Olga Yenou : « Nous voulons pousser les Ivoiriens à consommer davantage de cacao »
Nouveaux produits, liens avec les distributeurs, chiffre d’affaires… L’ancienne directrice de l’usine Cémoi dévoile à J.A. ses objectifs et sa stratégie pour sa PME.
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Grande productrice d’or blanc, l’Afrique de l’Ouest crée peu de valeur localement. Elle exporte une très grande partie de sa fibre, au détriment de la fabrication de fil et de tissu.
Tafissa (« se lécher les doigts » en baoulé), c’est la petite marque qui monte à Abidjan. Olga Yenou, sa fondatrice et directrice générale, commercialise depuis un an des produits finis à base de cacao – poudres, pâte à tartiner, beurre – et cherche à lever 3 milliards de F CFA (4,57 millions d’euros) pour développer ses activités en Côte d’Ivoire et dans les pays alentour.
Le début de l’aventure, en 2012, fut pourtant agité. À l’origine, l’ancienne directrice de l’usine Cémoi d’Abidjan fabriquait des produits semi-finis (masse, beurre, tourteaux) destinés à l’export. Mais la fiscalité a évolué au plus mauvais moment, et les comptes de son entreprise n’ont pas supporté le retrait des subventions accordées aux produits transformés. Son usine de San Pedro a dû finalement arrêter la production pour un temps.
L’ingénieure ivoirienne, née à Saint-Germain-en-Laye (près de Paris) et diplômée de l’institut polytechnique Félix-Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro, ne s’avoue pas vaincue pour autant.
Elle réunit des financements pour adapter ses machines (1,5 milliard de F CFA investis depuis la création de l’entreprise), pariant sur l’essor de la consommation de produits à base de cacao chez le premier producteur au monde de fèves. Son produit phare : une poudre constituée à 100 % de cacao « dont les Ivoiriens apprécient le goût amer », à laquelle s’ajouteront bientôt des cosmétiques au cacao (l’un d’eux est testé sous la marque Liessmann) ou, entre autres, une tablette de chocolat capable de résister aux chaleurs tropicales.
La PME, qui compte une douzaine de salariés, distribue ses produits dans les magasins tendance d’Abidjan, les stations Total, à l’aéroport et, depuis quelques mois, dans les hypermarchés du groupe Prosuma. Alors qu’une nouvelle étape s’ouvre avec ce partenariat, la quinquagénaire revient sur sa démarche et ses ambitions.
Jeune Afrique : Quelle est la spécificité de votre marque, Tafissa ?
Olgo Yenou : C’est tout d’abord l’origine ivoirienne de nos produits. Ensuite, ils ont pour point commun de procurer, grâce à une forte concentration en cacao, à la fois du plaisir et du bien-être. Plus de cacao signifie moins de sucre. L’une de nos poudres, constituée à 100 % de cacao, ne contient aucun sucre. On l’oublie souvent, le cacao est bon pour la santé. Il a des effets positifs sur la mémoire et sur le cœur, et il aide à lutter contre le stress et la fatigue.
Vous commercialisez de la poudre, de la pâte à tartiner et du beurre de cacao. Avez-vous d’autres produits en cours de développement ?
Nous travaillons sur un chocolat très concentré en cacao. C’est compliqué, car il doit bien se conserver dans les pays chauds – une grande nouveauté. Et nous venons de sortir un autre produit innovant : un stick de poudre de cacao de 5 grammes vendu 500 F CFA, soit deux fois moins cher que ceux du marché actuel. Dans les foyers, ces formats permettent de régler les problèmes de trésorerie et, dans les hôtels, ils facilitent la planification des volumes.
L’accessibilité de nos produits représente un sérieux enjeu pour notre développement en Côte d’Ivoire et dans la sous-région demain, particulièrement au Nigeria et au Ghana, pays qui consomment le plus de cacao.
Nous visons un chiffre d’affaires de 2 milliards de F CFA pour 2017
Quelle part de chiffre d’affaires visez-vous à l’export dans les années à venir ?
Entre 60 % et 75 %.
Quelle croissance de revenus prévoyez-vous pour Tafissa ?
Nous visons un chiffre d’affaires de 2 milliards de F CFA pour 2017. Cet objectif était initialement prévu pour 2016, mais nous avons eu accès aux grandes surfaces moins vite qu’attendu, ce qui a ralenti notre croissance. Depuis le mois d’avril, Prosuma [premier acteur du marché ivoirien] nous fait confiance en distribuant nos produits. Nous sommes maintenant en discussion avec Carrefour et CDCI [Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire].
D’autres industriels, comme votre ex-employeur Cémoi ou PFI, investissent le marché du chocolat. Comment voyez-vous cette concurrence ?
Le marché ivoirien reste très réduit. Une personne consomme en moyenne 500 g de cacao par an [contre 3,6 kg en France, chiffres ICCO]. Nous avons donc un objectif en commun : faire en sorte que les Ivoiriens prennent l’habitude de consommer des produits à base de cacao, car le potentiel existe. Mais il est clair que je n’ai pas la même force, la même capacité de distribution, ni les mêmes budgets de communication.
Le secteur des produits finis est encore balbutiant. Avez-vous besoin d’une aide de l’État ?
Oui, les autorités pourraient nous aider en communiquant sur les bienfaits du cacao. Des experts ont établi ces avantages, et elles sont les plus à même de porter ce message.
La taille des fèves de la campagne en cours est décevante. Le coût des bonnes fèves va augmenter. Est-ce un risque de plus pour votre rentabilité ?
Non. Étant donné la dimension de mon entreprise, je n’ai pas à me procurer d’énormes volumes. Si un problème se pose, il concernera le rendement des fèves, et non la qualité globale de notre matière première, qui s’est améliorée ces dernières années.
Travaillez-vous avec des producteurs spécifiques pour vous procurer les fèves ?
Nous n’avons pas encore les volumes suffisants pour cela. Mais nous l’envisageons, car cela nous permettra d’obtenir des fèves répondant à des critères adaptés à nos besoins : une cueillette à la maturité idéale, une bonne fermentation, un séchage adéquat, etc. De même, nous avons déjà intégré dans nos prochains comptes de résultat des sommes plus élevées [que le prix minimum garanti] pour payer les producteurs. Là encore, nous cherchons à soutenir la filière ivoirienne.
CÉMOI S’AFFICHE EN LEADER
L’industriel français a inauguré en 2015, en présence du président Alassane Ouattara, une usine dimensionnée pour confectionner quelque 10 000 tonnes de produits chocolatés à Yopougon (commune d’Abidjan). Cette installation, présentée comme la « première chocolaterie de Côte d’Ivoire », produit pour l’instant les pâtes à tartiner Tarticao et les poudres Quickao pour les marchés local et régional, créneaux sur lesquels est également présent Professional Food Industry. Les tablettes de chocolat sont attendues pour 2017.
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