RD Congo : le Tarmac des auteurs, la scène de tous les possibles

Lieu atypique où se retrouvent locaux et expatriés, le Tarmac des auteurs se rêve en authentique théâtre congolais. Tous les sujets de société y sont passés en revue. Avec humour et subtilité.

La pièce Amour Bunker, présentée par la compagnie Osase lors du festival Ça se passe à Kin, en juin. © Tarmac des Auteurs

La pièce Amour Bunker, présentée par la compagnie Osase lors du festival Ça se passe à Kin, en juin. © Tarmac des Auteurs

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Publié le 28 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Stade de Kinshasa, en juin 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour j.a.
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Le doute se lit sur le visage de celui qui débarque pour la première fois au Tarmac des auteurs. « Est-ce la bonne adresse ? Suis-je à l’endroit qu’indiquent les affiches en centre-ville ? » Impossible de ne pas s’interroger tant le théâtre, situé à Kitambo, commune du nord-ouest de Kinshasa, ressemble à l’un de ces nganda (bar) qui pullulent dans les quartiers de la capitale congolaise. Quelques chaises en plastique, des bouteilles de Primus, de Super Bock ou de Turbo King sur les tables. Autour, des éclats de rire, des regards complices, des messes basses…

À l’intérieur, Israël Tshipamba accorde une interview à un journaliste local. « Tshitshi », comme l’appelait son père, est le créateur-concepteur-promoteur de ce lieu atypique où se côtoient les bruits du quotidien et les envolées lyriques des comédiens. « En choisissant d’implanter ce théâtre à Kitambo, première commune de Kinshasa, je voulais que la vie du quartier prenne part à la création artistique », justifie cet adepte d’un théâtre « de proximité, proche des gens, conçu au milieu du peuple et ancré dans son noyau social ».

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Talents récompensés

Depuis 2001, Israël Tshipamba, transfuge de l’emblématique Écurie Maloba, travaille à l’éclosion d’« un authentique théâtre congolais », qui doit, selon lui, trouver son public, ses auteurs, sa parole. « Le théâtre, c’est comme le vin : il se structure par rapport à un terroir », soutient-il. C’est ainsi que « son » Tarmac des auteurs œuvre à la constitution d’un « répertoire textuel du théâtre congolais ».

Depuis des années, il cherche et forme des auteurs dans ce but. Et la démarche semble porter ses fruits. Fiston Mwanza Mujila, par exemple, l’un des premiers à participer aux ateliers d’écriture du Tarmac, a été récompensé en 2009 par une médaille d’or en littérature lors des VIe Jeux de la francophonie à Beyrouth, au Liban. Son texte, Te voir dressé sur tes deux pattes ne fait que mettre de l’huile au feu, a d’ailleurs été programmé lors de la sixième édition du festival Ça se passe à Kin.

Pièces engagées et maux sociaux

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« C’est une pièce qui parle aux jeunes Congolais contraints parfois de quitter le pays et qui se retrouvent à l’étranger confrontés à d’autres problèmes tels que le racisme, l’humiliation », explique Tshipamba, organisateur du festival.

L’État ne protège pas ses citoyens, mais personne n’ose descendre dans les rues pour revendiquer ses droits

Pendant les huit jours qu’a duré l’événement, qui se veut l’occasion « de la rencontre et du partage d’expériences entre les comédiens congolais et des professionnels venus de l’étranger », tous les sujets de société – guerre, violences sexuelles, pauvreté, corruption – ont été passés en revue. Toujours avec subtilité. À l’instar de La Bonne Âme du Se-Tchouan, de Bertolt Brecht, revisitée par Israël Tshipamba.

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« Une pièce qui a eu une très grande résonance en RD Congo, où la population, appauvrie et meurtrie, semble se complaire dans sa situation. L’État ne protège pas ses citoyens, mais personne n’ose descendre dans les rues pour revendiquer ses droits. Beaucoup préfèrent aller se plaindre auprès des Églises, espérant une intervention divine », regrette le fondateur du Tarmac des auteurs, qui voudrait « réveiller » ses compatriotes à travers des textes engagés et estampillés « théâtre et société ».

Un succès

Ce mercredi soir, avant-dernier jour du festival, le petit théâtre à ciel ouvert affiche complet. Sous les branches d’un arbre est installée une scène d’au moins 40 m2. Le spectacle a commencé depuis une trentaine de minutes. Les sketchs se succèdent entre deux sets de guitare sébène. Le public – expatriés et locaux mélangés – est conquis et interagit avec les humoristes, qui caricaturent la société congolaise d’aujourd’hui.

Coincée entre tradition et modernité, ouverture et repli sur soi. Tour à tour fusent les blagues sur « le Noir », « le Blanc », « la maman congolaise », les tracasseries policières, les réseaux sociaux, les Églises de réveil qui se livrent à des « church battles ». Mais aussi sur l’homosexualité. Du début à la fin, l’ambiance est chaleureuse et conviviale. Et c’est tout naturellement qu’à l’issue du spectacle démarre le deuxième acte. Celui de la rencontre et de l’échange, en direct, entre les spectateurs et les comédiens. Parce que ça se passe comme ça au Tarmac.

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