Zambie : violences xénophobes sur fonds de tensions économiques et électorales
Une violence xénophobe s’est emparée de Lusaka. Les immigrés, notamment rwandais, paient-ils le prix de la crise économique ?
Des hommes frappés à mort, d’autres brûlés vifs, des commerces saccagés… Les violences xénophobes survenues en Zambie ont profondément choqué au-delà des frontières. Pendant plusieurs jours, à Lusaka, des centaines de personnes s’en sont prises aux étrangers, principalement à des Rwandais accusés de crimes rituels après la découverte, début avril, de sept corps mutilés.
« Afrophobie en Zambie », a titré le quotidien zimbabwéen The Herald, voyant là une réédition du scénario sud-africain : en avril 2015, des immigrés avaient été l’objet d’attaques répétées à Johannesburg et à Durban.
Violences xénophobes sur fond de tensions électorales
Si la Zambie ne manque pas d’espace pour recevoir de nouveaux migrants, avec ses 750 000 km2 pour 16,7 millions d’habitants (soit une densité de 22 habitants par km2, contre 440 au Rwanda), elle traverse une grave crise économique depuis la chute vertigineuse des cours du cuivre, sa principale ressource. L’effondrement brutal de la devise nationale l’année dernière (le kwacha a perdu 43,75 % par rapport au dollar en un an, avant de remonter en 2016) a miné le moral des populations les plus fragiles et fait des « étrangers » de parfaits boucs émissaires.
À moins de quatre mois des élections générales, en août, cette colère ambiante inquiète les autorités, d’autant que le président, Edgar Lungu, est de plus en plus contesté. « Cet homme de gauche s’est toujours montré bienveillant envers les migrants, et il est assez facile d’obtenir un visa en Zambie.
Cela peut en énerver certains, même si globalement les Zambiens sont accueillants », estime Laura Lo Castro, la représentante du HCR dans le pays. Au lendemain du génocide de 1994, la Zambie comptait 300 000 réfugiés rwandais ; aujourd’hui, ils seraient 50 000.
Une unité jadis enviée à la Zambie
Les précédentes poussées de violences xénophobes remontent aux années 1960, lorsque Lozis et Bembas, deux ethnies rivales, s’étaient disputé le pouvoir. À l’époque, la Zambie, fraîchement libérée du joug britannique, faisait pourtant figure de modèle : elle était la base arrière des mouvements de libération de Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe), de Namibie et d’Afrique du Sud.
Et c’est à Lusaka, le 7 août 1979, qu’a été signée, sous l’égide du Commonwealth et en présence de plusieurs chefs d’État de la région, une déclaration historique établissant l’égalité raciale et condamnant l’apartheid.
« L’Afrique a beaucoup à apprendre de l’unité zambienne », déclarait récemment Kenneth Kaunda, le premier président noir du pays (1964-1991). Une unité fragile, au vu des 400 soldats dépêchés en renfort pour rétablir l’ordre dans les quartiers sensibles de la capitale.
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