Égypte : Hosni Moubarak, l’éternel convalescent

Depuis son éviction du pouvoir en 2011, l’ancien raïs est maintenu en résidence surveillée dans une chambre d’hôpital, au Caire, avec vue sur le Nil. Récit d’une petite vie bien tranquille.

Saluant des admirateurs venus lui souhaiter un bon anniversaire, le 4 mai. © KHALED ELFIQI/EPA/MAXPPP

Saluant des admirateurs venus lui souhaiter un bon anniversaire, le 4 mai. © KHALED ELFIQI/EPA/MAXPPP

Publié le 25 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

Que devient Hosni Moubarak ? Cinq ans après son hospitalisation pour un infarctus à Charm el-Cheikh, où il s’était replié à la suite de son éviction du pouvoir, et quatre ans après sa condamnation, l’ancien raïs est maintenu en résidence surveillée, bien qu’il ait été remis en liberté conditionnelle en août 2013. Depuis, il a quitté sa cellule de la prison de Tora, dans la banlieue sud du Caire, pour emménager à quelque 5 km de là, dans une chambre deux fois plus grande et plus confortable de l’hôpital militaire de Maadi, un quartier chic de la capitale, où les muezzins ont pour consigne de ne pas trop forcer sur les décibels afin de préserver la quiétude des riverains.

Malade imaginaire ?

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Dans les 25 m² de sa chambre avec vue imprenable sur le Nil, Hosni Moubarak évoque souvent avec Suzanne, son épouse, leur maison de Charm el-Cheikh, où il souhaiterait se retirer. Mais, pour le moment, « Le Pharaon » se plie aux conditions de l’accord qu’il a passé avec les autorités. Il a en effet accepté cette détention singulière en échange de la remise en liberté de ses fils – Gamal, qui aurait dû lui succéder, et Alla, l’homme d’affaires -, effective depuis octobre 2015.

Celui qui a régné près de trente ans sur l’Égypte s’est donc résigné à ne pas quitter l’hôpital, où il coule des jours paisibles sous la double surveillance de gardes postés devant sa porte et d’une équipe médicale qui le traite comme un patient dont on ne sait plus de quoi il souffre.

Ses détracteurs l’ont soupçonné de feindre des malaises pour obtenir des reports d’audience

Hosni Moubarak n’avait pas eu de problème de santé notable… jusqu’à la révolution qui l’a chassé du pouvoir. Depuis son malaise cardiaque d’avril 2011, il n’a jamais plus été vaillant. Il a comparu sur une civière dès son premier procès. Au fil des audiences, malgré les démentis de son avocat, Me Farid al-Dib, ses détracteurs l’ont soupçonné de feindre des malaises pour obtenir des reports.

Il a même été donné pour mort en juin 2012, après qu’on lui a enlevé des polypes au duodénum et que les rumeurs le disaient atteint d’un cancer de l’estomac. Aujourd’hui, rien à signaler, si ce n’est qu’il doit parfois trouver des appuis, lorsqu’il se déplace, à cause de ses douleurs, séquelles d’une fracture du col du fémur.

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De multiples avantages en échange de la discrétion de l’ancien président

Le 4 mai, il est apparu à sa fenêtre pour saluer de la main et d’un sourire les personnes venues fêter ses 88 ans par des chants et des danses devant les grilles de l’hôpital. Amaigri, mais les cheveux toujours aile de corbeau – et régulièrement teints par son coiffeur personnel -, Hosni Moubarak n’est pas à l’isolement. Outre son épouse, il reçoit ses deux fils, ses petits-enfants et ses amis, tous munis d’un laisser-passer délivré par le ministère de la Défense. Il regarde la télévision, lit beaucoup.

Moubarak sait qu’il est encombrant pour les autorités et se fait discret.

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On lui apporte des journaux, des fleurs et des repas préparés par un traiteur. Accro à son téléphone portable, il communique beaucoup par SMS et passe de nombreux appels – même si, depuis qu’il a utilisé son vieux Nokia pour accorder quinze minutes d’interview à la chaîne privée Sada al-Balad, fin 2014, leur surveillance a été renforcée. Il a connu pire.

Échaudé par le traitement sévère qu’il a reçu en détention pendant que les Frères musulmans étaient au pouvoir (2012-2013), Moubarak sait qu’il est encombrant pour les autorités et se fait discret. D’autant qu’il reste poursuivi pour blanchiment d’argent, une procédure longue, dont il ignore s’il vivra assez vieux pour en connaître la fin. Alors qu’il voit non sans amertume certains de ses anciens collaborateurs retourner leur veste et d’autres se faire absoudre par les tribunaux, lui ne peut que contempler le Nil, en rêvant de Charm el-Cheikh.

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