Ouganda : Sudhir Ruparelia, toujours bien dans son royaume

L’homme d’affaires d’origine indienne a bâti à Kampala l’une des plus grandes fortunes d’Afrique. Et ne semble pas désireux d’étendre son empire au-delà des frontières nationales.

Sudhir Ruparelia © RUPARELDA GROUP

Sudhir Ruparelia © RUPARELDA GROUP

Publié le 4 octobre 2016 Lecture : 5 minutes.

Un complexe de 10 étages, plus de 280 emplacements commerciaux et 66 appartements… Hasard du calendrier ou non, l’inauguration du Crane Plaza, d’un coût de 25 millions de dollars (22,5 millions d’euros), tombait le jour où Sudhir Ruparelia fêtait ses 60 ans, fin janvier à Kampala. En Ouganda, tout le monde connaît Sudhir. Impossible de parcourir une centaine de mètres dans la capitale sans croiser l’un des immeubles du Ruparelia Group. L’homme le plus riche d’Ouganda, dont le magazine américain Forbes estime la fortune à 800 millions de dollars (732,1 millions d’euros), a fondé le plus important conglomérat du pays en 1985.

Mais l’histoire de la famille Ruparelia en Ouganda débute en 1903, six ans après l’arrivée de l’arrière-grand-père de Sudhir au Kenya. L’ancien paysan indien, originaire du Gujarat, a suivi la caravane qui effectuait les travaux de la voie ferrée menant de Mombasa à Kisumu, au bord du lac Victoria, qu’il a traversé pour atteindre Kampala, où il a ouvert un magasin.

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Le père de Sudhir s’installe du côté de Kasese, dans l’ouest de l’Ouganda. Il y possède trois magasins à la naissance de Sudhir, en 1956. Seize ans plus tard, lorsque le général et dictateur Idi Amin Dada ordonne aux familles d’origine indienne de quitter le pays sous quatre-vingt-dix jours, il part pour l’Angleterre. Mais si le fils s’installe à Londres, son père et sa mère préfèrent gagner le nord de la Grande-Bretagne.

Récit à l’américaine

L’histoire officielle tient ensuite — comme souvent dans les familles indo-ougandaises exilées — du récit à l’américaine : travail dans une usine de tubes de verre pour se nourrir et payer le loyer d’un appartement partagé avec d’autres Indo-Ougandais ; études en vue de terminer un cursus secondaire (option comptabilité) débuté en Ouganda ; travail de nuit dans un supermarché la semaine ; chauffeur de taxi le week-end. Difficile de démêler le vrai et du faux bien entendu.

En 1974, il aurait réuni 5 000 dollars pour s’acheter une maison. Cette année-là, il a aussi rencontré Jyotsna, qui travaille dans la banque et qui devient officiellement sa femme en 1977. Les années passent. Sudhir Ruparelia garde le contact avec l’Ouganda. Il suit tous les épisodes du conflit qui oppose la rébellion de Yoweri Museveni au régime d’Obote.

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À la fin de l’année 1985, alors que le vent tourne en faveur de Museveni, le trentenaire réalise que le moment est venu de revenir en Ouganda. « Tout était par terre, se souvient-il. Les infrastructures étaient détruites, plus rien ne fonctionnait. » Avec ses économies, il s’intéresse aux opportunités qu’offre ce pays à reconstruire. Se rendant compte que les denrées de base manquent, Sudhir fait venir sel, sucre mais aussi cigarettes du Kenya. C’est ainsi que commence son ascension, avec une suite logique, la diversification. Il rachète à bas prix dans le centre de Kampala les appartements de familles indiennes ne voulant pas rentrer en Ouganda. L’immobilier fera sa richesse.

Sel, sucre, cigarettes et bière

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Peu de temps après, il jette son dévolu sur la bière en négociant avec le brasseur kényan East African Breweries pour distribuer cette boisson appréciée des étrangers. Ses clients préférant le payer en dollars, il décide de se lancer dans l’activité de change, et le Crane Forex Bureau voit le jour. Un premier pas dans la constitution de l’autre grand pôle du groupe, la finance.

Au début des années 1990, il est déjà multipropriétaire, encaissant des loyers commerciaux et résidentiels.

Sudhir Ruparelia doit abandonner l’importation de bière en 1989, Museveni ayant promulgué son interdiction. Tandis que les bureaux de change rapportent quotidiennement plusieurs dizaines de milliers de dollars, Sudhir réalise acquisitions immobilières et foncières dans le centre des affaires de Kampala. Au début des années 1990, il est déjà multipropriétaire, encaissant des loyers commerciaux et résidentiels.

Après deux années de préparation, Sudhir Ruparelia passe un nouveau cap en intégrant ses bureaux de change à la Crane Bank, qu’il ouvre le 21 août 1995. Il ne tarde pas à s’étendre dans le reste du pays avec un premier bureau implanté hors de Kampala dès 1996. Cette même année apparaît à son initiative la Goldstar Insurance Company, première société d’assurances en Ouganda. Aujourd’hui, la banque compte 45 agences, un staff de 600 personnes et près de 600 000 clients.

Un quart du quartier des affaires de Kampala

Si le Ruparelia Group couvre de nombreux secteurs, c’est parce que son fondateur lui a fixé pour stratégie de réinvestir 90 % des profits engrangés. Il possède environ un quart du quartier des affaires de Kampala, neuf hôtels haut de gamme (dont le Munyonyo Commonwealth Resort, qui a accueilli le sommet des chefs de gouvernements du Commonwealth en 2007), des écoles (notamment la Kampala International School Uganda) et la Victoria University. Il intervient également dans la floriculture (exportations de roses) et les médias via la radio Sanyu FM.

Incontournable en Ouganda, le groupe semble rechigner à s’aventurer hors du territoire national. On lui prête bien quelques aventures immobilières au Royaume-Uni et à Dubaï, mais sans aucun élément détaillé. Dans le reste de l’Afrique, rien ou si peu : Crane Bank est devenu en juin 2014 le premier établissement bancaire né en Ouganda à ouvrir une succursale à l’étranger, en l’occurrence au Rwanda, et on entend dire depuis qu’il aurait des ambitions au Soudan du Sud et en RD Congo. Tout cela est cependant très flou, et Sudhir Ruparelia semble bien décidé à rester dans un pays pourtant trop petit pour lui.

Business en famille

Inutile de chercher loin pour se rendre compte du poids de la famille et de la communauté indienne dans les affaires de Sudhir Ruparelia. L’Ougandais a ainsi nommé le vaisseau amiral du conglomérat – qui investit notamment dans l’immobilier – Meera Investments.

Meera, c’est le prénom de sa fille aînée, 30 ans, mariée depuis 2014 à Ravi Kotecha, fils de grands commerçants indiens de Kisumu (Kenya) et neveu de Bhasker Kotecha, ami de la famille et patron du conglomérat ougandais Midland Group.

Son deuxième enfant, Rajiv, 26 ans, est l’un de ses plus proches collaborateurs en tant que directeur général du Ruparelia Group. Il est de plus en plus pressenti comme son successeur.

Sheena enfin, la seconde fille et le dernier enfant de la fratrie, est responsable du développement au sein de la Crane Bank et a annoncé vivre avec Raj Sakaria, un employé du groupe d’origine indienne.

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