Israël : examen de conscience au sein de Tsahal

Trois responsables majeurs de l’appareil sécuritaire dénoncent avec des mots très durs des comportements qui ont récemment sali l’honneur de Tsahal. Et de l’État juif.

Le 24 mars, à Hébron, un assaillant palestinien déjà neutralisé est froidement exécuté par un soldat franco-israélien d’une balle dans la tête. © HAZEM BADER/AFP

Le 24 mars, à Hébron, un assaillant palestinien déjà neutralisé est froidement exécuté par un soldat franco-israélien d’une balle dans la tête. © HAZEM BADER/AFP

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 24 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

Les militaires ont la réputation de tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de parler, et les Israéliens ne dérogent pas à la règle. Pourtant, à quelques jours d’intervalle, trois des plus hauts gradés de Tsahal ont publiquement exprimé leur malaise devant « la déliquescence des valeurs morales » censées animer l’armée de l’État juif.

Vague importantes de violences policières 

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Le scandale de la vidéo montrant l’exécution, le 24 mars, à Hébron, d’un assaillant palestinien, pourtant déjà neutralisé, par le soldat franco-israélien Elor Azria a fait réagir le ministre de la Défense, Moshe Yaalon. Celui-ci, qui n’est autre que l’ancien chef d’état-major de Tsahal, a mis en garde contre des comportements qui n’ont pas leur place au sein de l’armée. Quelques jours plus tard, son successeur, Gadi Eizenkot, s’est ému de voir des soldats vider leurs chargeurs sur des fillettes de 13 ans.

Rien n’est plus facile que de haïr l’étranger, de semer la peur et de se transformer en bête

Mais la sortie la plus spectaculaire est à mettre au crédit du général de brigade Yaïr Golan, numéro deux de Tsahal. Elle est intervenue le jour du souvenir de l’Holocauste, le 5 mai. Dans un rapprochement qui ferait bondir un Alain Finkielkraut et tous les sourcilleux gardiens de l’exception mémorielle, l’ancien parachutiste a mis les pieds dans le plat.

« Ce qui me fait frémir, dans le souvenir de la Shoah, c’est de déceler avec effroi, chez nous, en 2016, les processus nauséabonds qui se sont déroulés en Europe il y a soixante-dix, quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans. Rien n’est plus facile que de haïr l’étranger, de semer la peur et de se transformer en bête. » Le militaire faisait référence, comme son ministre, au cas Azria, une tache sur l’honneur de Tsahal. Mais il est difficile de ne pas y voir aussi une allusion à la droitisation extrême de l’opinion et aux multiples initiatives, portées par les responsables israéliens, pour limiter les droits politiques des Arabes israéliens.

Les réactions et les condamnations ont été presque immédiates, obligeant le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, à joindre sa voix au concert de protestations. Yaïr Golan a dû nuancer ses propos. Leur teneur souligne cependant le malaise suscité par la métamorphose de Tsahal en armée d’occupation, ravivant les blessures (morales) de la guerre du Liban et de l’occupation de Gaza.

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Vives divergences au sein du gouvernement

Ils traduisent aussi la cassure entre un gouvernement, otage consentant des religieux du Shass et des nationalistes extrémistes du Foyer juif, et son appareil militaire et sécuritaire, plus pragmatique. L’absence de toute perspective pour les Palestiniens depuis la mort clinique du « processus de paix » risque de conduire à une déflagration bien plus incontrôlable que l’actuelle « Intifada des couteaux ».

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Il faut lire en filigrane, derrière ces critiques, que la politique cynique de Netanyahou est à la fois contraire aux intérêts d’Israël et une trahison du sionisme. L’argument peut être difficile à entendre pour les oreilles palestiniennes et arabes, mais il est porteur dans le débat public israélien.

Ces amorces de mea culpa constituent, indéniablement, un fait politique. Mais il ne faut pas se voiler la face, prévient Gideon Levy, l’éditorialiste du quotidien de gauche Haaretz. Cela ne fait pas de leurs auteurs des héros :

« Moshe Yaalon dénonce la bestialité qu’il observe chez certains de ses militaires. Mais qu’a-t-il fait pour la combattre quand il était chef d’état-major ? N’est-ce pas lui qui a conduit les terrifiantes opérations Rempart, contre la Cisjordanie, en 2002, et Jours de pénitence, à Gaza, en 2004 ? Et Yaïr Golan n’a-t-il pas participé activement à toutes ces opérations punitives qui le mettent mal à l’aise aujourd’hui, depuis celle de Maydoun, au Liban, en 1988, aux attaques récurrentes contre Gaza ? »

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