Zakarie Labidi, l’appel de la pelouse
Professionnel depuis 2013 à l’Olympique lyonnais, cet Algéro-Tunisien n’a passé que vingt-quatre minutes sur le terrain en Ligue 1. Mais il entend changer la donne.
Son parcours est à l’image d’un match de foot où tout se déroule sans le moindre pépin jusqu’à la quatre-vingt-neuvième minute. « C’est vrai que, jusqu’à mes 18 ans, tout s’enchaînait parfaitement », déclare d’une voix calme le milieu offensif de l’Olympique lyonnais (OL) Zakarie Labidi, 21 ans, 1,78 m pour 70 kg, gaucher et fan d’Andrés Iniesta.
2000. Zakarie a 5 ans et comme la majorité des mômes de la cité Maurice-Thorez de L’Île-Saint-Denis (93), où il grandit, il passe ses journées à taper dans la balle. « Je jouais même avec des canettes de coca », précise-t‑il avec le sourire. « Je devais m’y reprendre à dix fois pour qu’il remonte à la maison dîner », se souvient avec le sourire Fatiha, sa mère, qui l’a toujours encouragé à « poursuivre son rêve ».
Mokrane Kitoune est à l’époque chargé des équipes de jeunes au CSM Île-Saint-Denis, le tout premier club de Labidi. « Il avait trois ans de moins que les autres joueurs, mais il était déjà le plus fort de la bande. J’ai réussi à lui obtenir une dérogation pour qu’il puisse intégrer l’équipe benjamine, raconte Mokrane. Je me souviens de son premier duel avec ce type qui faisait deux têtes de plus que lui. Il a récupéré le ballon avec une telle facilité. Il savait déjà tout faire, à son âge : il avait une agilité technique hors du commun et une vivacité impressionnante. » Après deux saisons au CSM où il marquera but après but, il signe sans surprise dans le club voisin, le prestigieux Red Star de Saint-Ouen.
L’absence de ma famille a forgé mon caractère
« Au départ, je voulais rester avec mes copains de L’Île-Saint-Denis, explique Labidi. Basile Boli, un ami du maire, était venu un dimanche au stade pour la fête des sports. Ma mère voulait déjà que je quitte le CSM, mais c’est lui qui m’a convaincu de voir plus haut. »
Une toute petite année au Red Star lui suffit pour se faire remarquer, notamment par les dirigeants du CFFP, un centre de formation amateur situé à Orly (94). Cette fois, c’est son père qui le pousse à partir. « Ce centre m’a appris la rigueur : l’encadrement y était strict, quasi militaire. On était à quatorze dans les dortoirs. Mais on se marrait bien quand même », se remémore-t‑il. Pour la première fois, il est séparé des siens. « Même si je rentrais chaque week-end, c’était difficile : j’appelais ma mère tous les soirs. Mais ce manque a forgé mon caractère. »
Pour lui, les choses sérieuses commencent lors de la « détection annuelle » organisée par l’INF de Clairefontaine, le meilleur centre de formation d’Île-de-France. Il a 15 ans. Vingt-trois mille jeunes Franciliens sont au rendez-vous. Comme chaque année, seuls vingt-trois d’entre eux seront retenus : « Je stresse toujours un peu avant, avoue Labidi. Mais dès que je commence à jouer, j’oublie tout. »
L’INF, lui, ne l’oublie pas. Au bout de deux ans (au lieu de trois habituellement), les joueurs sont autorisés à partir. Lyon, qui le suit depuis ses débuts à l’INF, décide de l’engager. Au terme d’un contrat d’aspirant de trois ans, il refuse une offre de la Juventus Turin et préfère rester à l’OL, où il signe pour quatre ans. L’ex-international français chez les moins de 19 ans a terminé la saison meilleur buteur de la réserve en CFA.
Mais depuis qu’il est passé professionnel, en 2013, Zakarie Labidi n’a joué qu’à trois reprises en Ligue 1, vingt-quatre petites minutes de jeu seulement. La première fois, c’était le 28 février 2016, à l’extérieur, à Lille, où il est entré à la quatre-vingt-deuxième minute. « C’était magique et je suis resté concentré », dit-il humblement, malgré la défaite 1-0. Le deuxième match aura lieu à domicile contre le champion en titre, le PSG.
Labidi entre sur la pelouse de Gerland à trois minutes de la fin. Peu de temps de jeu ce soir-là, mais du rêve plein les yeux, puisque Lyon sera la première équipe de Ligue 1 à battre les Parisiens (2-1). À la cité Maurice-Thorez, où tout le monde soutient le PSG, où sa famille vit toujours et où il revient « chaque fois [qu’il] le peut », ses copains l’ont un peu chambré. « Ils m’ont dit : “Tu n’aurais pas pu jouer un autre match ?” »
Ils ne lui en ont pas tenu rigueur puisqu’en juin dernier il est parti quelques jours avec eux aux îles Canaries. « Je n’oublie pas d’où je viens : déjà parce que je me sens bien avec mes amis d’enfance, et aussi parce que notre amitié m’aide à garder les pieds sur terre. »
Pour la même raison, il se rend chaque année en Tunisie, le pays de son père. Il espère aussi découvrir l’Algérie, en particulier la Kabylie, « le bled natal » de sa mère. Pas fous, les deux pays du Maghreb l’ont déjà sollicité pour une possible sélection dans leur équipe nationale. Cet été, Labidi a repris l’entraînement avec l’équipe première de Lyon, aux côtés de Nabil Fekir, l’un des meilleurs attaquants français, bien déterminé à tout faire pour que cette année soit enfin la bonne, alors que son contrat s’achève en juin 2017.
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