Burkina : paysage après la tempête
L’économie burkinabè est-elle en panne ?
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 8 juin 2016 Lecture : 3 minutes.
Burkina Faso : changement d’ère
Près de six mois se sont écoulés depuis l’investiture de Roch Marc Christian Kaboré à la tête du Burkina Faso. Le pays a-t-il su tourner la page Blaise Compaoré, déchu par la rue en octobre 2014 ?
« Faux ! » s’exclameront ceux qui lisent sur le compteur de la croissance des chiffres très honorables : + 4 % en 2014 comme en 2015, années perturbées s’il en fut, et + 5,2 % annoncés par le FMI pour 2016. Et c’est vrai, les secteurs du BTP et des mines se portent bien. Le premier est porté par un ciment en plein boom, le second par la mise en exploitation de nouveaux gisements aurifères et par un dollar fort.
Malgré ces bons indicateurs, le premier trimestre 2016 a été quasiment à l’arrêt, comme le prouve un investissement public paralysé par l’adoption tardive du budget et par la révision des procédures de passation des marchés publics. Les crédits consentis au secteur privé sont eux aussi en chute libre, faute de confiance. « Ce n’est pas avant 2017 que le Burkina Faso renouera avec son potentiel et pourra afficher 6 % de croissance », prédit un expert.
Le Burkina est un peu l’Ouganda de l’Afrique de l’Ouest
Ce qui justifie cet optimisme, c’est le sérieux avec lequel les autorités ont entrepris de corriger les déficits provoqués par les soubresauts politiques et par une météo qui a nui à la récolte de coton. Les économies sur les dépenses d’investissement et les gros efforts réalisés pour améliorer les recettes fiscales grevées par une fraude importante ont permis de contenir à 3 % le déficit budgétaire. Un résultat qui classe le Burkina parmi les bons élèves de l’UEMOA.
« Ce pays est solide parce que ses habitants sont travailleurs et patriotes, et que ses institutions fonctionnent, explique un observateur. Ce n’est pas le Burkina qui achèterait un avion dans le dos des institutions de Bretton Woods, comme l’a fait l’un de ses voisins ! Le Burkina est un peu l’Ouganda de l’Afrique de l’Ouest. »
Pour satisfaire la jeunesse, le gouvernement est naturellement tenté de créer des emplois à grand renfort de subventions. Malheureusement, les caisses sont vides, et l’État est donc forcé de se rallier à l’avis des bailleurs de fonds, pour lesquels il n’est de salut et de création d’emplois que dans le développement du secteur privé.
Paul Kaba Thieba, le Premier ministre, l’a compris, et s’occupe personnellement d’améliorer le climat des affaires afin de réduire le nombre d’embûches susceptibles de paralyser les entreprises. C’est à ce prix que les capitaux étrangers reprendront le chemin de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso.
Secteurs prioritaires
Le nouveau pouvoir doit relever trois défis. D’abord, mettre de l’ordre dans les nombreux projets d’aménagements et d’infrastructures. Le Plan national de développement économique et social (PNDES), tout juste entériné, doit établir très vite des priorités entre « pôles de croissance », routes, voies ferrées, mines, irrigations, électrifications,etc. Et qu’il ne compte pas, à court terme, sur la fameuse boucle ferroviaire du groupe Bolloré ou sur l’exploitation du manganèse de Tambao qui en dépend. Trop aléatoire.
Le deuxième défi, c’est le coton. Le Burkina vient de renoncer à cultiver une variété transgénique Bt car elle dégradait la qualité du coton en réduisant la longueur de la fibre. Problème, le retour au coton classique suppose l’emploi de plus grandes quantités d’engrais, que le budget de l’État ne permet pas de financer. À moins que le Burkina n’obtienne d’importants dommages et intérêts de Monsanto, le fournisseur du Bt… Là aussi, très aléatoire.
Le troisième défi, c’est la restructuration du secteur de l’énergie. Les nombreuses coupures d’électricité sont insupportables aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Les deux sociétés d’État, Sonabel (électricité) et Sonabhy (hydrocarbures), se renvoient la responsabilité de cette pénurie, la première étant redevable de quelque 66 milliards de F CFA (plus de 100 millions d’euros) à la seconde, qui rechigne à lui fournir le combustible pour faire tourner ses centrales.
Le gouvernement a décidé le principe d’une remise à niveau du capital de Sonabel. Son plan de redressement prévoit aussi la fin des subventions aux carburants et la mise en place d’une structure rationnelle des prix de l’énergie, qui ménage les finances de l’État, des opérateurs, des particuliers et des entreprises. Il devra mettre la main à la poche pour assainir durablement le secteur. Et une aide internationale serait la bienvenue pour réussir cette opération délicate, car politiquement risquée.
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