1980, et qu’Alpha Condé tient à réanimer. Parc d’engins, centrale d’enrobage, laboratoire d’analyse des matériaux, bureaux du personnel… Le gros des forces de Guiter semble concentré à Kankan, bien que le siège de l’entreprise se trouve à 690 km à l’ouest, à la Cité Chemins-de-Fer de Kaloum, dans le centre-ville de Conakry.

Le leader guinéen du BTP, dont les principaux chantiers de terrassement et de bitumage se trouvent en Haute Guinée, a en effet déployé l’essentiel de ses moyens matériels et humains à Kankan et dans sa région. Notamment à Balandou et à Sanfina, localités situées respectivement à 18 km au sud et à 17 km à l’est de la capitale régionale, où Guiter a installé une bonne partie de son arsenal logistique : une centaine de camions-bennes fraîchement sortis d’usine, une centrale à béton, des citernes, des bulldozers, des excavateurs, des compacteurs, des bétonneuses de dernière génération, etc. Sans oublier de nouveaux bâtiments, qui vont bientôt accueillir des bureaux et des logements pour les employés de la société, sa « base vie ».

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Les trois grands projets de Guiter

Fondée en 1989 par Ansoumane Kaba, son PDG, Guiter a racheté en 1996 les équipements et infrastructures de la Brigade routière, une société établie à Kankan et spécialisée dans le désenclavement des zones de production cotonnière de Haute Guinée. L’entreprise s’est donc naturellement développée dans la région, où elle a élargi ses activités à travers Guiter Route, puis Guiter Carrières, qui fournit la matière première à son aînée, principalement du granit. Et, depuis vingt ans, elle terrasse la savane, bitume les routes et asphalte les rues des villes de Haute Guinée. « Guiter existait déjà et avait des marchés longtemps avant qu’Alpha Condé accède au pouvoir et longtemps avant qu’il épouse Djénè Kaba », tient à souligner le conseiller en communication de l’entreprise, Mory Kaba, agacé par certaines rumeurs selon lesquelles l’entreprise se verrait attribuer des marchés de gré à gré sous prétexte que son PDG et la première dame du pays sont cousins (et tous deux originaires de Kankan).

L’entreprise emploie un personnel mixte de nationaux et d’expatriés, des salariés permanents, d’autres en travail temporaire, et des sous-traitants, soit un total d’environ 1 000 personnes

« Les trois grands projets sur lesquels Guiter Route travaille actuellement sont le chantier de la nationale 7 [N 7] entre Kankan et Mandiana, la réhabilitation de la nationale 1 [N 1] entre Kouroussa et Dabola, ainsi que la construction de la nouvelle base de la société à Balandou et à Sanfina », explique Oumar Kaké, le directeur des ressources humaines. L’entreprise emploie un personnel mixte de nationaux et d’expatriés, des salariés permanents, d’autres en travail temporaire, et des sous-traitants, soit un total d’environ 1 000 personnes, dont 225 dans ses activités minières. Parmi les expatriés : des Espagnols, des Cubains, et un Tunisien, Mohamed Ali Yahiaoui, directeur technique et des opérations chez Guiter depuis novembre 2015. Ingénieur en génie civil et ancien cadre de la Société tunisienne de défoncement (Sotudef), qu’il a quittée pour créer son bureau d’études, Supervision et Assistance technique (SAT), Mohamed Ali Yahiaoui a pour mission « d’améliorer la qualité du service ».

Laquelle commence par les matériaux utilisés par Guiter sur ses chantiers : bitume, asphalte, pavés, agrégats, béton. Tous passent par le laboratoire de dernière génération que l’entreprise a fait construire sur son site de Kankan-Koura. Les échantillons des matières premières minérales extraites des carrières de la région (granit) et du fleuve Milo (latérite, sable, gravier) sont analysés et testés dans le laboratoire (essais de résistance et de comportement), puis sur les chantiers (analyse de rugosité, compacité…), « jusqu’à ce que l’on obtienne la formule d’enrobé qui permettra d’assurer une qualité optimale aux ouvrages », explique le chef du laboratoire, Lazare Pépé Grovogui, un jeune cadre originaire de N’Zérékoré, en Guinée forestière, en montrant un énorme objet noir de forme cylindrique. Un échantillon d’enrobé fabriqué à partir de bitume importé d’Europe et de granit extrait de la carrière de Morignoumaya (dans la préfecture de Kouroussa, la voisine de l’Ouest) et destiné au chantier en cours de la N 7.

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Des chantiers de taille

La construction de la N 7, soit 100 km, partant du PK zéro (au carrefour avec la N 1), à Kankan-Koura, pour aller jusqu’à la rivière Sankarani, à Mandiana, représente un coût global de 185 millions d’euros et doit être financée par le budget national d’investissement. Pour le moment, seul un montant de 35 millions d’euros est disponible, qui permet de réaliser 40 km d’ouvrage (la « tranche ferme »). La deuxième partie des travaux (« tranche optionnelle »), qui porte sur les 60 km restants, est encore en attente. « La fin des travaux de la tranche ferme est annoncée pour avril », précise l’Espagnol Marc Dalmau, directeur technique, ajoutant que l’État guinéen et Guiter travaillent d’arrache-pied pour trouver des financements afin de réaliser la tranche optionnelle.

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Deuxième chantier de taille : la modernisation de la N 1 entre Kouroussa et Dabola, (au nord-ouest de Kankan), un tronçon de 160 km qui est un véritable calvaire pour ses usagers comme pour ses riverains, plongés dans des nuages de poussière (ou noyés sous des trombes d’eau, selon la saison) à chaque passage de véhicule. Préfinancés par Guiter à hauteur de 1 500 milliards de francs guinéens (environ 175 millions d’euros), « ces travaux de réhabilitation devraient être achevés au plus tard en juin, avant les grandes pluies », assure Mohamed Ali Yahiaoui, qui annonce par ailleurs l’obtention « presque certaine » d’un financement de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Banque islamique de développement (BID) qui permettra de reprendre les dimensions sur certaines portions de la nationale Kouroussa-Dabola, notamment pour permettre aux conducteurs de négocier les virages à 80 km/h.

L’entreprise a remporté les marchés de bitumage de l’ensemble de la voirie dans huit villes de Haute Guinée

Autre grand domaine d’activité de Guiter : l’aménagement et l’entretien des routes en milieu urbain. Pendant la transition militaire (décembre 2008-décembre 2010), l’entreprise a remporté les marchés de bitumage de l’ensemble de la voirie dans huit villes de Haute Guinée (Kankan, 33 km ; Siguiri, 11 km ; Dabola, 8 km ; Kouroussa, 8 km ; Mandiana, 5 km ; Faranah, 10 km ; Kissidougou, 8 km ; et Dinguiraye, 9 km), soit un total de 92 km déjà livrés, y compris les caniveaux pour l’évacuation des eaux usées. Ses équipes travaillent actuellement à Kérouané (à 145 km au sud de Kankan), où les travaux sont exécutés à plus de 60 %, selon Mohamed Ali Yahiaoui, qui explique que les chantiers ont pris du retard à cause du mauvais état de la N 1 entre Kankan et Kérouané.

Enfin, dans le cadre des infrastructures prévues pour accueillir les cérémonies qui célébreront l’indépendance du pays (le 2 octobre), organisées cette année à Kankan, Guiter procède au bitumage de 18 km de voirie dans la communauté urbaine. Parmi ces nouvelles infrastructures, une « contournante » de 2 × 2 voies (très rare en Guinée en dehors de Conakry) permettra d’éviter le centre-ville.

BANCO DIAMANTIFÈRE À GBENKO

Si Guiter a fait ses premiers pas dans le secteur minier en 2001 avec la création de sa filiale Guiter Mining, c’est surtout à partir de 2010 que cette dernière s’est développée, après avoir fait l’acquisition d’une partie de la concession d’Aredor-First City Mining Company à Gbenko (236 km2), près de Banankoro, dans la région de Kankan (préfecture de Kérouané), située dans le bassin moyen de la rivière Baoulé, réputé pour ses kimberlites diamantifères. Après deux années de recherches, Guiter Mining a rétrocédé près de la moitié de sa concession, comme le prescrit le nouveau code minier guinéen, et poursuit désormais ses activités de recherche et d’exploitation sur une zone de 170 km2.

Afin d’optimiser et, surtout, de sécuriser sa production, ses unités de traitement ont été mises à niveau par le sud-africain Consulmet, pour environ 3 millions de dollars (2,7 millions d’euros). Selon le rapport publié en décembre 2015 par le bureau local de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie-Guinée), Guiter Mining a déclaré avoir exporté un volume de 6 745 carats de diamants en 2013.

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