Côte d’Ivoire : Sidiki Bakaba côté cour
En exil à Paris, le célèbre cinéaste et homme de théâtre, proche de Laurent Gbagbo, doit comparaître devant la justice française pour des faits survenus en 2011.
Sidiki Bakaba est « choqué ». C’est ce qu’il nous dit lorsqu’il nous reçoit dans son modeste appartement du 13e arrondissement. Le cinéaste ivoirien de 67 ans, en exil à Paris depuis cinq ans, est convoqué par la justice française à la demande de Yamoussoukro, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre lui.
Les charges, portant sur des faits qui auraient été commis en 2011 en Côte d’Ivoire, en pleine crise postélectorale, sont lourdes : « meurtre, menaces de mort, complicité de violences, […] atteinte à la liberté individuelle ». Sidiki Bakaba « ne comprend pas », lui qui envisageait même de retourner au pays.
Artiste de renom
À son côté, comme toujours, Ayala, son épouse et partenaire. Ensemble, ils sont notamment à l’origine de l’Oiseau-Livres, cet ancien avion présidentiel de Félix Houphouët-Boigny transformé en bibliothèque pour enfants au début des années 2000 et abrité depuis par le Palais de la culture d’Abidjan – institution que Bakaba a dirigée de 2000 à 2010.
Sur les murs, des affiches de films, des photos ; sur les étagères, des DVD, des récompenses. « L’oiseau » est une légende vivante du cinéma et du théâtre ivoiriens. Acteur, réalisateur, metteur en scène… Il a joué de tout (Shakespeare, Beckett, Giraudoux, Sembène ou Dadié), et souvent partagé l’affiche avec des monstres sacrés du septième art (Jeanne Moreau, Jean-Paul Belmondo, Michel Piccoli…).
Le cinéaste est un proche de l’ex-président, qu’il a suivi caméra au poing jusque dans son bunker, à la fin de la crise de 2010-2011, pour « témoigner », assure-t-il, « comme avec La Victoire aux mains nues » (un documentaire sur la manifestation contre l’armée française du 9 novembre 2004, devant l’hôtel Ivoire).
Le cinéaste dénonce un double jeu des autorités,
Un rôle de témoin « ambigu », selon ses détracteurs, qui ont plutôt vu en lui un maillon de la « propagande pro-Gbagbo », quand ils ne l’accusent pas, tel Joël N’Guessan – actuel porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), le parti présidentiel, et oncle d’un gendre de Gbagbo – d’avoir proféré des menaces de mort pendant la crise.
Sidiki Bakaba en est persuadé : s’il est accusé si lourdement, c’est que le pouvoir ivoirien, après avoir compris qu’il ne tairait jamais sa fidélité à Gbagbo, veut « s’attaquer à [son] honneur, à [son] nom ».
« Comment interpréter autrement ce double jeu des autorités, qui, ces dernières années, m’ont invité à toutes les cérémonies possibles en France, m’ont demandé de rentrer, ont financé mes soins et ma rééducation [il a été victime de deux accidents vasculaires cérébraux en 2014] ? Ont-elles l’habitude d’être si avenantes avec les meurtriers ? »
Du côté des autorités ivoiriennes, no comment. Interrogé par J.A., Maurice Bandaman, le ministre de la Culture, a déclaré ne pas être au courant de ce dossier « purement judiciaire, qui ne [le] concerne donc pas ». En attendant le 6 juillet, date à laquelle il doit se rendre au tribunal de grande instance de Paris, Sidiki Bakaba affirme avoir « totalement confiance en la justice ».
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