Mauritanie : Biram Dah Abeid vise la présidentielle de 2019
Après un an et demi de prison, le militant antiesclavagiste mauritanien a été libéré. Assagi ? Que nenni ! Il compte désormais préparer sa candidature à l’élection présidentielle de 2019.
Biram Dah Abeid a gagné. La Cour suprême mauritanienne a cassé, le 17 mai, les jugements qui l’avaient condamné à deux ans de prison, en janvier 2015, pour « appartenance à une organisation non reconnue, rassemblement non autorisé et violence contre les forces de l’ordre ». Dès sa sortie de prison, l’impétueux militant a promis aux Mauritaniens « une lutte sans merci contre le régime raciste et esclavagiste » du président Mohamed Ould Abdelaziz. Ce dernier affirme qu’il n’y a plus d’esclavage en Mauritanie, même si ses séquelles persistent.
Né dans la vallée du Sénégal en 1965, Biram Dah Abeid descend d’esclaves de Maures blancs, les Beidanes. Il appartient au groupe des Haratines, ces Négro-Mauritaniens qui composent 40 % de la population mais sont cantonnés à un statut de citoyens de seconde zone. Un peu d’études de droit et d’histoire puis un emploi de fonctionnaire lui ont donné les outils pour développer sa thèse : malgré l’abolition de l’esclavage, et bien que de nombreuses lois et trois tribunaux spéciaux soient censés le réprimer, il resterait 140 000 esclaves en Mauritanie – un « record » mondial.
Je n’ai pas de problème avec l’islam mais avec son interprétation
En 2008, Biram Dah Abeid fonde l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) et pratique d’emblée la provocation. En 2011, il est incarcéré une première fois, puis libéré. Le 27 avril 2012, il brûle sur la place publique des livres d’exégèse de l’islam malékite qui, selon lui, légitiment l’esclavage, clamant qu’il n’a « pas de problème avec l’islam mais avec son interprétation ». Il est de nouveau emprisonné, puis relaxé.
Ce combat lui attire, en 2013, la faveur des institutions et des ONG européennes et américaines. Biram Dah Abeid reçoit le prix des droits de l’homme des Nations unies. Il embrasse alors les luttes de tous les humiliés du pays, honorant la mémoire des officiers haratines pendus du temps du président Maaouiya Ould Taya ou prenant fait et cause pour les agriculteurs noirs dans leurs conflits fonciers avec les riches propriétaires beidanes. C’est ainsi qu’il est une nouvelle fois arrêté lors d’une « caravane contre l’esclavage foncier » à Rosso, en novembre 2014. Après un an et demi de prison, le voilà libre.
Ambitions politiques gênantes
Biram Dah Abeid est une sorte de Spartacus au verbe enflammé, ce qui lui a valu d’arriver deuxième, avec 8,7 % des voix, lors de l’élection présidentielle de juin 2014, derrière le chef de l’État (81,9 %). Mais ses propos à l’emporte-pièce et son autodafé de livres considérés comme saints lui ont aliéné nombre de soutiens. Il s’est ainsi brouillé avec Boubacar Messaoud, fondateur de SOS Esclaves. À sa sortie de prison, il a déclaré à Jeune Afrique qu’il se préparait à l’élection présidentielle de 2019, s’estimant « la seule force capable de concurrencer » le pouvoir.
Durant son incarcération, son association avait préparé le terrain en soutenant les mineurs, les pêcheurs ou les dockers qui protestaient contre un régime rendu responsable de la morosité économique provoquée par la chute des prix du fer. L’IRA semble désormais taillée pour devenir un parti politique, mais cette mue s’annonce risquée. Les appuis financiers venus de pays riches, motivés par le combat antiesclavagiste de Biram Dah Abeid, pourraient se tarir face à sa tentative de prise de pouvoir dans un pays où intérêts personnels et gouvernance se mélangent dans une redoutable opacité.
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