Jad Ariss : « Axa a pris conscience du potentiel de l’Afrique »
Le géant français des assurances, qui s’est récemment implanté au Nigeria et en Égypte, souhaite étendre son dispositif africain. Son patron régional place ses espoirs dans une classe moyenne encore peu couverte.
Entre novembre 2014 et la fin du premier trimestre de 2016, Axa a investi plus de 400 millions de dollars (plus de 353 millions d’euros) dans des acquisitions et des prises de participation en Afrique. Durant l’année 2015, l’assureur a ainsi fait son entrée au Nigeria, en prenant le contrôle de 77 % de Mansard Insurance (numéro quatre du pays) pour 198 millions d’euros, et en Égypte, où il a notamment racheté la branche vie de Commercial International Bank (CIB).
Le géant français (1 363 milliards d’euros d’actifs sous gestion en 2015) a aussi investi 75 millions d’euros dans le spécialiste de l’e-commerce Africa Internet Group, qui déploie notamment le site Jumia, 61 millions de dollars dans le groupe de réassurance Africa Re, et a acquis 18,6 % d’Eranove, entreprise leader dans les services publics en Afrique de l’Ouest. Il a enfin créé en avril Axa Africa Speciality Risks, une filiale spécialisée dans la couverture des risques politiques, du secteur de l’énergie et des infrastructures.
L’offensive est impressionnante pour un groupe historiquement présent dans les assurances en Afrique – où il a généré dans huit pays (Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Égypte, Gabon, Maroc, Nigeria et Sénégal) près de 680 millions d’euros de revenus en 2015 -, mais qui s’était désengagé du secteur vie avant de bloquer tout nouveau développement. Rencontré à Abidjan en mars pour la quatrième édition du Africa CEO Forum, Jad Ariss, directeur général Moyen-Orient, Golfe et Afrique, a répondu aux questions de J.A.
Jeune Afrique : Depuis un an et demi, le groupe a multiplié les investissements dans la région, avec au moins six prises de participation et acquisitions…
Jad Ariss : Effectivement, nous avons notamment racheté Mansard Insurance au Nigeria, rebaptisé Axa Mansard. C’est une opération importante sur un marché de premier ordre : la première économie africaine est aussi le pays le plus peuplé du continent. Surtout, la pénétration de l’assurance y est encore très faible [les primes représentent moins de 1 % du PIB], mais celle-ci devrait s’accentuer dans les prochaines années.
En Égypte, après avoir fondé en 2015 une première société d’assurance-dommage et santé, nous avons racheté Commercial International Life Insurance Company, la branche vie de CIB, l’un des plus importants établissements privés du pays. Ceci complète bien notre toute jeune entité sur le marché égyptien.
Avant 2014, Axa était donc absent de deux des économies les plus importantes du continent…
Ces dernières années, Axa s’est davantage développé en Asie. Mais, depuis deux à trois ans, il y a une prise de conscience du potentiel que représente l’Afrique pour le marché de l’assurance et pour Axa en particulier. Nous annoncerons notre nouveau plan stratégique 2016-2020 en juin, et l’Afrique sera l’un des piliers de notre stratégie dans les pays émergents.
Nous souhaiterons certainement compléter notre dispositif, aujourd’hui très centré sur l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, par une présence en Afrique de l’Est
Au Nigeria, vous avez finalisé l’intégration de Mansard. Quel bilan dressez-vous de 2015 ?
Nous sommes très satisfaits, même si le marché a été plus difficile en raison de la baisse du prix du pétrole. Nous nous adaptons à cet environnement. Certains métiers, comme la gestion de fonds de pension, sont moins touchés. C’est un domaine extrêmement porteur, dont nous avons déjà une petite expérience et dans lequel nous aimerions renforcer notre position.
Quels autres pays visez-vous ?
Nous souhaiterons certainement compléter notre dispositif, aujourd’hui très centré sur l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, par une présence en Afrique de l’Est.
Dans les pays africains, les premiers besoins concernent l’assurance-dommage du particulier et l’assurance-santé, puis l’assurance-dommage des entreprises
Le groupe est entré au capital d’Africa Internet Group [AIG]. Vous vous y retrouvez aux côtés de l’opérateur de télécoms MTN et de la banque Goldman Sachs…
Cet investissement est intéressant à double titre. AIG a lancé un certain nombre de plateformes d’e-commerce qui ont beaucoup de succès en Afrique, et nous croyons en ce modèle. De plus, nous souhaitons tirer parti de son importante base de clients [plus de 1 million en Afrique de l’Ouest] pour distribuer des produits d’assurance via les différentes plateformes de Jumia.
Qu’est-ce qui vous fait penser que le taux de pénétration de l’assurance va augmenter ?
Les pays du continent, en Afrique de l’Ouest notamment, voient une classe moyenne émerger. Celle-ci aura besoin de s’équiper, notamment en produits d’assurance – par exemple à l’occasion de l’achat d’une voiture – et par la suite en assurance-santé. Cela fait partie des besoins naturels qui se dessinent quand une classe moyenne se développe dans un pays à la croissance soutenue.
Vos offres d’assurances diffèrent-elles d’un pays à l’autre ?
Notre offre est différenciée, mais il existe des tendances communes. Dans les pays africains, les premiers besoins concernent l’assurance-dommage du particulier et l’assurance-santé, puis l’assurance-dommage des entreprises. Plus tard dans le cycle viennent l’assurance-vie et l’épargne, selon le niveau de développement et de maturité de ces marchés.
Au Maroc, par exemple, nous sommes déjà présents sur l’ensemble de cette gamme d’offres. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale francophone, nous sommes surtout actifs dans le dommage et la santé, pas dans l’assurance-vie, sauf en Côte d’Ivoire, où nous venons justement de nous lancer dans cette activité.
Plusieurs acteurs du secteur, en Afrique, plaident pour plus d’assurances obligatoires. Partagez-vous cette approche ?
Que ce soit en Afrique ou ailleurs, nous ne sommes pas favorables à ce que l’ensemble des branches d’assurances fassent l’objet d’une obligation. Il y a un nombre de risques très limité où l’assurance obligatoire a du sens, dans l’automobile notamment. Nous ne souhaitons pas que nos clients viennent nous voir parce qu’ils y sont obligés. Nous préférons sensibiliser la population à la nécessité de s’assurer pour protéger sa vie et ses biens.
Une voix « africaine » au conseil d’administration
Malgré le départ du PDG Henri de Castries – dont la série de voyages, début 2013, avait marqué le retour stratégique d’Axa sur le continent -, l’Afrique conservera un défenseur au sommet du groupe français. Si son successeur au poste de directeur général, l’Allemand Thomas Buberl, est peu familier du continent, ce n’est pas le cas du Français Denis Duverne, futur président du conseil d’administration. En tant que directeur général délégué, il a été en première ligne lors des investissements d’Axa dans Mansard Insurance, Africa Internet Group et Africa Re.
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