Agroalimentaire : Dakar et Advens se renvoient la balle
Pour l’État comme pour le groupe d’Abbas Jaber, le responsable des difficultés de la Suneor… c’est l’autre.
«La gestion de la Suneor est désormais sous la responsabilité de l’État du Sénégal » ; « L’État ne doit plus rien à Advens »… Ces derniers mois, les autorités multiplient les déclarations pour démontrer que la période où le groupe d’Abbas Jaber gérait l’huilier sénégalais était révolue. Selon nos informations la réalité est bien plus nuancée.
Certes, un accord (aux détails confidentiels) a été trouvé entre l’État et Advens. Entre 5 et 7 milliards de F CFA (entre 7,6 et 10,6 millions d’euros) auraient été versés au repreneur de l’ex-Sonacos, privatisée en 2005 [66,9 % du capital, pour un montant de 5,3 milliards de F CFA]. Mais le versement d’une somme complémentaire (montant exact inconnu), reste en suspens – suscitant une véritable guerre en coulisses.
Avec Advens, fraude et endettement
Du côté de l’État, certains ressortent de vieux dossiers : d’abord, Advens n’a réalisé que 50 % des investissements promis dans le cadre de la cession, comme l’avait souligné un rapport de l’Inspection générale d’État (le chiffre a été contesté dans les colonnes de JA par Abbas Jaber, qui arguait que les dernières années n’avaient pas été comptabilisées) ; ensuite, l’entrepreneur laisse une société endettée pour 55 milliards de F CFA avec des fonds propres négatifs (– 30 milliards de F CFA environ) alors que, dix ans plus tôt, elle n’avait pas de dettes et était capitalisée à hauteur de 20 milliards de F CFA environ ; enfin, des sociétés partenaires (M2A notamment) auraient surfacturé leurs prestations à la Suneor ou lui auraient acheté son huile à un prix inférieur à celui du marché…
Interrogé par JA, le groupe Advens dément catégoriquement toute fraude, rappelant que de multiples audits ont été effectués, que l’État, actionnaire à 15 % (et représenté au conseil d’administration), a validé les contrats liant la Suneor à ces entreprises et que les sociétés partenaires assumaient le risque de variation des cours de l’huile, à la hausse comme à la baisse.
Thiendiaté Bouyo Ndao, directeur général de la Suneor de 2010 à 2016, confirme : « Lorsque j’étais DG, je signais moi-même les conventions régissant ces opérations, et ni Advens ni aucun partenaire ne se sont enrichis. Un rapport de Mazars a montré en 2010 des écarts de prix moyens de 2 %, ce qui est faible. Et puis les marges étaient fixes, avec l’accord de l’État. »
Un dossier politique
Pour Advens, la situation de la Suneor résulte en grande partie de mauvais choix étatiques : le plafonnement des prix des huiles végétales importées (qui assuraient la rentabilité de la société), l’invasion de l’huile de palme, la concurrence chinoise, le poids des intermédiaires (les opérateurs privés stockeurs, ou OPS), etc. Le groupe français serait particulièrement remonté contre la nomination en mai de Pape Dieng à la tête de la Suneor. L’opération aurait en effet été réalisée sans la présence des représentants d’Advens, pourtant juridiquement toujours propriétaire de l’entreprise.
Alors que les accusations font rage, les parties finiront-elles par se mettre d’accord ? « Il s’agit d’éviter d’aller en justice et de risquer un blocage des actifs, souffle-t-on dans l’entourage de l’exécutif. Il faut aussi montrer que l’État, qui tient à attirer des investisseurs étrangers, ne cherche pas à les léser. »
Advens semble souhaiter le règlement du solde dû par un État avec lequel il partage d’autres dossiers délicats. Transrail, filiale du groupe, a vu sa concession sur le chemin de fer Dakar-Bamako résiliée fin 2015 par le Sénégal et le Mali. Mais, en sondant l’ambiance de part et d’autre, on s’aperçoit qu’il n’y a aujourd’hui qu’un pas avant que la bataille en cours ne se termine devant les tribunaux.
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