En RD Congo, l’or noir ne fait pas encore recette

Le secteur des hydrocarbures peine à se développer. Excepté à Muanda, unique zone d’exploitation de tout le territoire, où le pétrole est roi.

Puits de pétrole près de Muanda, le 28 juin. © Gwenn Dubourthoumieu pour J.A.

Puits de pétrole près de Muanda, le 28 juin. © Gwenn Dubourthoumieu pour J.A.

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Publié le 28 juillet 2016 Lecture : 5 minutes.

Stade de Kinshasa, en juin 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour j.a.
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RD Congo : défis majeurs

Au-delà des incertitudes politiques, une nouvelle génération arrive dans la vie publique au moment où le pays a redessiné ses frontières intérieures. Autant de challenges à relever.

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Atteindre l’embouchure du fleuve Congo, ça se mérite ! Les cent derniers kilomètres de la route nationale 1, qui relie Muanda à Kinshasa, mettent à rude épreuve les véhicules qui empruntent cette piste ensablée menant tout droit à l’océan. Au bout du chemin, à l’horizon, des dizaines de torchères éclairent la nuit. Signe que le visiteur va bientôt atteindre la ville pétrolière, chef-lieu de l’unique zone d’exploitation du brut enfermé dans le sous-sol de la République démocratique du Congo.

À Muanda, le secteur des hydrocarbures est roi. Et depuis longtemps. « L’américain Chevron, actif au Cabinda angolais tout proche, s’est implanté en premier, dans les années 1970, pour exploiter les gisements en mer. Puis, dans les années 1980, le belge Fina [qui a fusionné avec Total en 1999] a démarré l’exploitation des gisements à terre », raconte Baptiste Breton, directeur général de Perenco pour la RD Congo.

En RD Congo comme ailleurs, le modèle économique de Perenco est de racheter des gisements en fin de vie à des majors – comme Total ou Chevron – et d’en optimiser l’exploitation

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C’est ce groupe franco-britannique, dirigé depuis Londres, qui a repris en 2001 l’activité onshore de Fina, puis, en 2004 et en 2005, les champs offshore de Chevron. Des acquisitions qui font aujourd’hui de lui le seul producteur de pétrole du pays, puisque aucun autre projet n’est entré en exploitation depuis lors.

Optimisation d’une zone d’exploitation

« En RD Congo comme ailleurs, le modèle économique de Perenco est de racheter des gisements en fin de vie à des majors – comme Total ou Chevron – et d’en optimiser l’exploitation », explique Baptiste Breton, qui estime avoir parfaitement réussi cette mission à Muanda. « Cela fait quinze ans que nous sommes dans la région, précise-t-il. Nous avons toujours maintenu la production, de 9 500 barils par jour pour la partie onshore, et de 12 500 barils pour la partie offshore. Quand nous sommes arrivés, il n’y avait que 150 puits de pétrole on­shore, il y en a aujourd’hui environ 400 ! »

Grâce au gaz, nous fournissons l’électricité à toute la ville en approvisionnant le réseau géré par la Société nationale d’électricité

De fait, tout l’arrière-pays de Muanda, jusqu’au Cabinda, est truffé de forages, reliés entre eux par un réseau de pipelines d’une trentaine de kilomètres. « Il y a cinq stations de production, qui concentrent l’ensemble de l’exploitation, séparant l’huile et le gaz.

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La première est envoyée dans le pipeline d’exportation, le second brûlé par les torchères ou utilisé pour la production d’électricité », explique l’ingénieur Stéphane Rolland, qui dirige, pour Perenco, la station de Kinkasi où sont installées les nouvelles turbines électrogènes arrivées il y a seulement deux mois. « Grâce au gaz, nous fournissons l’électricité à toute la ville en approvisionnant le réseau géré par la Société nationale d’électricité », précise le patron du site.

Depuis la côte de Muanda, seuls quelques-uns des 70 puits de forage offshore sont visibles. « Il y a très peu de fond au large de la ville, entre 2 et 20 mètres, mais cela rend l’exploitation parfois plus difficile en raison des forts courants et des marées », explique Baptiste Breton. Tout le pétrole, onshore et offshore, est évacué par le pipeline et stocké sur une barge pouvant contenir jusqu’à 650 000 barils, ancrée à une vingtaine de kilomètres de la côte. Le brut est ensuite exporté par un navire tanker, qui effectue des rotations toutes les cinq semaines.

La base du pétrolier franco-britannique Perenco, à Banana, à l’embouchure du fleuve Congo, dans l’extrême ouest du pays. © Gwenn Dubourthoumieu pour J.A.

La base du pétrolier franco-britannique Perenco, à Banana, à l’embouchure du fleuve Congo, dans l’extrême ouest du pays. © Gwenn Dubourthoumieu pour J.A.

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Une production insuffisante au yeux de Perenco

La production de la RD Congo, assurée depuis Muanda par le seul Perenco, est modeste au regard des standards de l’industrie. Avec ses 22 000 barils par jour au total, le pays fait figure de Lilliputien face au géant angolais, qui en a produit 1,8 million par jour en 2015.

Même à l’échelle de Perenco, l’activité congolaise pèse peu. Le groupe extrait environ 45 000 barils par jour – soit deux fois plus – du sous-sol du Congo-Brazzaville, et autour de 75 000 barils tant au Gabon qu’au Cameroun.

« La RD Congo n’est pas un pays pétrolier, et notre filiale dans ce pays est atypique, notamment du fait de son isolement logistique, note Baptiste Breton. Muanda, contrairement à Pointe-Noire, la capitale pétrolière régionale, n’abrite pas de sociétés de services pétroliers comme Schlumberger ou Technip.

Nous faisons donc le maximum nous-mêmes, en développant les compétences au niveau local avec 850 employés, dont seulement une dizaine d’expatriés. Et nous essayons de recourir le moins possible aux techniciens, qu’il faut faire venir de Pointe-Noire et qui coûtent cher », ajoute le dirigeant local de Perenco.

Baptiste Breton aimerait toutefois que d’autres compagnies démarrent elles aussi une production dans le pays, pour étoffer un tissu industriel bien moins développé que celui du secteur minier.

« Bien qu’il soit difficile d’avoir des chiffres précis, la population de Muanda a probablement quadruplé en une dizaine d’années du fait de l’industrie pétrolière. Beaucoup de gens sont venus en ville dans l’espoir de travailler pour nous ou pour un sous-traitant. Mais nous sommes encore bien seuls. Les sociétés Energulf et Surge Stream ont bien une activité d’exploration dans la région, mais elles n’ont pas encore annoncé de projet d’entrée en exploitation. Quant au démarrage d’une production dans d’autres régions du pays, on en est encore loin », regrette Baptiste Breton, qui pense que la conjoncture morose de son secteur, avec un cours du baril très bas, ne va pas accélérer les choses.

Cap à l’Est

En plus de la zone située à l’embouchure du fleuve Congo, deux autres zones géologiques recèlent un fort potentiel pétrolier : la Cuvette centrale, dans la province de l’Équateur, frontalière avec le Congo-Brazzaville, où travaille notamment le britannique Soco International ; et la région du lac Albert et du lac Édouard, où est implanté Total ainsi que les petites sociétés Foxwhelp et Caprikat, de l’homme d’affaires israélien controversé Dan Gertler.

C’est de cette dernière région que pourraient venir les perspectives les plus intéressantes. Total vient de réaliser une étude géologique sismique sur son permis d’exploration au sud-est du lac Albert. « Il est encore trop tôt pour en avoir les résultats, mais, grâce à notre projet ougandais voisin, un modèle économique pourrait se dessiner si nous trouvions des réserves prometteuses », indique Guy Maurice, directeur Afrique du géant pétrolier français. Qui estime que le pétrole de l’est de la RD Congo pourrait être exporté par le pipeline Ouganda-Tanzanie, dont le parcours vient d’être avalisé par les autorités de Kampala.

Reste que les questions environnementales font débat dans cette région, comme en témoignent les polémiques sur l’exploration pétrolière réalisée par Soco International sur le bloc V, près du lac Édouard. Accusé de corruption et de pollution du Parc national des Virunga, sur lequel empiétait sa licence, le groupe britannique a dû y cesser ses activités en juin 2014.

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