Guinée équatoriale : diversification sur tous les fronts
Fini le règne sans partage du pétrole et du BTP, d’autres activités doivent émerger. L’heure du changement a-t-elle sonné ?
Quel avenir pour la Guinée équatoriale ?
Le président Obiang Nguema, au pouvoir depuis près de quarante ans et réélu avec 93,7 % des voix en avril 2016, veut être l’homme qui a bâti un pays. Un État qui, jusqu’au milieu des années 1990, existait à peine. Jeune Afrique fait le point sur la situation politique et économique de la Guinée équatoriale.
Et si la chute des cours du pétrole avait été bénéfique à l’économie équato-guinéenne ? La baisse des recettes budgétaires, qui s’est traduite par un net recul de la croissance, a très certainement accéléré le processus de diversification inscrit depuis 2008 dans le Plan national de développement économique et social (PNDES), qui vise l’émergence du pays à l’horizon 2020.
La première phase du plan a porté sur la réalisation des infrastructures de base, avant que la seconde, lancée en 2012, s’attaque enfin au problème. « Le choc a été rude, mais nous avons pris conscience que notre économie ne pouvait plus se fonder uniquement sur les hydrocarbures et le BTP. Les emplois doivent dorénavant s’inscrire dans la durée, et dans des secteurs différents », explique Pedro Abeso, le directeur général adjoint de la Banque nationale de Guinée équatoriale (Bange).
Cinq secteurs essentiels à la diversification de l’économie
Un constat qui implique un changement des mentalités, en même temps que l’essor de nouveaux savoir-faire. Pour accompagner cette évolution espérée, une classe d’entrepreneurs équato-guinéens doit également prendre place aux côtés des investisseurs internationaux. « De nombreuses sociétés sont venues de l’étranger pour travailler sur les chantiers de construction d’infrastructures. Mais la diversification ne pourra passer que par les Équato-Guinéens eux-mêmes. Ils devront créer des activités et s’impliquer davantage dans la gestion des infrastructures réalisées », souligne Pedro Abeso.
Pour favoriser l’essor du secteur privé, encore faut-il améliorer le climat des affaires et rendre l’administration publique plus efficace. « D’ici à la fin de l’année 2016, un comité national composé des chambres consulaires, des institutions de formation, des banques et de plusieurs membres du gouvernement sera mis en place pour traiter de ces questions », annonce Eucario Bakale Angüe Oyana, le ministre de l’Économie, de la Planification et des Investissements publics.
L’accent a également été mis sur l’éducation, et huit écoles professionnelles, que viendront rejoindre de nouvelles structures, forment les jeunes aux nouveaux domaines économiques identifiés comme stratégiques. Cinq secteurs d’activité font l’objet de toutes les attentions du gouvernement : la pêche, l’agriculture, les services financiers, le tourisme, ainsi que la pétrochimie et l’extraction minière.
Classés prioritaires, ils reçoivent une grande part du budget d’investissement. « En 2016, 340 milliards de F CFA [518,3 millions d’euros] seront consacrés à l’agriculture et à la pêche », précise Milagrosa Obono Angüe, la secrétaire d’État chargée de la Trésorerie générale de l’État.
Afin de donner une impulsion au développement de ces deux secteurs, l’État prévoit de créer des entreprises à capitaux publics dont la gestion sera confiée à des acteurs privés. Le temps pour ces derniers de lancer l’activité, de former le personnel et d’assurer le transfert des technologies. Une fois ces missions réalisées, le capital sera ouvert au secteur privé national, l’État prenant en charge la construction des unités et l’aménagement des espaces industriels.
Le plan de développement de la pêche est déjà arrêté dans ses grandes lignes. « Nous prévoyons de monter trois unités, une sur l’île de Bioko, l’autre à Bata et la troisième à Annobón », souligne Milagrosa Obono. Deux marchés ont déjà été attribués à des sociétés étrangères.
Pour stimuler l’agriculture vivrière, principalement aux mains d’acteurs nationaux, l’accent est mis sur « la création d’une chaîne de valeurs, depuis la production jusqu’à la commercialisation, ainsi que sur l’organisation des agriculteurs et la formation des jeunes », résume Abeso. Un fonds pour l’agriculture a spécialement été instauré.
En matière de services financiers, il s’agit moins de faire de la Guinée équatoriale un grand centre en Afrique centrale que d’amener le secteur bancaire à financer l’économie locale avec des produits adaptés. La Bange vient de prendre les devants en mettant sur le marché un crédit destiné aux exploitants agricoles.
Dans le tourisme, un effort important ayant été fourni en matière d’équipements hôteliers, l’étape actuelle porte davantage sur l’élaboration d’une véritable politique sectorielle. Pour l’aider dans cette tâche, le gouvernement s’appuiera sur l’expertise de professionnels espagnols établis à Malabo.
Alors que le pays dispose de nombreuses ressources minières (titane, fer, manganèse, uranium, bauxite, tungstène), la faiblesse des cours mondiaux n’incite pas pour l’instant les pouvoirs publics à insister dans ce domaine d’activité.
Dans les hydrocarbures, outre la pétrochimie, priorité est donnée à « la diversification des activités de GEPetrol », souligne Antonio Oburu Ondo, son directeur général. En plus de la création d’une université du pétrole et d’une banque d’investissement (montée avec l’aide de plusieurs institutions financières), la compagnie nationale va investir dans la distribution, notamment dans les pays qui ne subventionnent pas le gazole.
De nouveaux investisseurs viennent ainsi rejoindre les acteurs « historiques » que sont les Espagnols, les Libanais et les Français.
L’opérateur souhaite aussi s’associer avec des sociétés spécialisées dans la gestion de plateformes de forage, la construction métallique et l’implantation de projets d’ingénierie. Enfin, la Guinée équatoriale entend se positionner comme un hub régional dans les transports portuaires et aéroportuaires, ainsi que dans l’approvisionnement en électricité.
Cette diversification va de pair avec celle des partenaires économiques. De nouveaux investisseurs viennent ainsi rejoindre les acteurs « historiques » que sont les Espagnols, les Libanais et les Français. Dans la filière BTP, la Chine a considérablement renforcé sa présence. L’Afrique du Sud, la Turquie et le Brésil également, tandis que la Corée du Sud et l’Inde font une petite percée. Sans oublier les hommes d’affaires en provenance de toute la sous-région, à commencer par les Camerounais.
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