« Le Sahara n’a jamais été une frontière »
L’idée demeure, aujourd’hui, que le désert du Sahara serait une frontière séparant l’Afrique du Nord – un Maghreb à dominante blanche supposé appartenir au monde arabe – de l’Afrique dite « subsaharienne », à dominante noire.
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Koyo Kouoh
Koyo Kouoh est la fondatrice et directrice du centre d’art Raw Material Company, à Dakar. Elle est aussi chargée du forum éducatif de la foire d’art contemporain africain 1 : 54 à Londres et New York – et officie comme commissaire d’exposition lors de différents événements internationaux.
Publié le 3 mai 2016 Lecture : 2 minutes.
La création artistique africaine à la conquête du monde ?
Alors que s’ouvre la Biennale de Dakar (le 3 mai) et la foire d’art africain contemporain 1:54 (à New York, du 6 au 8 mai), la création du continent bénéficie d’une vaste médiatisation et d’une reconnaissance accrue. Mais que se passe-t-il du côté du marché ?
En réalité, le Sahara n’a jamais été une frontière divisant le continent en deux zones différentes. Ceci n’est qu’une construction raciale et géographique voulue par ceux qui nous ont colonisés et occupés. Le désert, plus que toute autre chose, est d’abord un lieu de passage. Les mouvements migratoires que nous y observons encore de nos jours le prouvent, si besoin était.
Les frontières géographiques sont souvent des restes de l’entreprise coloniale qui s’échina à diviser l’Afrique en différentes zones, alors même que les réalités culturelles nous montrent des organisations sociales et religieuses autrement plus fluides. C’est pourquoi il est essentiel de mettre l’accent sur ce qui nous unit, plutôt que d’intégrer ces divisions géopolitiques. Le continent offre tellement d’angles d’approche ! Il est si vaste et si divers ! Je suis pour ma part convaincue que l’avenir de la recherche artistique transcende ces divisions d’un autre temps.
Je suis convaincue que l’avenir de la recherche artistique transcende ces divisions d’un autre temps
Si vous regardez la carte des 25 pays où l’arabe est la seule langue officielle ou la langue majoritaire, vous pouvez constater que plus de la moitié de ces pays sont sur le continent africain. Les extraire de cet espace géoculturel pour créer un lieu abstrait appelé « monde arabe » contribue à déposséder l’Afrique d’une part essentielle de sa richesse culturelle.
Je crois fermement qu’il est fondamental de s’interroger à nouveau sur cette fausse construction à une époque où l’exclusion, raciale ou religieuse, devient monnaie courante. Il est temps que les gens se rendent compte que l’Égypte n’est pas une île archéologique située à quelques encablures des universités américaines ! Que le Printemps arabe était en réalité un printemps africain ! Ne pas en témoigner, c’est poursuivre le programme de dépossession né de l’entreprise coloniale.
En outre, l’intégration mentale de cette division a conduit les pays d’Afrique du Nord à se tourner du côté de la Méditerranée plutôt que vers l’au-delà du désert. Si je n’ai aucunement l’intention de renier les liens culturels et historiques qui lient cette région à l’espace culturel méditerranéen, je crois que nous avons tout à gagner de relations renouvelées.
Il faut replacer le Maghreb, comme sa production artistique, dans la sphère du discours africain et cesser de le considérer comme un sous-ensemble de cette fiction géopolitique qu’est le « monde arabe ». Il faut que chacun s’interroge sur la notion d’africanité et sur le sentiment d’appartenance à cet espace de diversité. Jusqu’à quel point se sent-on – ou non – africain ? Comment cela se traduit-il en une démarche artistique ? C’est en s’ouvrant à ces questions qu’il deviendra possible de discuter des pratiques artistiques contemporaines avec une perspective africaine.
Le sujet abordé ici a été discuté lors du forum de la dernière foire 1:54 à Londres, enregistrements disponibles ici.
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