Arabie saoudite : Mohammed Ibn Salman, prince tout puissant

Ministre de la Défense et deuxième dans l’ordre de succession, le fils préféré du monarque saoudien concentre de nombreux pouvoirs entre ses mains. Dans la famille royale, certains grincent des dents…

Le 18 juin 2015, à Saint-Pétersbourg, lors d’une rencontre avec le président russe, Vladimir Poutine. © SASHA MORDOVETS/GETTY IMAGES

Le 18 juin 2015, à Saint-Pétersbourg, lors d’une rencontre avec le président russe, Vladimir Poutine. © SASHA MORDOVETS/GETTY IMAGES

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 5 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

Tout feu tout flamme, son altesse Mohammed Ibn Salman Al Saoud, trentenaire au regard perçant, s’est imposé en une année sur le devant de la scène saoudienne. Plus qu’une cure de jouvence, c’est une électrothérapie que subit la gérontocratie locale depuis que le roi Salman, succédant à son demi-frère Abdallah en janvier 2015, a nommé son fils favori vice-prince héritier ainsi que ministre de la Défense et responsable de la réforme économique et de la mamelle pétrolière du royaume.

Deuxième dans l’ordre de succession après son cousin Mohammed Ibn Nayef, il fait la pluie et le beau temps sur ces dossiers vitaux, avec la bénédiction paternelle et une audace – d’aucuns parlent d’arrogance – qui tranche avec le style réservé et prudent des précédentes administrations.

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Dès mars 2015, ce diplômé en droit fait son baptême du feu en lançant au Yémen une coalition arabe pour bombarder les rebelles houthistes sur le point de s’emparer du pays. « Il était déjà ministre de la Défense. L’entrée en guerre est une décision qui lui est certainement revenue, et l’opération porte sa marque : une action rapide, quitte à être impulsive et mal préparée.

Il s’agissait de se montrer en chef de guerre et de se faire connaître. En outre, il partage avec sa famille le sentiment que l’Iran, soutien des Houthis au Yémen, est une menace existentielle pour son pays », commente Stéphane Lacroix, professeur associé à Sciences-Po Paris.

Un prince proactif et populaire auprès des jeunes

Également hyperactif sur le front économique, Mohammed Ibn Salman vient d’annoncer la création du plus grand fonds souverain du monde et de lancer un « programme de transformation nationale » dont le titre, ambitieux, traduit l’urgence de diversifier les ressources d’un pays qui dépend des cours volatils du pétrole et dont le taux de chômage atteint des proportions critiques. Exposant ses projets en la matière, ses interviews données à The Economist, en janvier, puis à Bloomberg, début avril, ont été très remarquées en Occident. Le 18 avril, The Financial Times qualifiait ce prince proactif de « décideur en chef ».

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« Pour les jeunes Saoudiens, il incarne la nouvelle génération et est un modèle de réussite. C’est valable chez les jeunes filles, qui sont sous le charme. Il est idolâtré ! » rapporte Clarence Rodriguez, seule journaliste occidentale accréditée et permanente en Arabie saoudite.

Cette popularité auprès de la jeunesse est un atout dans un pays où la majorité de la population a moins de 30 ans, mais cela ne signifie pas pour autant que le jouvenceau de l’exécutif saoudien soit socialement progressiste. « Il est jeune, certes, mais profondément conservateur, à l’instar de son père, et je ne suis pas sûre qu’il soit enclin à promouvoir l’émancipation des femmes », poursuit l’auteure de Révolution sous le voile (First, 2014).

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Des résultats satisfaisants très attendus

« Un Saoud qui n’est pas conservateur n’est pas un Saoud, confirme un fin connaisseur de l’alchimie politique locale. Car il s’agit avant tout de maintenir la famille sur le trône. » Mohammed Ibn Salman en sera-t-il le sauveur providentiel ou l’imprudent fossoyeur ?

« Cette impétuosité et cette concentration inédite de pouvoirs entre ses mains inquiètent voire mécontentent beaucoup de monde au sein de la famille, explique Stéphane Lacroix. Mais il règne encore une « pax salmana » qui interdit de remettre ouvertement en question le nouvel ordre politique qui se met en place depuis 2015. Si Mohammed Ibn Salman ne veut pas que d’autres princes relèvent la tête, sa stratégie ambitieuse devra donner de bons résultats, au Yémen comme sur les marchés économiques. »

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