Comment les banques centrales résistent à la tempête pétrolière

Ébranlés par la chute du cours de l’or noir, les principaux exportateurs adaptent leurs politiques monétaires pour faire face à l’inflation et à l’épuisement des réserves de change . Et éviter la catastrophe.

Le budget du Nigeria dépend à 70 % des exportations de pétrole (ici, une plateforme de Total à Amenem, dans le delta du Niger). © PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Le budget du Nigeria dépend à 70 % des exportations de pétrole (ici, une plateforme de Total à Amenem, dans le delta du Niger). © PIUS UTOMI EKPEI/AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 20 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

Malgré une remontée de quelque 50 % des cours des hydrocarbures depuis le mois de janvier, les pays pétroliers sont toujours en difficulté. La chute sévère de leurs recettes affecte leurs rentrées budgétaires et leurs stocks de devises. Car le pétrole représente plus de 90 % des exportations et les deux tiers du budget des États les plus dépendants.

C’est dire la gravité des déséquilibres qui se sont multipliés dans une partie de l’Afrique. Les dépenses trop importantes sont devenues intenables. Les excédents commerciaux se sont changés en déficits. L’inflation a redémarré. Les gouvernements ont dû agir pour éviter la faillite, et les banques centrales également.

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Mais les pays mis à mal par l’effondrement pétrolier, comme l’Algérie, l’Angola, le Ghana et le Nigeria, ont des problèmes distincts et bien spécifiques. Les réserves en devises représentent trente-deux mois d’importations en Algérie, mais trois seulement au Ghana. L’inflation flambe en Angola de 20 %, quand elle avoisine les 5 % en Algérie.

L’Angola et le Ghana sont très endettés, ce qui n’est pas le cas de l’Algérie et du Nigeria. Leurs banques centrales ont donc mené des politiques différentes. Tour d’horizon des parades mises en œuvre dans chacun de ces pays.

Algérie : le choix de l’austérité

Le gouvernement a deux ou trois ans pour maîtriser ses dépenses à tout-va avant la catastrophe. Les remèdes sont connus : mieux collecter l’impôt, contrôler l’utilité des investissements publics, permettre à l’entreprise privée de se développer, supprimer les subventions aberrantes (avant la crise, un litre d’essence coûtait moins cher qu’un litre d’eau en bouteille !).

L’indépendance de la banque centrale n’est pas très grande dans ce pays foncièrement dirigiste, où les importations et les mouvements de capitaux sont sous contrôle strict, mais son gouverneur appuie l’austérité nécessaire dans le secret des réunions gouvernementales. De facto, privé de la liberté d’expression dont usent ses collègues américain et européens, il se concentre sur les aspects techniques de sa mission.

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« La Banque d’Algérie va dans la bonne direction, estime Jean-François Dauphin, chef de la division Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. Elle se prépare à passer d’un excès à une rareté de liquidités, en renforçant ses capacités de prévision. Elle muscle sa supervision bancaire et augmente les ratios de fonds propres des banques. Enfin, elle laisse le dinar se déprécier par rapport au dollar et à l’euro. » Le glissement du dinar serait de 25 % par rapport au dollar, mais par rapport à l’ensemble des devises il ne serait que de 4 %.

Angola : une hausse des taux d’intérêt

Les politiques menées pour amortir la chute des recettes pétrolières sont classiques. « Le gouvernement essaie de contrôler le déficit budgétaire, rappelle Ravi Bhatia, analyste chez Standard & Poor’s. Et la banque centrale laisse le kwanza se déprécier. » Le cours de la devise angolaise a chuté de quelque 30 % depuis un an. Malgré cette forte dépréciation, le FMI, appelé à l’aide, estime que le kwanza demeure surévalué d’au moins 10 %.

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La dégringolade de la monnaie provoque une forte inflation (20 %), que la banque centrale tente de maîtriser en portant les taux d’intérêt à 14 % et en obligeant les banques commerciales à augmenter leurs réserves de liquidités.

Ghana : fin des avances sur le budget

Le pays a quatre difficultés : son déficit budgétaire, son inflation (18 %), les coupures d’eau et d’électricité ainsi que la corruption. Sa banque centrale n’est en mesure de traiter que les deux premières. « Le principal problème du Ghana est le déséquilibre budgétaire, explique Ravi Bhatia. Suivant un programme mis en place avec le FMI, sa banque centrale va cesser d’imprimer des billets et n’autorisera plus d’avances au budget de l’État pour des raisons budgétaires. »

Son nouveau gouverneur, Abdul Nashiru Issahaku, a affirmé que la stabilité des prix était sa priorité, mais la dépréciation du cedi de 30 % en 2015 et des taux d’intérêt portés à 25 % ne contribueront pas à calmer la hausse des prix. L’approche des élections générales risquant d’inciter au laxisme, le redressement dépendra de l’augmentation attendue de la production pétrolière.

Nigeria : un contrôle des changes « à l’ancienne »

Pour maintenir le niveau de taux de change fixe, le gouvernement a recours à des contrôles des changes « à l’ancienne ». Tel est le qualificatif dont Ravi Bhatia gratifie la politique du gouvernement et de la banque centrale. En effet, pas question pour le gouverneur, Godwin Emefiele, de dévaluer le naira et ainsi d’aggraver une inflation de plus de 10 %, déjà très impopulaire.

Ce refus coûte cher. Pour éviter un effondrement de ses réserves en devises, la banque a dû instituer un contrôle des changes sur les transactions courantes et en capital, ce qui a conduit à limiter les importations sur 41 catégories de produits. Les entreprises critiquent cette politique, qui dégrade leur compétitivité et raréfie les produits de première nécessité (comme l’essence). Le FMI juge le naira surévalué de 50 %.

Pour faire repartir la croissance, le gouvernement mise sur un déficit budgétaire de 11 milliards de dollars consacré aux infrastructures, qu’il espère financer pour partie grâce à la Banque mondiale et à la BAD, mais aussi pour 6 milliards de dollars grâce à Industrial and Commercial Bank of China. Le yuan pourrait donc entrer pour 10 % dans les réserves de la banque centrale.

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