Quatre jours en avril

Manuel Valls est à Alger, et de sa visite on ne retient que deux choses : le refus de visa opposé à deux journalistes de sa délégation et les images pénibles du président Bouteflika lors de l’audience accordée au Premier ministre français.

Le Premier ministre français Manuel Valls durci le ton face aux binationaux accusés d’actes terroristes © Kamil Zihnioglu/AP/SIPA

Le Premier ministre français Manuel Valls durci le ton face aux binationaux accusés d’actes terroristes © Kamil Zihnioglu/AP/SIPA

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 18 avril 2016 Lecture : 4 minutes.

Publier en une la photo du chef de l’État algérien pour illustrer l’enquête sur le scandale des Panama Papers, ainsi que l’a fait Le Monde, était pour le moins une maladresse, reconnue d’ailleurs par son directeur dans une lettre de regrets adressée à l’ambassadeur d’Algérie en France.

Cela justifiait-il pour autant une interdiction de visa et une convocation de l’ambassadeur de France en Algérie ? À l’évidence, non. Quel que soit son fondement, ce type de réaction ne pouvait être que contre-productif en matière d’image, et le gouvernement algérien n’en avait pas besoin. Reste que le tollé soulevé dans les médias français par ce refus a eu, lui aussi, quelque chose de disproportionné. Nous sommes bien placés à J.A. pour savoir combien il est difficile (et parfois impossible) de faire venir au sein de notre rédaction à Paris ceux de nos correspondants qui souhaitent y effectuer un stage.

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Des images choquantes

Lorsqu’ils refusent le sésame à un journaliste africain, les consulats de France ne fournissent aucune explication : qui s’en émeut ? Les images diffusées par Le Petit Journal au soir du 11 avril, où l’on voit Abdelaziz Bouteflika dans l’état physique où il se trouve actuellement ont, elles, choqué une partie des Algériens. Mélange de peine, de compassion, mais aussi de rancœur face à ce que certains assimilent à du voyeurisme, voire à du mépris.

Impossible de dialoguer avec les Algériens si l’on ne prend pas en compte ce qu’ils appellent le nif, la dignité, si facilement bafouée par l’étranger, y compris lorsqu’il veut faire rire aux dépens d’un président qu’il leur arrive eux-mêmes de brocarder. Cela, les médias français ne l’ont toujours pas compris.

De Bangui à Ouaga, l’heure est à l’État modeste. J’avais moi-même, dans ces colonnes, indiqué qu’à mes yeux le candidat Dologuélé était préférable au candidat Touadéra pour faire renaître la Centrafrique de ses cendres. Les électeurs en ont décidé autrement, et je dois reconnaître que les premiers pas du nouvel élu m’impressionnent.

Incroyable : depuis le 9 avril, l’Afrique a rétréci de 113 km² au profit du continent asiatique, et les chefs d’État membres de l’Union africaine ne se sont toujours pas réunis d’urgence pour mettre un terme à ce scandale !

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Se promener seul, à pied, les mains dans les poches et pratiquement sans protection dans les quartiers de Bangui, puis traverser la ville comme un quidam dans les embouteillages, le nez collé à la vitre pour saluer les passants, c’est une petite révolution, et Faustin-Archange Touadéra l’a faite. Révolutionnaire aussi, la publication au Journal officiel du patrimoine de chacun des ministres du gouvernement burkinabè.

Un exercice d’outing qui a dû prendre un certain temps à notre ex-confrère et actuel ministre des Affaires étrangères, Alpha Barry, dont la liste des BBA (« biens bien acquis ») démontre que journalisme ne rime pas forcément, sur le continent, avec précarité. Et c’est tant mieux ainsi !

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Incroyable : depuis le 9 avril, l’Afrique a rétréci de 113 km² au profit du continent asiatique, et les chefs d’État membres de l’Union africaine ne se sont toujours pas réunis d’urgence pour mettre un terme à ce scandale ! Le pire, c’est que c’est vrai : à l’issue d’une visite de cinq jours au Caire, début avril, au cours de laquelle il s’est engagé sur 22 milliards de dollars de projets divers et sur la poursuite indéfinie de ses perfusions financières, le très munificent roi Salman d’Arabie saoudite s’est vu offrir en cadeau par son hôte reconnaissant, le président Sissi… deux îles égyptiennes.

Situées à l’embouchure de la mer Rouge et du golfe d’Aqaba, Tiran et Sanafir ont beau être arides et inhabitées, leur valeur stratégique est réelle, et les Égyptiens ont du mal à avaler qu’elles soient désormais saoudiennes. Rappel intéressant : peu après son accession au pouvoir en 2013, le même maréchal avait fait introduire dans la Constitution une clause interdisant explicitement la cession du moindre pouce de territoire national. Avant que les pyramides soient vendues aux enchères, vite, comment dit-on nif sur les bords du Nil ?

Inoxydable Edem Kodjo ! À 77 ans, l’ancien secrétaire général de l’OUA, ex-Premier ministre du Togo, retrouve une énième jeunesse en s’immergeant dans le marigot de la RD Congo. Facilitateur, pour le compte de l’Union africaine, d’un dialogue national censé déboucher sur la gestion concertée d’une période intérimaire à hauts risques, celle qui séparera la fin du mandat de Joseph Kabila, le 25 novembre prochain, de la tenue d’une élection présidentielle crédible dont on voit mal comment elle pourrait se tenir cette année dans des conditions acceptables.

À l’heure où ces lignes sont écrites, ni les participants ni le calendrier de ce pow-wow à la congolaise ne sont encore fixés, ce qui n’empêche pas notre sage africain d’y croire.

Personnage courtois et affable, Kodjo possède une qualité indispensable pour qui veut se faire accepter à Kinshasa : l’humour. À preuve, le dernier coup de fil qu’il m’a passé, il y a quinze jours :

« Vous avez écrit dans J.A. que j’étais franc-maçon. C’est inexact. Je n’en suis pas !

– Si nous nous sommes trompés, je vous propose un démenti.

– Surtout pas ! Que vont dire les frères ?

– Que cela vous gêne d’être perçu comme étant des leurs.

– Vous voyez bien, ils vont m’en vouloir !

– Mais si vous ne démentez pas, c’est que vous en êtes. Un vrai frère ne dément jamais.

– C’est bien ce que je pensais. Il n’y a que des coups à prendre. Vous m’avez coincé ! »

Éclat de rire. Un énarque (promotion Blaise Pascal, 1964) qui ne se prend pas au sérieux, c’est rafraîchissant.

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