Wolfgang Neumann : « Carlson Rezidor compte construire dix hôtels par an en Afrique »

L’offre de rachat de Carlson Rezidor par le chinois HNA n’a pas freiné ses ardeurs sur le continent, au contraire ! Après l’ouverture d’un Radisson Blu à Abidjan, son patron lorgne Kigali, N’Djamena et Le Cap.

Wolfgang Neumann est PDG du groupe hôtelier Carlson Rezidor. © Freed Photography

Wolfgang Neumann est PDG du groupe hôtelier Carlson Rezidor. © Freed Photography

Publié le 15 juin 2016 Lecture : 4 minutes.

Lomé, Marrakech ou encore Abidjan, avec l’ouverture, le 26 mai, d’un hôtel Radisson Blu près de l’aéroport pour un montant de 60 milliards de F CFA (91,5 millions d’euros). Alors que le chinois HNA Tourism Group s’apprête à le racheter, Carlson Rezidor Hotel Group accélère son développement sur le continent. Wolfgang Neumann, son PDG autrichien, explique sa stratégie à Jeune Afrique.

Jeune Afrique : Vous venez d’ouvrir un hôtel à Abidjan. Pourquoi l’avoir implanté à deux pas de l’aéroport, loin des quartiers d’affaires ?

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Wolfgang Neumann : C’est notre premier établissement en Côte d’Ivoire, qui est un pays clé. Et la proximité de l’aéroport, qui connaît un fort trafic, est extrêmement favorable. Nous possédons beaucoup d’hôtels proches des aéroports, et ceux-ci rencontrent un certain succès car il est pratique d’organiser des réunions et des rendez-vous près d’un aéroport, afin de reprendre aisément un vol ensuite.

Le Radisson Blu s’intégrera facilement dans le paysage abidjanais des affaires. Cet hôtel est le fer de lance et le point d’ancrage du grand projet Aérocité [ville aéroportuaire] de l’État ivoirien.

Nous souhaitons installer un bureau régional, avec une équipe de coordination des opérations à Abidjan

Les projets de complexes hôteliers se multiplient à Abidjan. Ne craignez-vous pas une saturation de l’offre ?

Au contraire. Abidjan n’a pas assez d’hôtels aux normes internationales. Nous réfléchissons même à ouvrir un deuxième, voire un troisième hôtel à Abidjan, et cela le plus rapidement possible. Nous avons déjà entamé des discussions avec des partenaires locaux afin d’implanter le deuxième établissement dans le quartier du Plateau.

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Abidjan est l’une des rares villes en Afrique de l’Ouest qui pourraient accueillir toutes nos marques : Radisson Blu, mais aussi Quorvus [luxe], Park Inn by Radisson et Radisson Red. Dans l’avenir, Abidjan jouera un rôle clé dans notre stratégie de développement. Nous souhaitons y installer un bureau régional, avec une équipe sur place pour coordonner toutes les opérations.

Quelles sont vos ambitions en Afrique ?

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Le groupe Carlson Rezidor compte y construire une trentaine d’hôtels au cours des trois prochaines années, à raison de dix par an. Fin avril, nous avons ouvert un Radisson Blu à Lomé, puis un autre à Marrakech, le 15 mai, avec un grand centre commercial. Le projet de deux hôtels à Kigali comprend quant à lui un centre de conférences de 60 000 m2 qui sera le plus grand du continent hors Afrique du Sud. Il sera deux fois plus grand que le centre d’affaires de Nairobi. Enfin, au Tchad, nous allons ouvrir un établissement à N’Djamena, et en Afrique du Sud il y aura un hôtel à Polokwane et un autre au Cap.

Le rachat de Carlson Rezidor par le chinois HNA va-t-il avoir un impact sur votre stratégie africaine ?

HNA est un puissant conglomérat chinois, avec d’énormes ressources financières [24,5 milliards d’euros de revenus en 2015] et de grandes ambitions en Afrique. Nous avons eu une discussion pour qu’une fois le closing terminé nous accélérions notre stratégie de développement sur le continent. Par ailleurs, cette transaction nous ouvrira à la clientèle chinoise : 154 millions de Chinois ont voyagé dans le monde en 2015 et, selon les projections, ils seront 200 millions d’ici à 2020. C’est un vrai potentiel. Carlson Rezidor fait partie des dix premiers groupes hôteliers du monde. Notre opération avec HNA nous permettra d’être encore plus grand.

Nous n’avons pas attendu les événements de Bamako pour investir dans la sécurité

Pourquoi cet intérêt chinois pour les grands groupes hôteliers mondiaux ?

Cela fait partie d’une stratégie très affirmée pour conquérir un pan de chaque secteur de l’économie mondiale. Après trente ans d’investissements en interne, les Chinois montrent un grand intérêt pour l’international. Au départ, ils investissaient surtout dans les infrastructures. Maintenant, c’est au tour du football, de l’hôtellerie… Les Chinois ont une vision sur le long terme, ils font preuve de patience et disposent des ressources financières nécessaires.

Combien vous coûtent les investissements supplémentaires en sécurité à la suite de l’attentat contre le Radisson Blu de Bamako, en novembre 2015 ?

Nous n’avons pas attendu les événements de Bamako pour investir dans la sécurité. Nous sommes la seule chaîne internationale à avoir passé un accord avec une compagnie extérieure spécialisée dans la sécurité, Safe Hotel, pour auditer notre dispositif de sécurité en vue de le certifier. Nous avons toujours pris la sécurité au sérieux. Cependant, après les événements de Bamako, nous avons encore amélioré notre système via de nouveaux investissements dans nos hôtels d’Afrique de l’Ouest.

Vous êtes le groupe qui ouvre le plus de chambres en Afrique, mais Ibis vous dépasse en nombre de nouveaux établissements. L’hôtellerie économique a-t-elle un avenir en Afrique ?

AccorHotels, la maison mère d’Ibis, est très actif sur le continent. Mais nous ne sommes pas inquiets, nos résultats parlent pour nous. Radisson Blu, notre marque haut de gamme en Europe, est de plus en plus connue en Afrique. Et nous venons d’acheter Prizeotel, qui est sur le même segment qu’Ibis. Il y a un potentiel pour l’hôtellerie économique en Afrique. Mais, pour l’instant, nous n’envisageons pas encore d’implanter Prizeotel en Afrique, nous nous concentrons sur nos deux marques clés, Radisson Blu et Park Inn by Radisson.

Offensive chinoise

Annoncée en avril, l’acquisition par HNA Tourism Group de l’ensemble formé par la chaîne américaine Carlson et le belge Rezidor a confirmé l’intérêt des Chinois pour le secteur hôtelier.

En 2014, c’est le groupe de tourisme et de voyage Jin Jiang International qui a fait son entrée dans l’hôtellerie africaine en rachetant le français Groupe du Louvre et sa filiale Louvre Hotels Group (une trentaine d’établissements dans neuf pays du continent).

Plus récemment, un consortium d’investisseurs chinois menés par le groupe d’assurances Anbang a tenté, sans succès, de reprendre la chaîne américaine Starwood (environ 40 hôtels en Afrique).

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