Nathan Kalumbu : « Coca-Cola a beaucoup de concurrents sur le continent »

Pour Jeune Afrique, le responsable Afrique et Eurasie de Coca-Cola explicite la très dynamique stratégie du groupe américain sur le continent, notamment face aux acteurs locaux.

Nathan Kalumbu, à la tête de la division Eurasia & Africa Group © Coca-Cola Company

Nathan Kalumbu, à la tête de la division Eurasia & Africa Group © Coca-Cola Company

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 25 avril 2016 Lecture : 4 minutes.

Acquisition du sud-africain Appletiser, des eaux minérales Keringet au Kenya, d’Ambo Water en Éthiopie et de Voltic au Ghana… Ou entrée au capital de Chi, fabricant nigérian de jus et de boissons à base de lait : Coca-Cola se démène sur le continent. Le géant des sodas s’est engagé à investir, entre 2010 et 2020, 17 milliards de dollars en Afrique – où il est déjà leader, parfois de loin. Mais où les acteurs locaux, voire régionaux, représentent une concurrence de plus en plus vive. Le Zimbabwéen Nathan Kalumbu, à la tête de la division Eurasia & Africa Group (2,459 milliards de dollars de revenus, soit 2,25 milliards d’euros en 2015 pour 1 milliard de dollars de profits avant impôts), répond à J.A.

Jeune Afrique : Que pensez-vous des débats sur l’existence ou non d’une classe moyenne consommatrice en Afrique ?

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Nathan Kalumbu : Nous sommes actifs en Afrique depuis quatre-vingt-sept ans et nous opérons dans tous les pays. Nous avons observé beaucoup de cycles économiques, mais une tendance est claire : l’augmentation du revenu disponible et du nombre d’Africains sortant de la pauvreté et allant vers une « consommation commerciale », malgré des hauts et des bas. Nous investissons d’ailleurs de plus en plus sur le continent, avec un objectif de 12 milliards de dollars relevé à 17 milliards entre 2010 et 2020.

La croissance y ralentit, surtout dans les pays les plus dépendants au pétrole. Le constatez-vous ?

La volatilité existe partout dans le monde, les monnaies sont sous pression, les prix des matières premières s’affaiblissent. Dans les pays africains concernés, nous nous concentrons sur le renforcement de nos fondamentaux, sur notre relation avec les consommateurs, afin d’être dans la meilleure situation possible lorsque le courant s’inversera.

C’est pour cette raison que vous avez investi dans Chi au Nigeria, alors que le pays souffre ?

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En matière de boissons non alcoolisées, les goûts des consommateurs sont d’une très grande variété : sodas, jus et boissons à base de lait… Via l’opération Chi, Coca-Cola reconnaît cette caractéristique et s’engage à satisfaire la demande.

Ces produits se développeraient encore plus vite que les sodas…

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Toute l’industrie se développe très vite – plus vite que les PIB – avec l’augmentation de la population et l’urbanisation…

Votre ambition est donc de développer Coca-Cola et d’autres types de boissons ?

Coca-Cola est la pierre angulaire de notre entreprise, nous voulons la faire croître. Nous souhaitons aussi accompagner d’autres marques à même de satisfaire nos clients. Coca-Cola, c’est ce que nous sommes, c’est le nom sur l’immeuble.

Quelle est la part de Coca-Cola dans vos ventes en Afrique ?

Une part significative.

Vous êtes peu disert sur les chiffres. Pourtant, vous êtes en position de leader, sans réels concurrents panafricains…

Nous avons beaucoup de concurrents, dont des acteurs actifs dans plusieurs pays.

Les marques locales connaissent un réel succès. Avez-vous l’intention d’en créer, d’en acheter ?

Nous détenons de très bonnes marques, plus de 500 – dont vingt valent plus de 1 milliard de dollars chacune -, et 3 500 produits. Nous disposons donc déjà du portefeuille nécessaire à nos développements en Afrique. Quand, de temps à autre, des opportunités d’achats de marques locales se présenteront, nous les étudierons. Ainsi en est-il de Chi, qui était leader et dont nous avons évalué l’apport potentiel de valeur à notre portefeuille.

Pourriez-vous proposer Chi dans les États voisins d’Afrique de l’Ouest ?

Nos marques peuvent toujours être proposées dans plusieurs pays. Nous sommes une multinationale, nous essayons d’acheter des labels qui peuvent voyager.

Où en êtes-vous de la création avec SABMiller et Coca-Cola Sabco, deux de vos embouteilleurs du continent, de Coca-Cola Beverages Africa [CCBA] ?

L’opération est en cours d’examen par les autorités compétentes des pays concernés. Elle devrait s’achever à la fin du deuxième trimestre de 2016.

Avez-vous l’intention d’attirer vos autres embouteilleurs africains dans CCBA ?

Permettez-moi de ne pas commenter cela.

Les pays comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou la RD Congo se développent, et il y a de plus en plus d’affaires à réaliser

La logique de Coca-Cola est bien d’inciter ses partenaires à se rapprocher…

Tout dépend de l’environnement. Et derrière tout cela, il y a les économies d’échelles – en termes de productivité, pas de volumes de production.

AB Inbev, un partenaire important de Pepsi, rachète actuellement SABMiller. Cela peut-il bloquer la création de CCBA ?

Je ne ferai pas de commentaire.

Castel est votre principal partenaire en Afrique francophone, mais il est aussi l’un de vos principaux concurrents. Comment envisagez-vous vos relations ?

Nous travaillons ensemble depuis plus de trente ans. Nous entretenons des relations avec Castel en Afrique subsaharienne francophone, à Madagascar, en Angola… Castel dispose de ses propres marques, mais cela n’est pas nouveau. Après, les relations varient selon les embouteilleurs.

Comment voyez-vous les marchés subsahariens francophones ?

Je suis très confiant. Les pays comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou la RD Congo se développent, et il y a de plus en plus d’affaires à réaliser, mais aussi d’occasions d’intervenir sur des aspects sociaux tels que la santé, la qualité de l’eau, l’aide aux femmes entrepreneurs, la formation… L’Afrique est une terre d’opportunités.

Comment parvenez-vous à être présent sur des marchés aussi petits que le Burkina ou le Niger par exemple ?

Notre entreprise est fière d’être très locale. Dans le système Coca-Cola [c’est-à-dire avec ses embouteilleurs], nous produisons et achetons localement, et employons des locaux. Dans les pays africains qui importent souvent beaucoup de sucre par exemple, nous nous demandons comment aider les producteurs locaux à se développer et à s’adapter aux standards internationaux.

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