Algérie – Maroc : Giscard, Hassan II et le Sahara… les confidences de Chirac
Ce mercredi 21 juillet 1976 à l’hôtel Matignon, c’est un Jacques Chirac très remonté qui reçoit à déjeuner Mohammed Bedjaoui, ambassadeur d’Algérie en France, lequel rapporte cet épisode dans un livre* paru récemment.
Pendant deux heures, les deux hommes évoquent presque exclusivement les relations algéro-françaises. En froid avec le président Valéry Giscard d’Estaing (VGE), Chirac donne à son hôte la primeur de son départ dans cinq semaines du poste de Premier ministre, qu’il occupe depuis mai 1974.
Il explique ensuite que Giscard est « furieux » et « même déchaîné » contre l’Algérie, où il a effectué, en avril 1975, une visite historique, la première d’un chef d’État français depuis l’indépendance. Chirac ajoute que VGE a été trop « imprudent » et est allé « trop loin » en direction du Maroc dans l’affaire du Sahara occidental.
Giscard pro-Maroc
« Je ne suis pas contre la politique de copinage, dit-il. Mais elle doit avoir des limites objectives […]. Les coups de téléphone Paris-Rabat, c’est bien, mais pas au détriment des intérêts majeurs de la France. Mon cher Valéry par-ci, mon cher Hassan par-là, tout cela est bien, mais ce n’est pas une politique. Il faut que vous sachiez que Giscard d’Estaing a été séduit par le roi à un point que vous n’imaginez sans doute pas ! »
VGE recevra d’ailleurs Hassan II à deux reprises dans le plus grand secret. Chirac confie encore que le dossier du Sahara occidental est directement géré par Giscard et que ses propres conseils pour infléchir la « politique favorable au royaume chérifien » n’ont pas été pris en considération. Une anecdote résume leurs divergences sur la question.
En mars 1976, Chirac est en visite à Tripoli. Un communiqué est signé avec son homologue libyen dans lequel figure le mot « autodétermination ». De retour à Paris, Chirac se fait remonter les bretelles. « Vous en prenez trop à votre aise dans cette affaire en prenant le contre-pied de la politique officielle française », lui aurait dit Giscard d’Estaing.
Ce dernier était-il trop pro-Maroc ? Les Algériens n’en doutent pas une seconde. En novembre 1977, devant ses ministres, le président Boumédiène glissera ce commentaire à propos de Giscard : « Il a revêtu la gandoura et la djellaba dans lesquelles il cache un poignard marocain. »
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* En mission extraordinaire. Carnets d’un ambassadeur en France 1970-1979, Mohammed Bedjaoui, Casbah Éditions, 2016.
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