Les leçons du « Kolwexit » en RD Congo

Le démembrement des territoires améliore bel et bien le quotidien des Katangais.

Vue de la ville de Kolwezi. © Fairphone/CC/Flickr

Vue de la ville de Kolwezi. © Fairphone/CC/Flickr

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Publié le 28 juillet 2016 Lecture : 4 minutes.

Stade de Kinshasa, en juin 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour j.a.
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RD Congo : défis majeurs

Au-delà des incertitudes politiques, une nouvelle génération arrive dans la vie publique au moment où le pays a redessiné ses frontières intérieures. Autant de challenges à relever.

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C’est provisoire, mais c’est déjà confortable. Pour se réunir, la nouvelle assemblée provinciale du Lualaba dispose d’une vaste salle dans le centre de Kolwezi, avec un large bureau sur une estrade décorée de drapeaux congolais. Le secrétariat est certes encore un peu à l’étroit dans des bureaux cloisonnés par des planches de bois, mais il y a bien assez de gradins pour accueillir les députés provinciaux qui y siègent.

Le Lualaba désormais autonome

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Autrefois, le grand hall servait de salle des fêtes pour les employés de la Gécamines, la grande entreprise créée par les colons belges pour gérer les immenses ressources minières congolaises. Elle est ensuite devenue la plus puissante des sociétés d’État du pays. Qu’elle est encore aujourd’hui, bien que dans une moindre mesure.

Ce bâtiment est loin d’être une exception : presque toute la ville de Kolwezi – quelque 500 000 habitants aujourd’hui – a été bâtie par l’industrie minière qui exploite les ressources environnantes. Ses employés expatriés y étaient logés, de même que les travailleurs locaux – les deux groupes vivaient dans des quartiers strictement séparés. Pas vraiment d’autre vocation pour cette cité qui n’a longtemps été qu’une périphérie du grand Katanga. Riche, certes, mais toujours dépendante de sa capitale d’alors, Lubumbashi.

Depuis 2015, ce n’est plus le cas. À la faveur de la réforme territoriale, le Lualaba est devenu une province autonome, dont Kolwezi est la capitale. À sa tête, Richard Muyej Mangeze, l’ancien ministre de l’Intérieur. Un colosse souriant, dont chaque pas résonne sur les murs immaculés. Le nouveau gouvernorat, flambant neuf, a été édifié sur le terrain de la mairie, partie s’installer un peu plus loin. « Vous êtes dans un bâtiment construit en cent jours », lance fièrement Muyej.

Rénovation sur Kolwezi

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Vu de Kolwezi, le redécoupage des provinces a permis l’émancipation de la tutelle de Lubumbashi. Un « Kolwexit », en somme. Avec son sous-sol immensément riche et les mines les plus modernes du pays, comme celle de Tenke Fungurume, la nouvelle province redonne de l’espoir à ses habitants, qui pourraient bénéficier de ses richesses plus directement. La réforme a été très bien accueillie, et ses premiers effets ont été rapidement visibles.

L’hôpital général est en pleine rénovation, le rond-point du centre-ville en réfection. Très vite après sa nomination au poste de commissaire spécial par le président Joseph Kabila, en 2015, Richard Muyej Mangeze a ordonné ces grands travaux pour que le changement – et son arrivée – soit remarqué. « Cette partie du territoire a été abandonnée, lance-t‑il. Quand vous aviez mal aux dents, vous deviez prendre un bus pour Lubumbashi ! »

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Cette impulsion était d’autant plus nécessaire que l’économie de la région a nettement ralenti. La sécheresse, qui frappe les voisins de l’Afrique australe, dont dépend cette partie du pays pour son approvisionnement en nourriture, devrait faire augmenter les prix des denrées de base. Et, dans le même temps, le cours des minerais a beaucoup baissé. Certaines mines ont réduit leur production et leur personnel, d’autres, comme Kamoto Copper Company, ont dû stopper leur activité. Mas Muyej est rassurant : « Cela affecte peu nos recettes, jure-t‑il, car nos taxes portent sur le tonnage plus que sur la valeur des exportations. »

Plusieurs secteurs à moderniser

Reste que, pour financer ces grands travaux, le gouverneur a dû faire appel à des prêts. Ces investissements seront-ils soutenables à long terme ? Il n’imagine en tout cas pas s’éterniser dans la région. Il veut seulement lui donner de l’élan.

Pour pallier les difficultés du secteur minier, le gouverneur veut relancer le secteur agricole – une idée que partagent tous les décideurs congolais depuis des décennies sans avoir réussi à lui faire prendre forme – et parie sur un hypothétique lancement du secteur touristique. Mais il voudrait surtout désenclaver sa province pour sortir de la dépendance de Lubumbashi, où transite pour l’instant l’essentiel de la production du territoire.

La solution : construire la route vers Solwezi, en Zambie, et réhabiliter le chemin de fer qui rejoint l’Angola. Ce projet, qui dépend du feu vert de Kinshasa, pourrait, à terme, faire de Kolwezi un carrefour de communication, notamment pour le Haut-Lomami, une des nouvelles provinces issues du démembrement du Katanga.

Sans frontière avec les pays voisins, cette province ne dispose d’aucune infrastructure, et surtout pas des ressources minières de Kolwezi. « Mon homologue du Haut-Lomami se plaint d’avoir trouvé les caisses vides, confie Jean-Claude Kazembe, gouverneur du Haut-Katanga, dans son bureau de Lubumbashi. Si l’État ne répartit pas équitablement les moyens, certaines provinces vont déchanter et ne soutiendront plus le découpage. »

Perte d’influence pour le Katanga

Lui n’a pas eu besoin de faire de grands travaux pour s’installer : il a repris le gouvernorat qu’occupait avant lui Moïse Katumbi, du temps du grand Katanga. Seul le territoire qu’il administre s’est considérablement réduit. Les Lushois ne sont-ils pas frustrés par cette réforme qui acte leur relative perte d’influence ? « Le Haut-Katanga reste quatre fois plus vaste que la Belgique, assure Kazembe.

Et puis certains habitants avaient l’impression d’étouffer, de ne plus être chez eux, du fait de l’afflux de toutes les communautés à Lubumbashi. » « On pouvait penser que les nouvelles provinces les moins riches se seraient senties lésées, mais, globalement, la réforme territoriale a été très bien acceptée par la population, assure un diplomate basé à Lubumbashi. Elle voit l’Administration se rapprocher d’eux et espère pourvoir lui faire part de ses problèmes plus facilement. »

Mais pour que cette première impression persiste, encore faut-il donner à ces nouvelles entités les moyens de répondre aux préoccupations de leurs administrés. Sous la contrainte de la crise économique actuelle…

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