Maroc : Chari El Hou, un héros sans gloire
Il a 73 ans. Sa dernière volonté avant de mourir est de visiter Paris, « capitale de la Révolution française ».
Pour Chari El Hou, la France incarne les idéaux pour lesquels il a passé cinq ans dans les prisons de Hassan II, dont onze mois dans le « Courbis », un centre de détention situé dans l’ancien aérodrome d’Anfa, à Casablanca, aujourd’hui rasé, et plus de quatre ans dans les bagnes d’Agdz et de Tagounit. En mars 1973, après l’échec des coups d’État de 1971 et de 1972, l’extrême gauche organise des soulèvements dans plusieurs régions du Maroc pour tenter de renverser le régime.
Le mouvement est réprimé dans le sang. Le pouvoir en profite pour terrasser l’Union nationale des forces populaires (UNFP, devenue après l’USFP). Près de 4 000 adhérents et sympathisants de l’UNFP atterrissent au « Courbis », dont Chari El Hou, arrêté à Goulmima, où il était professeur de français.
Répressions
« Pendant toute la durée de notre détention, on était allongés par terre comme des sardines, les yeux bandés, les mains menottées. Comme on ne nous donnait presque rien à manger, on n’allait aux toilettes que tous les quatre jours », se souvient-il. Lorsqu’il a été transféré à Agdz, un an plus tard, il a pu enfin voir la lumière du jour et retrouver l’usage de ses jambes en circulant dans la petite cour intérieure de la prison.
Sa Majesté a décidé de vous libérer, mais il vous est interdit de parler
À Agdz, ils étaient douze dans « le groupe des événements de 1973 », aujourd’hui tous morts, sauf lui. Au soir du 9 août 1978, un officier de l’armée est venu les chercher et les a conduits jusqu’à Errachidia (à 323 km d’Agdz). « Écoutez-moi bien, leur lance-t-il. Sa Majesté a décidé de vous libérer, mais il vous est interdit de parler. Sinon vous connaîtrez pire ! » Comme beaucoup de victimes des années de plomb, Chari El Hou écrira un livre pour témoigner de son expérience et livrer sa position sur la question du Sahara.
Son éditeur refusera de le publier. « Trop subversif », lui dira-t-il. Dans sa maison, à Goulmima, notre héros sans gloire continue, près de quarante ans après sa libération, de cultiver la nostalgie de la révolution.
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