Présidentielle en Autriche : à quoi tient le triomphe de l’extrême droite au premier tour ?
Candidat du très xénophobe FPÖ, Norbert Hofer (45 ans), tirant profit de la crise migratoire, a recueilli 35,1% des voix au premier tour de la présidentielle, le 24 avril. Et il risque fort de l’emporter au second.
Du jamais-vu depuis la Seconde Guerre mondiale ! Le 24 avril, les partis traditionnels autrichiens, de gauche (SPÖ) comme de droite (ÖVP), ont été submergés, laminés, balayés par une énorme vague brune : avec 35,1 % des suffrages exprimés, les extrémistes de droite du FPÖ ont largement dominé le premier tour de l’élection présidentielle.
Second avec 21,3 %, Alexander Van der Bellen, le candidat des Verts, ne l’emportera sur Norbert Hofer, le 22 mai, que s’il bénéficie d’un report de voix massif en sa faveur. L’affaire paraît mal engagée, son concurrent étant pour l’heure crédité de 56 % des intentions de vote.
Höfer, redoutable défenseur de l’identité autrichienne
« Ce résultat est tout sauf une surprise, commente Laurenz Ennser-Jedenastik, politologue à l’université de Vienne. Depuis des mois, tous les sondages plaçaient le FPÖ à plus de 30 %. » La recette de ce succès est connue, tous les partis populistes européens l’ayant mise en œuvre, avec plus ou moins de bonheur, ces dernières années : rejet des partis traditionnels, jugés incompétents, et repli sur soi alimenté par la récente crise migratoire.
Mais ce triomphe de l’extrême droite tient aussi, et surtout, à la personnalité de son candidat. Hofer (45 ans), qui est ingénieur aéronautique, n’a rien d’un tribun populiste exalté. Toujours affable et tiré à quatre épingles, il est contraint de se déplacer avec une canne depuis un grave accident de parapente. Depuis des mois, sinon des années, il ne ménage pas ses efforts pour rendre son parti respectable. Fini les dérapages verbaux ! Place à la défense sourcilleuse de l’identité et de la culture autrichiennes. Simple et percutant, son slogan de campagne dit tout : « L’Autriche d’abord ! »
Pourtant, cette image de gendre idéal (il est père de quatre enfants) ne doit pas faire illusion : Hofer est un faux doux qui apparaît parfois en public armé d’un pistolet de marque Glock et ne cache pas son admiration pour la Grande Allemagne chère à Adolf Hitler… Farouche opposant à l’immigration, qui menace selon lui le système de protection sociale, il est favorable à une réforme du droit d’asile et à la tenue d’un référendum sur la construction de mosquées. En cela, il est dans le droit fil de la ligne défendue par le FPÖ depuis trente ans.
Du libéralisme à l’extrême droite
Fondé en 1956, ce parti était pourtant à l’origine d’obédience libérale. De 1983 à 1986, il a même participé au pouvoir avec les sociaux-démocrates. Mais, dès l’automne 1986, son orientation change, et il porte à sa tête le national-populiste Jörg Haider (qui perdra la vie dans un accident de voiture en 2008). Jusqu’en 2005, date à laquelle il se sépare du FPÖ pour fonder son propre mouvement, cet antisémite notoire, fils d’un nazi de la première heure, parvient à imposer sa marque ultradroitière et xénophobe sur la société autrichienne.
Sa rhétorique agressive lui permet de réussir une percée électorale fulgurante : 4,9 % des voix aux législatives de 1983, 9,7 % en 1986, 21,8 % en 1995, 26,9 % en 1999… Désormais deuxième force politique du pays, le FPÖ est de nouveau associé au pouvoir au sein d’une coalition (2000-2002). L’Union européenne s’en indigne et, plusieurs mois durant, impose à l’Autriche un strict isolement diplomatique.
Opposition au traité transatlantique
À partir de là, les choses se gâtent. Le FPÖ est victime de vives luttes intestines, et son audience s’en ressent : son discours de haine fait moins recette. À la dernière présidentielle, Barbara Rosenkranz, sa candidate, qui est proche des milieux néonazis, n’a pas dépassé 15 % au second tour. Voici donc le balancier reparti dans l’autre sens…
Le président autrichien n’a certes qu’un rôle essentiellement honorifique, mais il dispose d’un pouvoir de nuisance. Hofer a par exemple déjà prévenu qu’il ne ratifierait pas le traité transatlantique (Tafta) en cours de négociation. Et qu’il n’hésiterait pas à dissoudre le Parlement si la coalition gauche-droite qui le dirige ne suit pas ses recommandations sur le dossier des migrants. Ça promet !
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