Coopération : Rémy Rioux, le choix de Hollande pour transformer l’AFD

Le secrétaire général adjoint du ministère français des Affaires étrangères doit prendre les rênes de l’agence. Un pas décisif dans la carrière de cet énarque de gauche fasciné par le continent.

Rémy Rioux est décrit comme un gros bosseur passionné d’Afrique. © XAVIER DE TORRES/MAXPPP

Rémy Rioux est décrit comme un gros bosseur passionné d’Afrique. © XAVIER DE TORRES/MAXPPP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 19 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

Mise à jour le 25 mai : la nomination est officiellement confirmée le 25 mai en conseil des ministres du Gouvernement français et la prise de fonction prévue le 2 juin.

François Hollande a saisi, le 27 avril, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pour que ces institutions se prononcent sur sa proposition de nommer Rémy Rioux directeur général de l’Agence française de développement (AFD). Seul un avis négatif des parlementaires pourrait empêcher cette nomination en Conseil des ministres début juin. Mais l’éventualité semble exclue.

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Anne Paugam, première femme à diriger (depuis 2013) le maître d’œuvre de l’aide de la France aux pays en développement, n’aura donc effectué qu’un seul mandat de trois ans. Non qu’elle ait démérité — comme le prouve le chiffre record de 8,2 milliards d’euros engagés à cette fin en 2015 —, mais elle pesait politiquement beaucoup moins lourd que Rémy Rioux, actuel secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, et ex-directeur de cabinet de l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici.

Attrait pour la coopération et l’Afrique

Né en 1969, Rémi Rioux a été élève de l’École normale supérieure (Ulm) et de l’École nationale d’administration (promotion Marc-Bloch). Sa carrière l’a conduit tour à tour à la Cour des comptes, au cabinet de Daniel Vaillant (alors ministre de l’Intérieur), au Trésor, à l’Agence des participations de l’État, puis au cabinet de Pierre Moscovici et, enfin, aux Affaires étrangères.

Il a failli entrer à la BAD et aussi se porter candidat à la direction de l’AFD, mais, chaque fois, Pierre Moscovici lui a demandé d’y renoncer pour diriger son cabinet, une tâche qui ne fut pas toujours de tout repos en raison des chausse-trapes semées sur le chemin du ministre.

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Profondément de gauche, passionné par l’Histoire et l’Afrique, il s’est beaucoup investi dans la préparation et la gestion de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), qui s’est tenue à Paris en décembre. François Hollande lui en a été d’autant plus reconnaissant que Rioux lui a fourni le moyen de réaliser son objectif « zéro carbone, zéro pauvreté ».

Cela supposait d’augmenter l’effort financier de la France de 3 à 5 milliards d’euros par an, mais l’AFD n’avait pas les fonds propres nécessaires pour mener à bien cette augmentation de moitié de ses engagements tout en respectant les règles prudentielles bancaires.

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Nommé à la tête d’une mission de préfiguration de l’avenir de l’agence, Rémy Rioux a remis le 11 janvier au chef de l’État un rapport proposant d’adosser l’AFD à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui lui assurerait les garanties financières requises, le Trésor augmentant au préalable les fonds propres de l’Agence. Cette forte amélioration de son bilan lui permettrait de faire passer le montant maximal de ses prêts, prises de participation, garanties et dons de 8,5 à 12,5 milliards d’euros.

Adossement de l’AFD à la Caisse des Dépots et Consignations

Intellectuellement séduisante puisqu’elle mariait un opérateur public de grands projets cantonné au territoire national (la CDC) à un acteur voué à intervenir à l’étranger (l’AFD), la manœuvre semblait promise à un franc succès. C’était compter sans l’opposition de la Caisse et du Trésor. Celui-ci ne voulait pas que sa tutelle sur l’Agence soit supprimée, et celle-là n’entendait pas voir arriver un électron libre en son sein.

Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la CDC et député socialiste des Landes, était lui aussi hostile à ce que les capitaux des deux entités soient mélangés. En avril, le projet capotait. « Cet échec a pavé la voie d’une autre solution », explique un connaisseur du dossier. En effet, pour garder la main sur l’Agence, le Trésor a accepté de participer à l’augmentation du capital de celle-ci, ce qui aboutira presque au même résultat que l’adossement à la Caisse et ce qui évitera « l’usine à gaz » que redoutait Henri Emmanuelli.

Un travailleur à la tête de l’organisation

Ces difficultés n’ont pas nui à la candidature de Rémy Rioux à la direction de l’Agence, car Anne Paugam avait manifesté tout au long des discussions une forte opposition au mariage avec la Caisse, ce qui avait indisposé l’Élysée et le Quai d’Orsay. De plus, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères à l’époque, avait apprécié la façon dont Rémy Rioux lui avait permis de conduire la diplomatie économique de la France, au Moyen-Orient comme en Afrique.

Troisième directeur général de l’AFD en quatre ans, Rémy Rioux hérite d’une institution tiraillée entre trois ministères (Affaires étrangères, Économie et Intérieur), qu’il devra aider à y voir plus clair. « C’est un très gros travailleur, qui voit à long terme et se passionne pour ce qu’il fait », précise Bruno Cabrillac, directeur des études et des relations internationales et européennes à la Banque de France, qui a travaillé avec lui. « Il possède une rigueur intellectuelle au-dessus du commun. »

On peut supposer que Rémy Rioux sera soucieux de la dimension sociale du développement, et notamment de l’éducation et de la santé, qui en sont des composantes essentielles. Comme d’autres spécialistes de l’Afrique, il a pu constater l’échec des projets d’infrastructures pharaoniques du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad).

Favorable à l’aide budgétaire aux pays en développement afin que les gouvernements s’approprient la responsabilité de leurs projets, il pourrait infléchir la culture d’ingénieurs de l’AFD, qui incline souvent à privilégier les programmes « en dur », dont le budget est plus facile à chiffrer et dont les résultats – forcément plus rapides à apparaître – sont aussi plus aisés à apprécier. Ce qui ne garantit pas pour autant une efficacité optimale…

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