Tunisie : après la chaîne de Ponzi, les barreaux de prison pour Adel Dridi

Cet assureur aux allures de petit notable aurait pu demeurer un tranquille père de famille.

Adel Dridi © DR

Adel Dridi © DR

Publié le 25 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

Le terreau sur lequel naissent et prospèrent les arnaqueurs reste fertile. © Adria Fruitos / J.A.
Issu du dossier

Les nouveaux pros de l’arnaque

Ce sont les « Madoff africains ». Du Maroc au Gabon, des escrocs en col blancs font miroiter de mirifiques retours sur investissement pour mieux soutirer l’épargne de leurs victimes. Ne tombez pas dans le piège !

Sommaire

Mais Adel Dridi, 48 ans, est devenu l’escroc en col blanc dont tout le monde parle encore. Nombreux ont été les Tunisiens à lui confier leurs économies, et pour cause : il promettait jusqu’à 200 % d’intérêts ! Entre la création de Yosr Développement, en 2011, et son arrestation, en 2013, près de 60 000 personnes ont investi des montants allant de 1 000 à 150 000 euros. Comme d’habitude dans une arnaque de type Ponzi, les premiers investisseurs ont confirmé qu’ils percevaient des rémunérations exceptionnelles, renforçant ainsi la notoriété de Dridi.

La prospérité après son départ de la Star

la suite après cette publicité

Issu d’une famille modeste d’El-Kabaria, un ancien bidonville tunisois devenu le cœur de trafics en tout genre, Adel Dridi a suivi des études d’économie et de gestion avant de se lancer dans le secteur des assurances, jusqu’à devenir, dans son quartier, agent général de la Société tunisienne d’assurance et de réassurance (Star). Son portefeuille est d’abord constitué de connaissances – qui formeront une clientèle de premier choix lorsqu’il créera Yosr Développement.

Il se met à mener grand train, tout en s’assurant le soutien des islamistes.

Mais les premiers ennuis commencent avec la fin de son contrat au sein de la Star, qui le poursuit pour piratage de logiciel. Adel Dridi obtient néanmoins gain de cause et empoche, fin 2010, près de 150 000 euros. C’est grâce à cette somme rondelette, et alors qu’éclate la révolution, que l’assureur devient voleur.

Lui qui était si discret se met à mener grand train, tout en s’assurant le soutien des islamistes. Il se distingue comme bienfaiteur des pauvres, se rapproche des milices de la Ligue de protection de la révolution (LPR), particulièrement remuantes à El-Kabaria. On le surnomme Adel Galaxie, du nom de l’immeuble de Lafayette (un quartier de Tunis) où il installe ses bureaux et ses 22 employés. L’affaire semble prospère et n’attire pas l’attention des autorités. Dridi ouvre jusqu’à dix filiales…

Il profitait simplement d’un vide juridique…

La série noire

la suite après cette publicité

Mais lorsque le flot des dividendes promis commence à se tarir, la situation se dégrade rapidement. Le domicile de sa mère est saccagé par des clients floués et des manifestations éclatent devant la Banque centrale de Tunisie. La pyramide s’effondre comme un château de cartes… Arrêté en avril 2013, il est d’abord libéré pour qu’il s’acquitte de ses dettes, en vain.

« Il ne pouvait rien faire, ses avoirs étaient bloqués », assure son ancien avocat, Imed Guesmi. Pour lui, le gérant de Yosr Développement n’a pas commis de délit ; il profitait simplement d’un vide juridique…

la suite après cette publicité

Après une seconde arrestation rocambolesque sur l’autoroute de Sousse, Adel Dridi est condamné, en août 2013, à trente-deux ans de prison pour exercice illégal d’une activité bancaire. Cette lourde peine est ramenée à dix ans en seconde instance, en 2014. Pour Imed Guesmi, le « Madoff tunisien », qui aurait détourné près de 40 millions d’euros, est une victime : « Il faisait de la concurrence aux banques et dérangeait leurs puissants actionnaires. » Et de remarquer que « les premières plaintes ont été déposées par des agents de la sûreté nationale qui étaient ses adhérents ».

Une théorie du complot relayée par des associations islamistes, mais aussi par certains épargnants, qui espéraient encore récupérer leur mise, sûrs qu’un homme respectueux des préceptes religieux ne pouvait être l’auteur de telles malversations. Depuis sa prison de Mornaguia, Dridi continue de clamer son innocence. Mais l’auteur de la première grande arnaque de Ponzi en Tunisie a inspiré d’autres voleurs, comme Casus Group, en 2013. Pas mal pour un assureur sans envergure…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image