Algérie : Amar Saadani fait la pluie et le beau temps

L’affaiblissement du DRS ? C’est lui. Le retour en Algérie de Chakib Khelil ? C’est lui aussi. Dernière preuve de l’influence grandissante du secrétaire général du FLN : le remaniement gouvernemental du 11 juin.

Lors du 10e congrès du Front de libération nationale, le 28 mai 2015. © FAROUK BATICHE/AFP

Lors du 10e congrès du Front de libération nationale, le 28 mai 2015. © FAROUK BATICHE/AFP

FARID-ALILAT_2024

Publié le 23 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Il est au « système » ce que le présentateur météo est au temps : il annonce les averses et les éclaircies, prédit petits et gros nuages et indique la direction du vent. Depuis son élection controversée comme secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), en août 2013, Amar Saadani, 66 ans, s’est forgé une réputation d’homme influent.

Il a mené une campagne médiatique aussi assidue que violente contre le patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le tout-puissant général Mohamed Mediène, alias Toufik, en l’accusant de comploter contre Abdelaziz Bouteflika et sa famille politique. Toufik a été limogé en septembre 2015, et son tentaculaire département dissous six mois plus tard. Il a décrété que Chakib Khelil, ministre de l’Énergie et des Mines de 1999 à 2010 inculpé dans le scandale de corruption présumée lié à la gestion du groupe pétrolier Sonatrach, était intègre, compétent et patriote, et devait donc être réhabilité.

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Khelil est rentré librement au bercail après trois années d’exil aux États-Unis, où il s’était mis l’abri de la justice. Il a vilipendé le gouverneur de la Banque d’Algérie, à qui il a imputé la responsabilité de la crise financière dans laquelle est plongé le pays depuis la chute brutale des cours du pétrole. Le gouverneur a été remercié sans ménagement le 31 mai.

Des têtes qui tombent

Trois ans après avoir pris les rênes d’un parti qui aligne 220 députés sur 479 à l’Assemblée, Saadani est bien plus qu’un porte-parole autoproclamé de la présidence. Il est l’un des cadors du clan présidentiel. Ceux qui en doutaient encore en ont eu une nouvelle démonstration avec les changements opérés le 11 juin dans l’équipe gouvernementale du Premier ministre, Abdelmalek Sellal.

Ce nouveau remaniement, Saadani ne l’a pas simplement annoncé en primeur deux mois à l’avance. Il en a dessiné les contours avec une telle précision qu’on croirait que la liste des partants et des promus a été dressée par ses soins.

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Saadani reproche au ministre des Finances d’être « incompétent » et d’avoir provoqué « la faillite financière » du pays. Le grand argentier est remercié. Il juge que le ministre de l’Agriculture gère son secteur d’une manière « archaïque ». Ahmed Ferroukhi n’est pas seulement viré, il est aussi remplacé par une vieille connaissance de Saadani, qui avait pourtant été impliquée dans un scandale de détournement de subventions agricoles. Le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, Tahar Khaoua, lui tient tête ?

Saadani a gravi les échelons en alliant opportunisme et roublardise.

Il est limogé sans frais avant que son portefeuille soit repris par une députée du FLN que l’on dit proche de Saadani – même si, dans le sérail algérois, Khaoua est connu pour être un fidèle de Saïd Bouteflika, conseiller de son frère. Même le directeur de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia, n’est pas épargné par les foudres de Saadani, qui l’accuse carrément d’avoir trahi la confiance du raïs.

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Une façon de prédire la future disgrâce d’Ouyahia ? Ceux qui connaissent le patron du FLN se gardent de sous-estimer ses critiques, qui ont souvent valeur de jugements sans appel.

De simple pompiste dans une station-service à chef d’un parti dont le nom est intimement lié à la guerre de libération, en passant par la case député, grand chambellan des comités de soutien à Bouteflika ou président de l’Assemblée nationale entre 2004 et 2007, Saadani n’aura pas gravi ces échelons sans une sacrée dose d’opportunisme et de roublardise.

Sa proximité avec le patron de l’armée, les liens qu’il a tissés avec le successeur de Toufik, avec Sellal, avec Saïd Bouteflika, et son entregent dans le milieu des affaires font désormais de lui un animal politique aussi redoutable que bien informé. Quand Saadani parle, tout le monde tend l’oreille.

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