Focus : comment Air Madagascar tente de redresser la barre

Plombée par des dysfonctionnements internes et des grèves à répétition, la compagnie publique est en pleine restructuration. Sa survie en dépend, alors que le gouvernement a ouvert le ciel à la concurrence.

Le transporteur a notamment perdu le monopole de l’aéroport de Nosy Be, destination touristique prisée. © Alan Wilson/Flickr

Le transporteur a notamment perdu le monopole de l’aéroport de Nosy Be, destination touristique prisée. © Alan Wilson/Flickr

Publié le 24 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

Les dirigeants d’Air Madagascar ont entamé une course contre la montre pour sauver la compagnie publique, empêtrée dans des difficultés financières et des grèves à répétition. Sa restructuration est devenue une priorité, à tel point que le sujet a dominé l’ordre du jour d’une récente réunion entre le FMI et le gouvernement malgache.

C’est au conseil d’administration nommé en juillet 2015 et présidé par Léon Rajaobelina, conseiller économique spécial du président, qui avait déjà occupé ce poste pendant la transition, après le coup d’État de 2009, que revient cette tâche. « Les donateurs internationaux voulaient que l’État cesse de subventionner la compagnie. C’est ce que nous avons décidé de faire », nous expliquait récemment Ulrich Andriantiana, alors ministre des Transports et du Tourisme.

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Licenciements annoncés

Nommé directeur général en octobre 2015, Gilles Filiatreault est à la manœuvre pour mener à bien ce projet de redressement devant permettre à la société, qui affichait en début d’année un déficit de 76 millions de dollars (environ 70 millions d’euros), de renouer avec la rentabilité. Alors qu’Air Madagascar emploie 200 personnes par avion, contre une moyenne mondiale de 64, il a annoncé en janvier 400 licenciements.

Cette restructuration du transporteur national est d’autant plus indispensable que le gouvernement a commencé à libéraliser l’espace aérien du pays pour l’ouvrir à de nouvelles compagnies internationales, mettant ainsi un terme au monopole d’Air Madagascar.

Le gouvernement a accepté de recapitaliser la compagnie à hauteur de  36 millions d’euros.

La concurrence est déjà en train de se mettre en place : le transporteur privé Madagasikara Airways propose depuis octobre des vols entre Antananarivo et Toamasina et dessert huit aéroports nationaux ; Turkish Airlines a inauguré sa route Antananarivo-Istanbul via Maurice en décembre ; Airlink, la filiale régionale de South African Airways, a augmenté la fréquence de ses vols entre Johannesburg et Antananarivo et a ouvert en mars des vols directs entre la capitale économique sud-africaine et l’île très prisée de Nosy Be.

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Conscient que cette montée en puissance de la concurrence pourrait définitivement mettre à mal Air Madagascar, le gouvernement a accepté en décembre de recapitaliser la compagnie à hauteur de 128 milliards d’ariarys (environ 36 millions d’euros).

Des difficultés dues à une « mauvaise gestion » de la compagnie

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Peu de temps après sa nomination, en juillet 2015, le conseil d’administration avait indiqué qu’il se pencherait sur l’ouverture du capital à de nouveaux actionnaires – l’État malgache, qui détient actuellement 89 % des parts, en conservant toutefois la majorité. Mais moins d’un an plus tard, fin avril, Roland Ratsiraka, le nouveau ministre du Tourisme, préconisait une privatisation pure et simple.

Il faut dire que la compagnie, inscrite sur la liste noire de l’Union européenne depuis 2011, est devenue au fil des ans synonyme de retards récurrents, d’annulations et de bagages perdus. « Il y a un déficit de transparence dans la gestion de cette compagnie, avec beaucoup de personnes incompétentes et énormément de copinage », soutient une source proche du dossier.

L’aéroport d’Ivato « ne répond pas aux normes internationales »

En juin-juillet 2015, les difficultés de la compagnie ont atteint leur summum lorsqu’une grève de près d’un mois a cloué les avions au sol. Une situation qui a pénalisé l’ensemble de la filière touristique, alors en haute saison, tandis que des villes comme Maroantsetra (Nord-Est), inaccessibles par la route et habituellement desservies trois fois par semaine avec Air Madagascar, se sont retrouvées plus isolées que jamais.

La restructuration ne concerne toutefois pas seulement Air Madagascar. Avec l’ouverture du ciel, le gouvernement a aussi décidé de mettre ses deux plus grands aéroports, Antananarivo et Nosy Be, en concession. « L’aéroport d’Ivato [Antananarivo] date des années 1960 et doit être modernisé. Il a besoin d’une passerelle et doit être capable de recevoir des gros-porteurs comme les Boeing 787 ou les Airbus A380. Pour l’instant, il ne répond pas aux normes internationales », expliquait Ulrich Andriantiana. Ajoutant : « Nous avons pensé que la meilleure façon de financer cette modernisation serait par le biais d’un partenariat public-privé. Nous avions besoin de 200 millions de dollars. Adema [Aéroports de Madagascar] est une société d’État. Elle n’a pas les moyens de lever cette somme. »

Un partenariat public-privé qui a du mal à démarrer

En mai 2015, le gouvernement a donc confié, via une concession de vingt-huit ans, la gestion de ses aéroports à un consortium constitué d’Aéroports de Paris Management, de Colas Madagascar, de Bouygues Bâtiment International et de Meridian Africa.

Mais cet accord a eu du mal à démarrer, car il n’a pas reçu l’adhésion d’un certain nombre d’intervenants, comme l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui remettaient en cause le modèle de revenus des concessionnaires. Celui-ci prévoit notamment une taxe de 20 euros par passager sur les vols nationaux et de 38 euros sur les vols internationaux.

Le calendrier des travaux a également dérapé, et l’aéroport d’Ivato a de moins en moins de chances d’être prêt pour novembre, date à laquelle Madagascar doit accueillir le sommet de la Francophonie – l’une des principales raisons du recours à un contrat de partenariat public-privé.

L’avenir d’Air Madagascar est donc toujours incertain. Et, avant que la restructuration soit effective, annulations et retards restent à craindre.

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