Zimbabwe : Joice Mujuru se rebelle contre son mentor Robert Mugabe

En disgrâce depuis dix-huit mois, l’ex-vice-présidente a créé son propre parti. Ira-t-elle jusqu’à défier Mugabe à la présidentielle de 2018 ?

Chez elle, à Harare, le 27 avril. © JOAO SILVA/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

Chez elle, à Harare, le 27 avril. © JOAO SILVA/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

Publié le 23 juin 2016 Lecture : 2 minutes.

La légende veut qu’à l’âge de 18 ans Joice Mujuru ait abattu un hélicoptère rhodésien à coups de revolver. Véridique ou non, cet épisode lui a valu un surnom : Spill Blood, « celle qui fait couler le sang ». À 61 ans, l’ancienne vice-présidente de Robert Mugabe fait aussi couler beaucoup d’encre depuis qu’elle a annoncé, le 1er mars, qu’elle fondait son propre parti, le Zimbabwe People First (ZPF). « Nous ne combattons pas un homme, mais un système inique », a déclaré à cette occasion celle qui en fut pendant des années l’un des rouages principaux.

Après avoir été l’une des premières femmes à occuper un poste de commandement au sein de l’armée de libération, elle est récompensée au lendemain de l’indépendance en devenant, en 1980, la plus jeune ministre de Mugabe, son mentor. Elle obtient ensuite plusieurs portefeuilles. En 2004, c’est la consécration : elle accède à la vice-présidence.

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Série noire

Une nomination à laquelle ne serait pas étranger le général Solomon Mujuru, son mari, héros de la guerre de libération et alors très influent au sein de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), dans l’ombre de son ancien compagnon d’armes devenu maître du pays. En 2008, il change son fusil d’épaule et appelle à voter contre Mugabe. Ce dernier ne doit alors sa réélection qu’au retrait de son adversaire, Morgan Tsvangirai, arrivé en tête au premier tour. Un camouflet pour le président.

Je suis vraiment désolée d’avoir joué un rôle dans cet échec collectif

Trois ans plus tard, on retrouvera le cadavre du général Mujuru, calciné, dans les décombres de sa ferme située à une heure de route au sud de Harare. Les circonstances de sa mort restent non élucidées. Mais, pour Joice Mujuru, aucun doute : il ne s’agissait pas d’un accident.

Avec la disparition de son mari débute la disgrâce de celle qui s’est longtemps considérée comme « la fille » de Mugabe. Elle ne résiste pas aux attaques à répétition de ses adversaires. À commencer par celles de la première dame, Grace Mugabe, qui, en tant que responsable de la très influente Ligue des femmes de la Zanu-PF, s’emploie méthodiquement à la décrédibiliser. Accusée de corruption, d’incompétence, voire de complot, Joice nie en bloc et refuse de démissionner. Avant que « papa » ne la désavoue en public, lors du congrès de décembre 2014.

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L’ex-vice-présidente vit son éviction comme une trahison. Et prend soudain conscience des carences d’un parti dont elle a été l’un des fers de lance pendant plus de trente ans. « Je suis vraiment désolée d’avoir joué un rôle dans cet échec collectif », déclare-t-elle à l’adresse de ses concitoyens. Repentie, « Mai Mujuru » – la « maman » de la Zanu-PF estime avoir sa conscience pour elle, même si elle fait toujours l’objet de sanctions américaines, comme tous les autres barons du régime. « J’ai les mains propres », rétorque-t-elle, face caméra.

Si l’alternance au pouvoir est attendue avec une certaine impatience, le lancement du ZPF, dont le programme reste à définir, ne semble mobiliser ni les foules ni les ténors politiques. Dans ces conditions, Joice Mujuru prendra-t-elle le risque de se présenter à l’élection présidentielle de 2018 face à un Robert Mugabe déjà candidat à un nouveau mandat ? Aujourd’hui âgé de 92 ans et au pouvoir depuis 1980, l’inusable Bob estime avoir l’avenir devant lui. Joice Mujuru, elle, tente juste d’exister.

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