Jeunes majeurs à Kinshasa : « Il nous faut quelqu’un qui ait une vision collective »

L’actuelle liste électorale, qui exclut nombre de jeunes majeurs, pourrait ne pas être révisée avant la présidentielle. Au grand dam de toute une génération. À Kinshasa…

Ceux qui n’ont pu continuer leurs études se débrouillent pour gagner leur vie. © Gwenn Dubourthoumieu pour j.a.

Ceux qui n’ont pu continuer leurs études se débrouillent pour gagner leur vie. © Gwenn Dubourthoumieu pour j.a.

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Publié le 28 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Stade de Kinshasa, en juin 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour j.a.
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RD Congo : défis majeurs

Au-delà des incertitudes politiques, une nouvelle génération arrive dans la vie publique au moment où le pays a redessiné ses frontières intérieures. Autant de challenges à relever.

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Galvani, 21 ans, ne cache plus son agacement. « Les années passent et rien ne change », grogne cet étudiant en maintenance des réseaux dans un institut supérieur de Kinshasa. Il habite N’Djili, l’une des communes les plus peuplées de la capitale.

« Ici, c’est la loi de la débrouille. Le gouvernement nous chante « stabilité macroéconomique » et « taux de croissance en nette évolution », mais nous n’en voyons pas l’impact sur notre quotidien », peste-t‑il, « pressé d’avoir [sa] carte d’électeur pour sanctionner ». En attendant, son avenir l’inquiète : « C’est probablement le chômage qui nous attend à la sortie de la fac. »

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Perte de confiance envers la classe politique

Quelque 15 km plus au nord de N’Djili, c’est l’effervescence au rond-point Victoire. Malgré une chaleur suffocante, le carrefour le plus célèbre du pays est bondé. D’un côté, ceux qui attendent désespérément une place dans un « esprit de mort » – l’un de ces minibus Mercedes 207 interdits dans le centre de Kinshasa mais tolérés dans les autres quartiers de la capitale –, de l’autre, ceux qui sont là souvent depuis très tôt le matin pour s’adonner à des « cops », ces petites activités informelles.

Président, ministres, députés, tous des menteurs ! Lance Doudou

Il y a là des cambistes, des « chayeurs » (vendeurs ambulants ou à la sauvette), des « wewas » (motos-taxis), mais aussi des « chargeurs », comme Doudou et sa bande, cinq jeunes âgés de 19 à 23 ans qui viennent de Ngaba, dans le sud de la capitale. Dans un lingala bien kinois, Dieumerci, le plus jeune, se confie : « Faute de moyens financiers, nous n’avons pas pu continuer nos études. Et chaque matin nous venons ici pour charger des passagers. » Comprendre : faire les rabatteurs pour les chauffeurs de taxi contre 500 FC (environ 0,50 euro).

Aussi, les esprits s’échauffent lorsque la discussion glisse sur la classe politique. « Président, ministres, députés, tous des menteurs ! Avant d’être aux affaires, ils font des promesses. Arrivés au pouvoir, ils s’achètent des bagnoles de luxe, des immeubles, et ils oublient les électeurs », s’énerve Doudou. Lui et ses amis ne comptent même pas participer à l’enrôlement des électeurs sur les prochaines listes. Convaincus qu’ils sont que « rien ne changera jamais ».

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Dans le quartier de la Gombe, une petite foule de jeunes à l’allure studieuse se presse à l’entrée d’un concert de musique chrétienne évangélique. On est en plein centre-ville de Kinshasa, mais la plupart de ceux qui sont là viennent de quartiers populaires de la capitale. Certains ont revêtu leurs plus beaux atours pour prier, danser et chanter.

Refus de descendre dans la rue

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Jonathan, 19 ans, fervent adepte, est étudiant en littérature. Il accepte de parler de politique quelques minutes, en attendant que ses amis le rejoignent. « Je n’ai encore jamais voté et je souhaite le faire, c’est mon devoir de citoyen. J’attends l’enrôlement sur les listes électorales dans le calme, mais si cela prend trop de temps, je n’irai pas pour autant dans la rue », prévient-il, craignant des troubles préélectoraux qui gâcheraient son année universitaire 2016-2017.

« Je ne veux pas être chômeur à cause de la politique, mais je n’aime ni la violence ni les pillages », explique encore Jonathan, soucieux de préparer au mieux le concours d’entrée de l’académie d’architecture. Son camp politique – celui de Joseph Kabila – est, affirme-t‑il, celui du maintien de l’ordre public. « Je me suis rendu compte en discutant avec mon père que le président travaillait bien. Il a fait avancer les grands chantiers d’infrastructures du pays », estime le jeune homme, qui vit chez ses parents, dans le quartier de Kasa-Vubu.

Autre son de cloche chez Junior, Blaise et Valéry-Justin, qui ont entre 22 et 23 ans.

Eux aussi s’intéressent à la politique, mais ils sont remontés contre le « manque de sérieux » des politiciens congolais en général, et en particulier de ceux qui sont au pouvoir. « Ils pensent tous à leur petite personne », estime Blaise. « J’aimerais voter pour quelqu’un qui aurait une vision collective », renchérit Valéry-Justin. « Nous avons besoin de nouvelles têtes », affirme Blaise. « Nous voulons sentir que notre voix peut changer le système », fait valoir Junior.

Pour autant, les trois camarades des communes de Kalamu et de Mont-Ngafula, en grande banlieue de Kinshasa, ne sont pas prêts à s’encarter. Encore moins à s’engager physiquement pour défendre leurs idées dans la rue. « Nous rejetons la violence. On veut le changement, mais dans la stabilité », résume Junior, quelque peu ­contradictoire.

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