Vents défavorables (II)

La semaine dernière, sous le titre de « Vents défavorables », j’ai attiré votre attention sur la très mauvaise passe économique que traverse notre continent. Il me faut y revenir.

Les ressources du sous-sol africain subissent la forte baisse des prix. © Anis Belghoul/AP/SIPA

Les ressources du sous-sol africain subissent la forte baisse des prix. © Anis Belghoul/AP/SIPA

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Publié le 2 juin 2016 Lecture : 4 minutes.

À partir de 2005 et pendant près d’une décennie, l’Afrique a bénéficié de la forte demande des produits de son riche sous-sol et des prix élevés qu’on en offrait.

Les acheteurs se bousculaient, au premier rang desquels la Chine, elle-même en surchauffe économique et jouant le rôle d’« usine du monde ».

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D’autres grands pays émergents connaissant eux aussi une croissance rapide se mirent à acheter à tous crins.

Ce vent favorable a tourné en 2014 ; la demande pour les produits du sous-sol africain s’est ralentie, et leurs prix ont commencé à baisser fortement, de 30 % en moyenne, voire davantage.

L’Afrique a été frappée de plein fouet, et, en 2016, nous nous trouvons au creux de la vague.

En un mot comme en mille, c’est le marasme : le continent dans son ensemble y est plongé, les Africains ayant joué les cigales pendant les belles années de la décennie 2005-2014, sans nullement se préparer à l’éventualité de la mauvaise passe dans laquelle ils viennent d’entrer.

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Ici se posent deux questions essentielles : est-ce grave ? Combien de temps cela va-t-il durer ?

Je n’y ai pas répondu la semaine dernière et je voudrais le faire ci-dessous.

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Les augures sont mauvais, et les réponses qu’ils donnent ne sont pas encourageantes, je vous en préviens. Mais je vous les livre parce que je crois qu’un malade lutte mieux pour se guérir s’il connaît l’ampleur de son mal et sait comment l’affronter.

La vérité est alors son arme.

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Paru le mardi 24 mai, un volumineux rapport intitulé Cyclope, du nom de la société qui le produit annuellement, donne un panorama détaillé et global de toutes les ressources naturelles mondiales, les plus importantes comme celles qui comptent moins, les agricoles comme les minières.

Le continent africain, dont le sous-sol regorge de minerais, y occupe une place de choix.

Ce rapport établit tout d’abord que le prix moyen des principales ressources naturelles a baissé en 2015 de 38 % par rapport à 2014.

Les cours des hydrocarbures, eux, ont chuté de plus de 50 %. Seul le prix de l’or a augmenté en 2016, pour un ensemble de raisons spécifiques.

Le rapport Cyclope affirme que l’évolution des prix des minerais obéit à des cycles de dix à quinze ans, corrigés momentanément par des conjonctures géopolitiques ou des incidents climatiques.

Le monde, et en particulier l’Afrique, a connu à partir de 2005 un cycle de demande forte et de prix élevés qui a duré une dizaine d’années : c’était une phase de vaches grasses. Depuis la fin de 2014, le voilà entré dans un cycle de vaches maigres et de prix déprimés.

Qui peut durer, lui aussi, une dizaine d’années, voire davantage.

Le rapport explique cette déprime persistante par une baisse de la demande des pays acheteurs, où la croissance a régressé, et une augmentation concomitante de l’offre des pays exportateurs, qui ont surinvesti pour faire face à une demande accrue et à des prix plus rémunérateurs.

Outre l’or, quelques rares matières premières, dont le cacao et l’huile d’olive, sont pour l’instant épargnées par la baisse.

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Comment écourter ces années de vaches maigres ? Que faire pour en sortir ?

Je pense qu’il faut se dire qu’« à quelque chose malheur est bon », se retrousser les manches et se jeter à corps perdu, à l’instar du Maroc et de l’Éthiopie, dans l’aventure de l’industrialisation.

Cessons de croire que les produits de notre sous-sol, aussi prisés soient-ils, puissent être autre chose qu’un appoint et cherchons le développement par l’industrie et l’agro-industrie.

Mettons-nous à fabriquer ce que la Chine et les autres pays asiatiques ne veulent et ne peuvent plus fabriquer parce que leur main-d’œuvre est de plus en plus qualifiée et qu’elle est devenue trop chère.

Faisons-le en association avec eux ou avec d’autres pays qui nous ont précédés dans la voie de l’industrialisation.

*

Si nous suivons cette voie et parvenons à attirer des industriels d’autres continents qui ont le savoir-faire et les débouchés, nous serons assurés de donner du travail aux dizaines de millions de jeunes Africains désœuvrés (et tentés par l’émigration ou par le terrorisme) ; nos pays en seront transformés en deux ou trois décennies.

L’histoire du développement qui couvre les deux siècles écoulés montre qu’il n’y a ni gagnants ni perdants qui le restent indéfiniment : s’ils en ont la volonté et disposent d’un minimum de savoir-faire, les perdants d’aujourd’hui peuvent être les gagnants de demain.

Votre passé ? Ou bien l’avenir ?

L’institut Ipsos Mori a, dans un sondage réalisé dans dix grands pays, cherché à savoir si leurs habitants ont la nostalgie du passé, s’ils le croient meilleur pour leur pays que l’avenir. Ou si, à l’inverse, ils escomptent que l’avenir de leur pays sera plus brillant que son passé récent.

Les réponses recueillies sont présentées en pourcentages dans le graphique ci-contre.

Aux deux extrêmes, on trouve, d’un côté, les États-Unis, où les deux tiers de la population ont la nostalgie du passé, et, de l’autre, la Chine, où seulement 22 % de la population le regrettent.

Plus généralement, à l’exception notable de l’Inde, ce sont les populations des pays les plus développés qui pensent, peut-être à juste titre, que leur heure de gloire est derrière eux.

L’Allemagne se distingue des autres pays développés : les deux tiers de sa population sont tournés vers l’avenir.

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