Portrait : Jocelyn Armel, il sape comme jamais
Musiciens, écrivains et personnalités du show-biz plébiscitent les créations de ce tailleur congolais installé à Paris. Prochaine étape : ouvrir sa première boutique en Afrique.
Le mannequin vient tout juste d’être posé en vitrine. Le créateur Jocelyn Armel, alias le Bachelor, s’empresse de nous le présenter. La veste en velours bleu portée par l’écrivain Alain Mabanckou lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, le 17 mars, trône fièrement à la vue des passants du quartier de Château-Rouge, à Paris. Jocelyn était évidemment présent dans ce haut lieu du savoir pour l’occasion. « Il fallait que l’événement soit aussi vestimentaire », affirme-t-il. La tenue a réclamé un mois d’intense travail, d’essayages, d’ajustements, avec l’auteur de Petit Piment, que le tailleur appelle affectueusement « son petit frère ».
Les deux compères se sont connus à Paris il y a une quinzaine d’années. Cette amitié, jamais démentie, a finalement conduit le professeur Mabanckou à devenir l’égérie de la marque Connivences, créée par Jocelyn en 1998.
Ce dernier est un adepte de la sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes), héritière d’un mouvement né au Congo avant les indépendances, comme un pied de nez au pouvoir colonial, et qui allie joie de vivre et raffinement. Sa griffe, identifiable entre toutes – costumes hauts en couleur, vestes à fleurs, chemises à pois ou à rayures -, avait aussi conquis l’icône congolaise de la rumba, Papa Wemba, décédé le 24 avril.
Echos médiatique
En 2014, c’est d’ailleurs une création de Jocelyn que le chanteur arborait dans le clip du morceau Araignée. Le couturier se targue aussi d’avoir pour ambassadeurs de prestige les musiciens congolais Fally Ipupa, Roga Roga, Ferre Golla et, plus surprenant, Antoine de Caunes et Ariel Wizman, deux animateurs de Canal+.
Jocelyn choisit lui-même ses tissus en Italie, en Pologne ou en Roumanie et ne propose que six modèles pour chaque vêtement. Exclusive, la mode du créateur n’en demeure pas moins abordable puisque ses costumes se négocient pour la plupart à 300 euros.
Au départ, ma clientèle ne venait que du Congo. Aujourd’hui, elle s’est rajeunie, elle est de toutes les origines
Cela fait maintenant onze ans que ce tailleur fringant a ouvert sa boutique dans l’ancien restaurant de sa mère après avoir commencé comme vendeur chez Daniel Hechter dans les années 1990. « Les clients étaient jaloux de mes vêtements. Ce sont leurs réactions qui m’ont poussé à créer ma marque. » Étudiant, pour arrondir ses fins de mois, il revendait déjà à ses camarades des costumes rapportés de ses voyages à Naples.
Imaginait-il alors qu’il serait un jour distingué dans le dernier City Guide de Louis Vuitton comme l’une des 100 personnalités de Paris, photographié par le célèbre Martin Parr, invité par le couturier britannique Paul Smith à la Fondation Prince Claus (Pays-Bas) ou qu’il tournerait des publicités et des clips pour Radio Nova, Canal+ Afrique et pour le groupe Black Bazar, inspiré par le livre éponyme de Mabanckou ? Il a également prêté son image à Nike en 2010, aux 80 ans de Lacoste en 2013, et à la dernière campagne de la compagnie aérienne congolaise ECair. Et, à présent, c’est la prestigieuse marque de chaussures pour femmes Louboutin qui s’attache ses services.
Il réfléchit désormais, avec son ami Mabanckou, à ouvrir des franchises à Chicago et à Détroit. « Au départ, ma clientèle ne venait que du Congo. Aujourd’hui, elle s’est rajeunie, elle est de toutes les origines. » Les « sapeurs » viennent de partout, des quartiers chics de l’Ouest parisien, de Monaco, de Suisse… Et pour toutes les occasions, comme ce jeune urbain invité à un mariage, désespérant de ne voir ailleurs que des vêtements bien sombres.
Ou cet autre, d’origine congolaise, qui se rend à des obsèques. Le rêve pour Jocelyn : lever des fonds et ouvrir sa première boutique en Afrique, qu’il entend également habiller avec sa très communicative joie de vivre.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles