Guinée équatoriale : un dernier round et de nouveaux défis
Au pouvoir depuis près de quarante ans, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a remporté la présidentielle d’avril sans difficulté. Et promet d’en rester là après ce mandat.
Quel avenir pour la Guinée équatoriale ?
Le président Obiang Nguema, au pouvoir depuis près de quarante ans et réélu avec 93,7 % des voix en avril 2016, veut être l’homme qui a bâti un pays. Un État qui, jusqu’au milieu des années 1990, existait à peine. Jeune Afrique fait le point sur la situation politique et économique de la Guinée équatoriale.
Que va faire Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de sa victoire électorale du 24 avril ? Réélu avec 93,7 % des voix, le chef de l’État rempile pour un nouveau septennat – le dernier, dit-il – à l’âge de 74 ans, dont trente-six passés à la tête de la Guinée équatoriale.
Et l’opposition ? « Dispersée, acrimonieuse et sans programme », affirme le camp présidentiel. Les candidats étaient surtout mal identifiés par les électeurs. Bonaventura Mobsuy Asumu, du Parti de la coalition sociale-démocrate (PCSD), et Avelino Mocache Mehenga, de l’Union du centre droit (UCD), ont recueilli chacun 1,5 % des votes. Carmelo Mba Bacale, de l’Action populaire de Guinée équatoriale (APGE), et les indépendants Agustin Masoko Abegue ou Benedicto Obiang Mangue ont obtenu encore moins. Quant au parfait inconnu Tomas Mba Monagang, il a fermé la marche, avec 0,7 %.
Gabriel Nse Obiang Obono, candidat des Citoyens pour l’innovation (CI), s’est, lui, vu interdire de se présenter puisque, de retour d’exil, il n’avait pas passé cinq années consécutives dans le pays, comme l’exige la Constitution. Quant à la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), le principal mouvement d’opposition, qui ne compte qu’un député à l’Assemblée, elle a finalement préféré boycotter le scrutin. Dénonçant un multipartisme de façade, son secrétaire général, Andres Esono Ondo, a jeté l’éponge.
Populaire, malgré un scrutin contesté
Le patron de l’opposition ne digère toujours pas que la Commission nationale électorale (la CNE, qui compte un membre de chaque parti) ait avancé l’élection de plusieurs mois. Selon Ondo, la Constitution est claire, le scrutin aurait dû se tenir entre fin octobre 2016 et février 2017 : « Une mauvaise interprétation, estime Alfonso Nsue Mokuy, le troisième vice-Premier ministre, chargé des droits de l’homme. Le président peut proposer une autre date à la CNE, qui tranche. » Et pour le chef de l’État, 2016 étant une année électorale, « le plus tôt était le mieux ».
Représentée sur place par l’ancien président du Bénin, Thomas Boni Yayi, l’Union africaine a déclaré que « les élections se sont déroulées dans le calme, la discipline, la paix et la transparence ». Quelques anomalies ont pourtant été dénoncées, par exemple un nombre de votes supérieur à celui des inscrits dans quelques communes. Explication du président de la CNE : des électeurs ont sans doute voyagé le jour du scrutin et voté ailleurs…
Teodoro Obiang Nguema restera toujours celui qui a débarrassé le pays du sanguinaire Francisco Macías Nguema
Passé le tohu-bohu postélectoral, le chef de l’État s’est remis à l’ouvrage. Après avoir dirigé le pays pendant presque quarante ans, El Presidente estime – à tort ou à raison – qu’il ne doit rien à personne. Il aimerait pourtant démontrer que sa popularité (qui lui aurait permis de rafler la quasi-totalité des votes des 330 000 inscrits) n’est pas due à une manipulation des urnes, mais à son travail.
Pour les anciens, Zé Bere Ekum (« la panthère aux aguets », en fang) restera toujours celui qui a débarrassé le pays du sanguinaire Francisco Macías Nguema, son oncle.
La Guinée équatoriale peut d’ailleurs se targuer d’avoir été l’un des premiers pays du continent à organiser le procès de l’un de ses présidents. Bien avant celui de Hissène Habré, qui s’est tenu à Dakar cette année. « L’arrivée de Teodoro a été un soulagement. Le pays est en paix grâce à lui, et personne ne peut s’arroger le droit de vie et de mort sur un Équato-Guinéen, comme c’était le cas sous Macías », témoigne un ancien compagnon d’armes du chef de l’État.
Paix et infrastructures
Et puis il y a ce bond en avant réalisé en matière d’infrastructures ces dernières années. Obiang Nguema veut être l’homme qui a bâti un pays. Un État qui, jusqu’au milieu des années 1990, existait à peine.
Stades, logements sociaux, aéroports… bousculent la forêt et sortent de la latérite.
L’arrivée des majors pétrolières dans cette enclave hispanophone a sorti tout un peuple de l’isolement. Aujourd’hui, Malabo n’est plus un caillou couvert de forêt, mais une cité administrative moderne. Et Bata est devenue une capitale économique, la porte d’entrée vers l’intérieur du pays. Les supporters d’Obiang Nguema aiment rappeler que la Guinée équatoriale est aujourd’hui « le seul pays de la région à disposer de routes goudronnées le reliant à tous ses voisins ».
Partout, les stades, les logements sociaux, les aéroports bousculent la forêt et sortent de la latérite. Certes, la baisse des cours de l’or noir commence à peser sur l’économie et contraint les autorités à ralentir la cadence. « Nous devons diversifier », a admis le chef d’un État dont les ressources dépendent à 90 % de ses exportations de brut.
Si les anciens font toujours confiance au président, la jeunesse semble plus rétive. « Je ne voulais pas voter pour lui, mais pour qui d’autre alors ? » s’interroge Josefina.
Cette étudiante de 28 ans, mère de trois enfants, a vécu toute sa vie sous le règne de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Malgré les routes et les centrales électriques, pour elle comme pour la majorité de ses compatriotes, la Guinée équatoriale reste cet endroit paradoxal où le PIB par habitant, de 11 700 dollars (environ 10 300 euros) selon le FMI, est l’un des plus élevés du continent alors que, dans le même temps, les trois quarts de la population vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
La montée en puissance du fils du président, Teodorín, illustre le manque d’ouverture de la classe politique
La classe politique actuelle ne lui donne aucun espoir. « Tous les candidats ont profité du système à un moment de leur carrière. » Même chose pour les plus jeunes. Selon elle, la montée en puissance du fils du président, Teodorín, illustre le manque d’ouverture de la classe politique.
Une opposition qui se rallie régulièrement à la présidence
Le ralliement de nombreux opposants à la candidature présidentielle – qui, certes, n’est pas une maladie typiquement équato-guinéenne – ne contribue pas à clarifier cette situation. Ancienne secrétaire générale de la Coalition d’opposition pour la restauration d’un État démocratique (Cored), Emily Nchama assurait quelques semaines encore avant le scrutin vouloir se présenter. Puis elle a renoncé et accepté le poste de conseillère chargée de la condition féminine auprès de la présidence.
Fermin Nguema Esono Mbengono, figure de l’opposition depuis trente ans et très proche de Severo Moto Nsa, a pour sa part été nommé procureur à Bata en janvier 2016. Il y commande aujourd’hui la brigade anticorruption.
« Le président a toujours des arguments pour convaincre. Ceux qui reviennent après des années d’exil voient de leurs propres yeux le travail accompli, analyse un observateur étranger. L’amnistie prononcée en 2014 pour tous les opposants, le moratoire sur la peine de mort mis en place la même année et la table ronde proposée à l’ensemble des acteurs politiques ont rassuré. »
Reste maintenant à répondre aux aspirations d’une jeunesse qui espère un jour assister au renouvellement de dirigeants politiques omniprésents depuis quarante ans. Sans pour autant plonger le pays dans une nouvelle période d’incertitudes. Peut-être le dernier défi d’Obiang Nguema. Lequel confiait le 14 avril à Jeune Afrique : « Depuis dix ans, je vois le monde changer profondément. Certaines évolutions sont positives. D’autres présentent des dangers, comme le terrorisme.
Nous devons aussi, ici en Guinée équatoriale, relever de nouveaux défis économiques, à cause de la chute des cours pétroliers. Mais nous sommes prêts à affronter tous ces changements. Il n’y a qu’une voie : le travail. C’est celle que j’emprunte depuis quarante ans. Et c’est celle que j’emprunterai jusqu’à la fin. »
TEODORÍN PRÊT À ENFILER LE COSTUME
Promis, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a entamé en avril son dernier mandat. L’heure de la succession peut donc sonner. Tous les regards convergent vers son fils, Teodoro Nguema Obiang Mangue, le célèbre Teodorín, qui fêtera ses 47 ans ce 25 juin.
Entré au service de son père il y a vingt ans en tant que conseiller, il a ensuite occupé pendant quinze ans le poste de ministre de l’Agriculture et des Forêts, avant d’être nommé en mai 2012 à ses fonctions actuelles de deuxième vice-président, chargé de la défense et de la sécurité. Propulsé dans le même temps responsable de la jeunesse au sein du Parti démocratique de la Guinée équatoriale (PDGE), il a également dirigé et encadré la campagne victorieuse de son président de père.
Teodorín, qui n’a manqué aucun meeting, n’était jamais bien loin de Teodoro sur la photo. Pour ce dernier, son fils aîné « a la politique dans le sang. Il est doué, et ce ne serait pas juste qu’il ne soit pas récompensé ».
Le dauphin, aujourd’hui adoubé semble-t-il, a amélioré sa popularité en sachant se montrer généreux envers la jeunesse, à travers le sport notamment. Teodorín a longtemps affiché un train de vie dispendieux sans aucun complexe. « Des erreurs de jeunesse. Il a complètement changé », assure sa garde rapprochée. Et son éducation hors du pays, qui en aurait fait un prétentieux ? « Teodorín a grandi parmi nous. Il parle fang, il pense fang, il rêve fang. Comme nous ! »
Même ses ennuis judiciaires en France, dans le cadre de l’affaire dite des « biens mal acquis », ne semblent pouvoir constituer un obstacle à son ascension.
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