Football : Jerome Boateng, idole germanique
En raison de ses origines ghanéennes, le défenseur de la Mannschaft est la cible d’attaques racistes, mais il n’en a cure : après ses débuts tonitruants dans l’Euro 2016, tout le pays le porte aux nues !
« Jerome Boateng ? En tant que footballeur, les gens l’apprécient, mais comme voisin, ils n’en voudraient pour rien au monde ! » Avec cette sortie raciste faisant référence aux origines ghanéennes du défenseur de l’équipe nationale, Alexander Gauland, le numéro deux de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), s’est attiré les foudres du pays (presque) tout entier.
Surfant sur ses succès électoraux, le parti d’extrême droite, de concert avec Pegida, le mouvement anti-islam, se sent pousser des ailes et multiplie les dérapages. Le dernier en date ? Le groupe de confiserie Ferrero a sorti avant l’Euro 2016 une édition spéciale de Kinder, la célèbre barre chocolatée, en remplaçant temporairement sur l’emballage la photo du traditionnel enfant blond par celles des joueurs de la Mannschaft lorsqu’ils étaient enfants.
Il n’en a pas fallu davantage pour que les membres de la fachosphère, choqués de découvrir les visages un peu trop basanés et les cheveux un peu trop crépus des Boateng et autres Ilkay Gündogan (qui est d’origine turque), s’enflamment. « Ils ne reculent devant rien ! » a commenté l’un d’eux, sur Facebook. D’autres sont allés jusqu’à appeler au boycott de la marque.
Plébiscité
La riposte a été immédiate. Sur internet, des anonymes ont publié des portraits d’eux quand ils étaient enfants. « N’est-ce pas la preuve qu’on peut être allemand et n’avoir ni boucles blondes ni yeux bleus ? » a commenté l’un d’eux. Dans les stades, des banderoles ont fleuri : « Jerome, sois notre voisin ! » Lors d’une séance du Parlement régional dont est membre Gauland, un député CDU (droite) a même revêtu un maillot de la Mannschaft porteur du numéro 17, celui de Boateng.
Les Allemands lui pardonnent volontiers une certaine propension à l’arrogance
Et depuis son sauvetage acrobatique sur la ligne de but lors du premier match contre l’Ukraine, le 12 juin, l’athlétique défenseur central est en passe de devenir l’idole de tous les amateurs de foot. « C’est très bien de l’avoir comme voisin en défense », s’est félicité Joachim Löw, son entraîneur, à l’issue de la rencontre.
Il faut dire que, sur les pelouses comme dans la vie, le jeune homme jouit d’une excellente réputation : les Allemands lui pardonnent volontiers une certaine propension à l’arrogance.
Né à Berlin il y a vingt-huit ans d’un père ghanéen et d’une mère allemande, c’est un personnage sans histoire, peu habitué des tabloïds. Aujourd’hui père de jumelles, il a été élevé dans un environnement bourgeois, contrairement à ses deux demi-frères, Kevin-Prince et George, originaires de Wedding, un quartier populaire du nord de la capitale.
Une passion pour le foot partagée avec ses frères
S’ils n’ont pas le même père et n’ont pas grandi ensemble, les trois frères ont depuis leur plus jeune âge une passion commune : le foot. Pour George, l’aîné, aujourd’hui reconverti dans le rap, tout est venu des matchs que, tous les week-ends et pendant les vacances, ils disputaient sur un petit terrain grillagé. Rivalité, émulation… Deux d’entre eux ont fini en équipe nationale, mais pas la même : celle d’Allemagne pour Jerome, celle du Ghana pour Kevin-Prince.
Après avoir débuté à 13 ans au Hertha Berlin, le premier a été repéré par un club de Hambourg puis par Manchester City. En dépit d’une saison ratée – il a été blessé par… le chariot d’une hôtesse de l’air ! -, il intègre l’équipe nationale lors du Mondial 2010, avant d’être recruté par le glorieux Bayern Munich en 2011.
D’un an son aîné, Kevin-Prince a suivi peu ou prou le même parcours, au poste de milieu de terrain – il joue aujourd’hui au Milan AC. Mais son caractère colérique et son comportement parfois violent – qu’il explique par son enfance difficile – lui ont fermé les portes de la Mannschaft. Comme il possède la double nationalité, il a choisi de rejoindre les Black Stars ghanéens.
Et c’est ainsi que, lors des Coupes du monde 2010 et 2014, Jerome et Kevin-Prince se sont affrontés dans l’un de ces duels fratricides dont les publics du monde entier raffolent.
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