Mauritanie : les ambiguïtés d’Aziz
Des membres du gouvernement réclament une révision de la Constitution pour permettre au président de briguer un troisième mandat. Tollé au sein de l’opposition et silence de l’intéressé.
La classe politique mauritanienne est en émoi. Le ministre de la Justice, Me Brahim Ould Daddah, a préconisé début avril une révision de la Constitution pour permettre au président Mohamed Ould Abdelaziz de briguer un troisième mandat de cinq ans.
Le ministre de l’Économie et des Finances et le porte-parole du gouvernement lui ont emboîté le pas, suscitant la colère de l’opposition, notamment celle du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), qui a décidé de rompre « tout contact avec le pouvoir tant que des ministres du gouvernement ne retirent pas leurs propos relatifs à une modification de la Constitution pour accorder un troisième mandat au président ».
L’opposition redoute que ne se mette en place la même mécanique qu’au Burkina Faso, aux deux Congos ou au Rwanda, puisque le motif avancé par le ministre de la Justice est identique : permettre au président de « parfaire les chantiers et projets qu’il a déjà démarrés ». L’argumentation aussi est de la même veine : « La Constitution est la propriété du peuple, qui peut la changer comme il veut. »
Les opposants rappellent le serment qu’a fait le président lors de son entrée en fonction : « Je jure par Allah l’Unique de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution. ».
Autre embûche pour les « révisionnistes » : toute modification doit être votée à la majorité des deux tiers par l’Assemblée nationale et le Sénat. Pas de problème pour l’Assemblée, où la majorité présidentielle est écrasante. En revanche, le Sénat a été déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel, qui demande son renouvellement en totalité et dans les meilleurs délais…
Le président est donc confronté à un dilemme.
Il a dit et répété publiquement qu’il quitterait le pouvoir à l’issue de son second mandat, donc en 2019. Mais il ne peut désavouer les ministres réclamant son maintien, car personne à Nouakchott ne peut croire que ceux-ci se sont lancés dans cette campagne sans l’avoir consulté. Il ne peut pas, non plus, annoncer solennellement son intention de partir à trois ans de l’échéance électorale, car il sonnerait ainsi la fin de son autorité sur son propre camp, incitant ses partisans à se lancer à qui mieux mieux dans la course à la succession.
Aziz devrait donc rester ambigu sur la question et continuer de gouverner comme si de rien n’était. Le 1er avril, il a remanié son gouvernement pour la quatrième fois en quelques mois. Les uns disent que le jeu de chaises musicales auquel a donné lieu ce remaniement avait été rendu nécessaire par le décès du ministre de l’Équipement et des Transports. D’autres applaudissent une féminisation accrue du gouvernement, avec neuf femmes ministres sur trente.
La permutation entre l’administrateur directeur général de la Société nationale industrielle et minière (Snim), Mohamed Abdallahi Ould Oudaa, et le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Brahim Ould M’Bareck, semble plus importante.
Cet échange de poste signifie que le président a entendu les critiques soulevées par la gestion de Mohamed Abdallahi Ould Oudaa. Il remplace celui-ci par un ancien cadre de l’entreprise publique qui fait vivre l’État afin que celle-ci surmonte au plus vite la crise provoquée par l’effondrement des cours du fer.
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