De Paris à Abidjan, Yasser Ezzedine étend son réseau

Le businessman d’origine libanaise a fait de CDCI l’un des leaders de la grande distribution. Mais il a bien d’autres cordes à son arc.

Yasser Ezzedine © NABIL ZORKOT pour Jeune Afrique

Yasser Ezzedine © NABIL ZORKOT pour Jeune Afrique

Publié le 3 octobre 2016 Lecture : 5 minutes.

Difficile d’obtenir un rendez-vous avec Yasser Ezzedine : l’homme d’affaires libanais, installé depuis de nombreuses années en Côte d’Ivoire, partage ses journées entre ses différents bureaux disséminés dans la ville d’Abidjan. Les week-ends, il parcourt le pays pour faire le point sur ses activités. Très humble et effacé, donnant du « mon frère » à chacun de ses visiteurs, l’homme est pourtant un géant des affaires en Côte d’Ivoire, notamment (mais pas seulement) depuis qu’il a racheté en 2002 au groupe Unilever la Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI).

Avec cette filiale, Yasser Ezzedine est devenu incontournable dans le secteur de la grande distribution dans le pays. En 2015, CDCI a réalisé 145 milliards de F CFA de chiffre d’affaires (environ 221 millions d’euros), soit une progression de 20 % par rapport à 2014. La société pointe au 496e rang de notre classement général des 500 premières entreprises africaines et parmi les 100 premières en Afrique de l’Ouest.

Très humble et effacé, donnant du « mon frère » à chacun de ses visiteurs, l’homme est pourtant un géant des affaires en Côte d’Ivoire.

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En un peu plus d’une décennie, elle est passée de 12 magasins en 2002 à 127 en 2014, puis à 153 au début de 2016. Elle possède cinq enseignes : CDCI gros, CDCI demi-gros, King Cash, Socoprix et la franchise Leader Price. Le numéro deux de la distribution, après la puissante Prosuma, accélère encore son plan d’investissements de 10 milliards de F CFA. Fin 2014, le capital-investisseur Amethis Finance et la société marocaine Label’Vie, spécialiste de la grande distribution, sont entrés dans son capital (à hauteur de 35 %) pour permettre à Yasser Ezzedine d’aborder l’avenir avec sérénité.

Construction de deux grands magasins

Carrefour, un concurrent de taille (même s’il n’opère pas sur le même segment), arrivait en effet au même moment dans le pays. Dans les projets figure la construction de deux grands magasins de gros et demi-gros bâtis, respectivement sur 20 000 m2 à Abidjan et sur 10 000 m2 à Yamoussoukro (la capitale politique). « Le développement et la consolidation de nos activités sur les produits d’entrée de gamme nous permettent désormais de lancer un supermarché de luxe », explique Yasser Ezzedine, entre deux coups de téléphone et un SMS envoyé à une relation d’affaires. « La bataille sera rude. La grande distribution a encore de l’avenir en Côte d’Ivoire, il y a de la place pour tout le monde. Mais il faut innover », estime le patron.

Yasser Ezzedine est né en 1959 à Tyr, au Liban. Sa famille s’implante à Gagnoa, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, et fonde, en 1969, Sococe. La société familiale reste longtemps spécialisée dans le commerce général et le négoce de cacao, une activité que Yasser Ezzedine maintient avec ses sociétés Socopag et Agricom. En 1991, le transfert du siège de Sococe à Abidjan s’accompagne du lancement d’une stratégie de diversification dans le commerce de détail. En 1994, l’enseigne « Club Sococe » voit le jour, sur un concept de mini-hypermarché construit sur 1 500 m2 à Abidjan et dans plusieurs grandes villes du pays, notamment Soubré, Gagnoa, San Pedro, Yamoussoukro, Divo et Bouaké en 1996.

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Au cours de cette même année s’ouvre l’Espace Latrille, un grand centre commercial bâti sur 20 000 m2 dans le quartier résidentiel des Deux Plateaux, dans la commune de Cocody. Aujourd’hui un peu désuète, l’enseigne était un véritable joyau qui faisait la fierté des Ivoiriens à l’époque. « Yasser est le premier à avoir implanté des centres commerciaux en Afrique de l’Ouest. D’abord le Sococe des Deux Plateaux, sur 20 000 m2, à Abidjan. Ezzedine est un compétiteur redoutable qui ne recule devant rien et sait adapter son système à l’environnement et aux mutations », reconnaît un concurrent.

Alors qu’il connaît des difficultés financières dans les années 1990, l’Ivoiro-Libanais fonde la Société des Deux Plateaux (S2P) – qui est propriétaire de l’hypermarché Club Sococe – avec ses principaux concurrents, parmi lesquels Prosuma, l’actionnaire majoritaire. Ezzedine en détient 25 %.

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Des velléités dans la transformation du cacao

Au-delà de la distribution, les intérêts du chef d’entreprise sont vastes. Il possède ainsi la Société de commercialisation de produits agricoles (Socopag), dédiée notamment à l’achat de café et de cacao. Il est aussi actionnaire dans la société de négoce Agricultural Commodities (Agricom) avec son bras droit Jean Claude Gobert.

Pour la campagne de commercialisation 2015-2016 ouverte le 1er octobre, Agricom totalisait (au 29 février 2016) plus de 18 000 tonnes de fèves de cacao en achats cumulés. Yasser Ezzedine a nourri dans ce secteur des envies de développement dans la transformation en se positionnant en 2012 parmi les candidats au rachat de la société marseillaise Netcacao. L’objectif était d’approvisionner cette ancienne filiale de Nestlé en fèves de cacao depuis la Côte d’Ivoire, via Socopag et Agricom. Son offre n’a pas été retenue par le tribunal de commerce. Il est également un candidat (malheureux) à la reprise de la société de textile Utexi, en Côte d’Ivoire.

Immobilier, microfinance, manutention sur mesure… 

L’immobilier figure parmi les autres champs d’action de Yasser Ezzeddine, via la société de construction immobilière Les Rosiers, qui gère un patrimoine de 2 675 logements haut de gamme dans la commune de Cocody. Actionnaire minoritaire de Bank of Africa Côte d’Ivoire (BOA, dont son épouse, Lala Moulaye, est présidente après en avoir été directrice générale) et de la filiale locale d’Ecobank, il a aussi créé, fin 2014, dans la ville d’Odienné, dont il est le représentant à la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, une entreprise de microfinance, la Caisse d’épargne pour le développement industriel de la Côte d’Ivoire (CEDAICI-SA), avec un capital de 500 millions de F CFA. La structure est présidée par la femme d’affaires Massogbé Diabate-Touré, épouse du ministre des Transports, Gaoussou Touré.

Moins connues sont ses activités à l’international, menées par Goussoub Khalil. Ce Libanais installé de longue date en France est le coactionnaire de Sini, holding libanais qui possède CDCI et la SCI Les Rosiers. Il est le dirigeant de plusieurs entreprises hexagonales dont Rafer, une PME spécialisée dans la fabrication de chaînes de manutention sur mesure. Un actif codétenu par Yasser Ezzedine, discret mais important investisseur

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