Banane : comment les planteurs antillais dynamisent la filière ivoirienne
Dix années de crise politique ont affaibli le secteur, aujourd’hui menacé par la concurrence sud-américaine. Mais des investisseurs guadeloupéens et martiniquais croient dans le potentiel du pays.
Agriculture : les coopératives africaines gagnent leurs galons
L’agriculture africaine n’a pas encore fait sa révolution. Industriels, producteurs et pouvoirs publics vantent l’intérêt des coopératives pour professionnaliser et structurer ce secteur clé, premier créateur d’emplois sur le continent.
Les premiers sont arrivés au compte-gouttes en 2008. Désormais, ils cultivent plus de 1 500 ha de bananeraies en Côte d’Ivoire. Guadeloupéens ou Martiniquais, riches industriels ou petits indépendants, les planteurs antillais viennent chercher un second souffle en Afrique. Terres disponibles, main-d’œuvre à bas coût, proximité avec le marché européen… Face à la concurrence sud-américaine, le continent est leur eldorado. Et notamment la Côte d’Ivoire, avec son bon climat des affaires, ses infrastructures routières et portuaires et son appartenance à l’espace francophone.
Deux structures se démarquent par leur taille. La plus grosse, Banaci, créée en 2013, appartient au Groupe Bernard Hayot, du nom d’une grande famille békée. En 2014, elle a investi près de 13 milliards de F CFA (près de 45 millions d’euros) dans ses premières plantations industrielles, environ 1 000 ha près de Tiassalé (120 km au nord-ouest d’Abidjan).
La Siapa a quant à elle été créée en 2010 par un groupe de producteurs guadeloupéens et ivoiriens. Elle a inauguré en 2014 un premier site d’exploitation de 500 ha, pour 3 milliards de F CFA, près de Tiassalé également. Le site produit environ 25 000 tonnes de bananes par an.
Vers une hausse de la productivité
Si ces nouveaux investisseurs ne font pas encore le poids face au français Compagnie fruitière, qui représente 60 % des exportations de bananes, ils participent au redressement de la filière, abîmée par dix années de crise politico-militaire. Les cultures s’étendent aujourd’hui sur 6 000 ha, contre 10 000 en 1997.
L’année dernière, la production nationale n’a pas dépassé les 300 000 t, à cause notamment des inondations de 2014. Les investissements récents devraient néanmoins doper la production ivoirienne, que certains professionnels s’attendent à voir quasi doubler dans les cinq ans.
Les planteurs antillais ont apporté un savoir-faire technique : cableway (pour le transport des régimes de bananes), stations de conditionnement… Ils participent ainsi à l’amélioration de la productivité, étape indispensable pour affronter la concurrence mondiale.
Car la diminution des droits d’entrée sur le marché européen pour la banane latino-américaine, en 2009, a porté un coup dur aux cultures locales, moins productives. En 2015, le carton de bananes ivoiriennes s’achetait entre 10 et 11 euros, contre 8 euros pour les bananes « dollars ».
Pour gagner en productivité, la Siapa a installé un système d’irrigation téléprogrammable et une pépinière de 3 500 m2 d’une capacité de 70 000 plants. La société utilise deux variétés de banane « dessert » importées du Costa Rica et réputées plus résistantes aux maladies : la Williams et la Gal, qui sont plantées respectivement sur 25 % et 75 % des surfaces exploitées.
De son côté, Banaci teste actuellement des techniques d’enrichissement naturel du sol, pour limiter l’utilisation d’intrants, et a recours aux « plantes de couverture », qui empêchent les mauvaises herbes de sortir de terre.
Investissement des terres régionales
Outre l’Europe, qui engloutit 5,7 millions de tonnes de bananes par an et 80 % de la production ivoirienne, les planteurs du pays lorgnent le marché régional, qui pourrait assurer des débouchés supplémentaires. « Avec les investissements de groupes comme Bolloré dans le rail, on va pouvoir rentrer plus en profondeur dans l’hinterland et dynamiser nos ventes », expliquait Richard Mathys, directeur général de Wanita Freshfoods (production et exportation), au site Commodafrica en juin 2015.
Pour faire fructifier cet atout, depuis deux ans, l’Organisation centrale des producteurs-exportateurs d’ananas et de bananes (Ocab) mène des discussions avec des investisseurs chinois, israéliens, marocains, béninois, burkinabè et même qataris… Les Antillais auraient-ils du souci à se faire ?
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