RD Congo : pourquoi la vente du mégaprojet minier TFM ne passe pas

Pour les autorités, il est hors de question que l’américain Freeport-McMoRan revende le projet cuprifère de Tenke Fungurume à China Molybdenum. Peuvent-elles faire capoter l’opération ?

Exploitation de cuivre en RDC. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

Exploitation de cuivre en RDC. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 14 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Le 9 mai, l’annonce par l’américain Freeport-McMoRan de la revente, via un holding immatriculé aux Bermudes, de son mégaprojet Tenke Fungurume Mining (TFM) à China Molybdenum pour 2,65 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros) a pris tout le monde de court. Aussi bien les autorités de RD Congo que la Générale des carrières et des mines (Gécamines), qui gère les actifs publics miniers au Katanga.

Martin Kabwelulu Labilo, le ministre congolais des Mines, n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de souveraineté nationale. Il est furieux de n’avoir pas été averti des intentions du groupe basé en Arizona. « TFM est le premier producteur de cuivre du pays ! » s’est-il offusqué, le 31 mai, dans un courriel de réponse aux questions de Jeune Afrique.

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Une cession controversée

Pour lui, les modalités pour une revente sont claires : « Les accords ne permettent pas que l’actionnaire de référence se retire unilatéralement et décide seul de transférer le contrôle de TFM à une société tierce sans autorisation préalable de l’État. »

Même réaction outrée du côté de la Gécamines. D’après Albert Yuma Mulimbi, son président, « on ne peut pas vendre TFM via une société des Bermudes sans que la Gécamines réévalue l’avenir du partenariat et la solidité technique et financière du projet dans cette nouvelle configuration ». Et le bouillonnant dirigeant, également patron des patrons de RD Congo, de faire valoir que son groupe dispose d’un droit de préemption sur les actions revendues, et ce « même si la cession est effectuée au niveau de sociétés offshore ».

En théorie, la revente d’un actif via un véhicule à l’étranger n’est pas impossible si l’on s’en tient à une interprétation stricte des clauses contractuelles. Mais, en pratique, l’opération de Freeport-McMoRan sera difficile à boucler sans l’assentiment de l’État et de la Gécamines. « La RD Congo serait fondée à entreprendre une action auprès d’un tribunal arbitral international, estime un spécialiste du secteur. Les autorités prouveraient aisément que l’esprit de cette opération est contraire à celui des accords signés avec la RD Congo : le partenaire industriel du projet est clairement Freeport-McMoRan, et non une coquille vide aux Bermudes. »

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« Le groupe américain n’a d’autre choix que de coopérer avec la Gécamines et les ministres des Mines et du Portefeuille pour prouver que le choix de China Molybdenum est le bon sur les plans industriel et commercial, ajoute une source familière du dossier et proche des autorités. Dans le cas contraire, le coût d’un procès et de sa médiatisation, avec une baisse des cours en Bourse, serait très dommageable à Freeport-McMoRan. »

Kinshasa compte mettre la pression sur le deuxième actionnaire de référence, le canadien Lundin.

Ce conflit n’est pas sans rappeler celui entre la RD Congo et Anvil Mining. En 2011, ce groupe canadien avait également entrepris de revendre ses parts indirectes dans le projet de Kinsevere (Katanga) à China Minmetals Corporation. « L’opposition des autorités avait entraîné la chute des actions d’Anvil sur la place de Toronto, se souvient notre source. Le groupe canadien avait été obligé de prendre en compte les exigences de l’État et de la Gécamines concernant la pérennité du projet et la préservation des intérêts nationaux. En trois jours, un accord avait été trouvé. »

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Résolution à l’amiable

Dans l’affaire TFM, les autorités comptent particulièrement mettre la pression sur le second actionnaire de référence, le canadien Lundin, qui détient 24 % des parts du projet (contre 56 % pour Freeport-McMoRan et 20 % pour la Gécamines).

« C’est lui qui avait gagné l’appel d’offres en 1996. C’est lui qui avait supplié la RD Congo d’accepter Freeport-McMoRan comme premier actionnaire du projet au milieu des années 2000. Au sein du holding aux Bermudes, il dispose d’un droit de préemption pour faire capoter l’opération de revente à China Molybdenum. Nous avons bien l’intention de lui rappeler son rôle historique et ses responsabilités attenantes », indique une source proche du gouvernement, très remontée contre Lundin, soupçonné de spéculer sur ses parts dans le projet congolais.

Selon les connaisseurs du secteur, le différend entre les autorités et Freeport-McMoRan devrait se solder à l’amiable, par cabinets d’avocats interposés. La position du Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, qui reconnaît ne pas pouvoir bloquer l’opération, va d’ailleurs en ce sens. Même si les divers partenaires ont théoriquement jusqu’à la fin de l’année 2016 pour statuer sur leurs droits de préemption, un accord pourrait intervenir plus tôt, au bout de quelques semaines. Malgré les déclarations médiatiques tranchées des différentes parties, celles-ci continuent de dialoguer pour y parvenir.

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