Mauvaise gouvernance et mauvais gouvernants
Nous sommes de plus en plus nombreux à le penser et à le dire : beaucoup de pays sont mal gouvernés et les institutions internationales elles-mêmes souffrent de ce mal qu’est la mauvaise gouvernance.
Se pose donc cette question : comment sont choisis ceux et celles qui prétendent être les plus aptes à gouverner nos pays ou à administrer les institutions qui régissent ce qui n’entre pas dans le champ de compétences des États ?
Je relève des signes importants qui tendent à montrer que cela ne marche pas bien et qu’il y a lieu d’intervenir d’urgence pour changer un état des choses insatisfaisant.
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Baromètre et vigie de la gouvernance dans les pays africains, la Fondation Mo Ibrahim vient une fois de plus de baisser les bras : elle a eu beau chercher dans tous les recoins d’un continent de plus de cinquante pays, elle n’a pas trouvé à qui attribuer pour 2015 le prix destiné à récompenser « un leadership d’excellence en Afrique ».
Elle n’a décelé aucun chef d’État ou de gouvernement africain digne d’être distingué pour la très bonne gouvernance du pays dont il avait pris les rênes ; pas parmi ceux qui ont quitté le pouvoir normalement et au terme prévu au cours des trois dernières années, en laissant leur pays mieux qu’ils ne l’avaient trouvé en arrivant.
Les candidats passés en revue ? On peut citer le Béninois Boni Yayi, le Tunisien Moncef Marzouki, le Nigérian Goodluck Jonathan, le Tanzanien Jakaya Kikwete. Aucun de ces quatre n’a été à la hauteur des exigences de la fondation, aucun n’a pleinement rempli le contrat qu’il a juré d’honorer le jour de son investiture.
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Ce prix pour « un leadership d’excellence en Afrique » existe depuis 2007, est très richement doté mais n’a pu être décerné, en dix ans, qu’à quatre chefs d’État sortants : le Mozambicain Joaquim Alberto Chissano, le Botswanais Festus Gontebanye Mogae, le Cap-Verdien Pedro de Verona Rodrigues Pires et le Namibien Hifikepunye Pohamba*.
Pour justifier cette carence de lauréats, la Fondation Mo Ibrahim fait valoir qu’elle a placé la barre très haut. En vérité, elle peine à trouver en Afrique des chefs d’État compétents et mus par un sens moral élevé.
Les quatre dirigeants qu’elle a distingués n’étaient pas exceptionnels. Ils ont simplement bien accompli le devoir pour lequel ils avaient sollicité et obtenu la confiance de leurs concitoyens.
Cela pour l’Afrique.
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Inutile, je pense, d’évoquer le cas pitoyable des pays arabes : sur les vingt-deux membres de « la Ligue des États arabes », combien pourraient être considérés comme étant bien gouvernés ? Ou même comme des États dignes de ce nom ?
Deux, au maximum.
Si vous voulez des cas de mauvaise gouvernance extrême qui défigurent un continent, en l’occurrence l’Amérique du Sud, en voici deux : le Venezuela, riche mais surendetté, qui est au bord de la faillite et dont le président, mal choisi par Hugo Chávez, aurait dû être déjà destitué ; le Brésil, où la gauche, écartée du pouvoir, est aussi corrompue que la droite, qui vient de le lui reprendre.
L’Europe elle-même, hier dominatrice et sûre d’elle-même, ne semble plus l’être. Le graphique ci-dessus montre que six pays de l’Union européenne sur huit se sentent déclassés par rapport à ce qu’ils étaient il y a dix ans.
À cela une seule raison : ils ont été mal gouvernés tout au long de la décennie écoulée.
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Pourquoi sommes-nous dans une situation où la mauvaise gouvernance prévaut dans tant de pays et d’institutions internationales ?
Il me paraît évident qu’il faut incriminer la manière dont on accède à la direction de ces pays et de ces institutions. Il faut la changer, même si c’est là une condition nécessaire mais pas suffisante.
1) Les chefs d’État et/ou de gouvernement
Leur fonction subit une double pression, qui affecte aussi bien les pays développés et démocratiques que ceux en développement et en voie d’accéder à la démocratie.
• Elle n’attire plus les meilleurs, ceux dont la compétence et le savoir-faire sont le mieux établis. Ni ceux dont le sens moral est le plus élevé et qui n’obéissent qu’à la volonté de servir.
• Les candidats à cette fonction y accèdent désormais le plus souvent par un scrutin au suffrage universel. Ils sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance, avec ou sans espoir de réussite, et le font pour le plaisir de paraître, d’intéresser les médias, d’avoir un moment de gloire.
Certains de ces candidats frôlent le ridicule.
• Homme ou femme, l’élu de ce mode de sélection n’a le plus souvent aucune aptitude pour la fonction.
Doué pour la parole, voire pour le baratin, il se révèle rapidement incapable de diriger un État, et on le voit désacraliser la fonction en l’exerçant n’importe comment.
Contrairement à ce qu’a pu dire ou croire François Hollande, un chef d’État n’est pas un homme « normal » et n’exerce pas sa fonction dans la normalité.
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2) Les secrétaires généraux (ou les directeurs généraux) des grandes institutions internationales
En ce moment même, on cherche à pourvoir le poste de secrétaire général des Nations unies, vacant à la fin de cette année, et les directions générales de plusieurs agences de l’ONU qui seront libérées en 2017.
Et, sur un autre plan, la présidence de la Commission de l’Union africaine.
Or que voyons-nous ? Que pour l’ONU il vaudrait mieux que ce soit enfin une femme, fût-elle médiocre ou de second plan. Et que sa région d’origine sera, de préférence, l’Europe de l’Est (dont « c’est le tour »).
Car pour toute institution, à chaque élection, une région du monde est habilitée par une loi non écrite à fournir le candidat (généralement choisi parmi le cortège de personnalités « disponibles » ou « à la recherche d’une fonction digne de leur passé »).
C’est, je pense, se condamner, sauf miracle, à passer à côté du bon candidat et courir le risque de tomber, le plus souvent, sur l’un des candidats qui sont « sur le marché ».
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Tant qu’il en sera ainsi, nous n’avons que de très faibles chances d’élever le niveau de nos dirigeants, de tomber sur un Dag Hammarskjöld, un de Gaulle ou un Mandela.
* Nelson Mandela avait reçu un prix honorifique en 2007.
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