COP21 – Ségolène Royal : « L’avenir de l’Afrique ? Les énergies vertes »
Depuis le début de l’année, Ségolène Royal a visité une dizaine de pays (Égypte, Éthiopie, Guinée, Côte d’Ivoire, Sénégal, Nigeria, Gabon, RD Congo). La ministre française de l’Écologie et présidente de la COP21, qui prévoit une nouvelle tournée africaine en août, s’est imposé la mission de développer à travers le continent le plus grand nombre possible de projets d’énergies vertes.
Avant de passer le flambeau au Maroc, en novembre, comment compte-telle débloquer ces projets souvent complexes et parfois enlisés depuis dix ans ? Elle s’en explique pour Jeune Afrique.
Jeune Afrique: Que contient le rapport des énergies renouvelables que vous allez présenter à New York ?
Ségolène Royal : L’objectif, c’est que se traduisent en actes les espoirs soulevés lors de la COP21 sur l’accès de l’Afrique à l’électricité, alors qu’un habitant sur deux en est aujourd’hui privé.
Le rapport, que je rédige à la suite de mes visites passionnantes dans 13 pays depuis un an, auxquelles s’ajouteront une dizaine d’autres, montrera l’existence d’un potentiel considérable, avec par exemple la géothermie en Éthiopie, l’éolien en Namibie, le solaire au Maroc ou en Égypte, l’hydroélectricité en RD Congo ou en Guinée, la volonté d’agir au Gabon, en Côte d’Ivoire, l’exemplarité de la gestion commune du fleuve Sénégal, comme je l’ai vu à Dakar, etc.
Pardonnez-moi de ne pas les citer tous, ils seront dans le rapport ! Il recense les projets attendus avec impatience et, surtout, avance des propositions d’ingénierie financière pour faciliter l’accès au financement et donner aux entreprises l’envie d’investir. En tant que présidente de la COP, je considère que c’est une priorité absolue. L’avenir de la planète se décide sur le continent africain, le plus durement victime du dérèglement climatique, comme le sont les petites îles, sans en être responsable. La COP21 doit donc tenir sa promesse, et je m’y engage.
En France, vous défendez l’idée d’un guichet unique sur la transition énergétique. Or, en Afrique, il existe de multiples organismes spécialisés. Une unification n’est-elle pas souhaitable ?
La coordination des financeurs est cruciale, à l’initiative de nos partenaires africains. Une excellente initiative pour les énergies renouvelables en Afrique a été lancée à Paris en décembre 2015. Dix partenaires se sont engagés à mobiliser 10 milliards de dollars [environ 9 milliards d’euros] – dont la France, avec 2 milliards – pour réaliser 10 GW supplémentaires d’ici à 2020.
Je vais proposer la création d’une agence, qui pourrait s’inspirer du fonctionnement de l’Ademe, placée auprès de la Banque africaine de développement, qui pourrait être la plateforme qui coordonne et priorise l’ensemble de ces flux financiers, en étroite coordination avec l’Union africaine. C’est ce type de structure souple sur laquelle les États africains souhaitent s’appuyer, comme ils me l’ont dit. Il faut tous la soutenir.
Lors de vos tournées africaines, vous arrive-til d’aborder avec vos interlocuteurs des questions politiques sensibles, tel le calendrier électoral en RD Congo ?
Non, en tant que présidente de la COP, je suis là pour fédérer les énergies sur les enjeux climatiques et j’ai pu apprécier la qualité et l’engagement très fort des chefs d’État pour apporter le bien-être à leurs populations en fournissant l’accès à l’énergie.
Pensez-vous pouvoir contribuer au déblocage de projets comme celui d’Inga, cet énorme barrage bloqué depuis plus de dix ans ?
Je fais tout pour trouver une solution consensuelle par un important travail de médiation. J’ai survolé la zone parce que j’entendais dire que ce projet allait provoquer des déplacements de populations et une importante déforestation. Ce n’est pas le cas. Dans mon ministère chargé de l’Énergie, j’ai mis en place un groupe d’experts en hydroélectricité pour appuyer l’ingénierie des études. Et j’ai beaucoup consulté sur place. Je pense qu’il existe des solutions conciliant protection de l’environnement et production d’énergie. Pour l’Afrique, l’enjeu est très important, et je ferai tout pour y aider en tant que présidente de la COP.
Rien qu’en RD Congo, il y a un potentiel immense reposant sur l’exploitation de petits barrages (200 sites recensés). Ne vaudrait-il pas mieux commencer par là ?
Oui, il faut commencer par là. Et c’est complémentaire avec de grandes infrastructures. Le troisième niveau, c’est le développement local d’autoconsommation d’énergie solaire et de biogaz dans les villages. Cela permettrait de freiner la dramatique déforestation.
Votre engagement en faveur des énergies renouvelables en Afrique est-il partie intégrante de la diplomatie économique de la France ?
Ne mélangeons pas les rôles. Les pays africains feront des appels d’offres et choisiront les meilleures propositions, et j’invite tous les partenaires, publics et privés, à se tourner vers les énergies renouvelables en Afrique. La coopération entre pays est une solution que les pays africains veulent privilégier et je vais les y aider.
On ne peut interdire à l’Afrique de se développer à l’aide des énergies fossiles
Comprenez-vous que certains pays investissent dans des centrales à charbon, qui restent très compétitives là où le coût de production de l’électricité est élevé, comme au Sénégal ?
L’enjeu est justement de se substituer à ce type d’énergie. Au Sénégal, il existe aussi, suite à la COP21, des projets hydroélectriques et solaires très importants. On ne peut interdire à l’Afrique de se développer à l’aide des énergies fossiles. Ce qu’il faut, c’est que les énergies renouvelables soient plus compétitives pour que l’Afrique fasse ce choix grâce à un transfert de technologies et à des aides financières.
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